Abdelmadjid Menasra, ancien ministre islamiste et fondateur du Front du changement, (un parti non encore agréé), a avertit hier contre le risque d’une «explosion sociale» en cas de fraude électorale lors des législatives du mois de mai.
«Je mets en garde le ministère de l’Intérieur contre toute velléité de fraude, car cela conduira inévitablement à une explosion sociale. Si on n’ouvre pas la porte au changement démocratique, on ouvrira alors la porte à l’anarchie et à ce moment-là, il ne servira à rien d’avoir des regrets», a-t-il averti au forum politique du quotidien arabophone «El Khabar». Menasra entré en dissidence avec son ancien parti, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), et qui doit tenir vendredi prochain son congrès constitutif, assure néanmoins que ses mises en garde «ne sont une menace contre aucun parti politique et contre aucune personne, mais simplement une exigence de donner la liberté au peuple de choisir celui qui le dirigera». Répondant à une question sur les SMS adressés par le département de Ould Kablia aux citoyens les incitant à aller voter, Menasra a souligné que «cette conduite s’inscrit dans le contexte caricatural des prochaines législatives ; s’adresser aux citoyens via des SMS n’est pas le rôle du ministère». «Cela pourrait avoir un effet contraire. J’appelle les responsables du ministère de l’Intérieur à donner plus de garanties et faire preuve d’impartialité, s’ils veulent que les Algériens se rendent aux bureaux de vote», a-t-il précisé. La mise en garde de Menasra fait écho à des avertissements similaires lancés ces derniers jours par d’autres chefs de partis islamistes qui se disent absolument convaincus d’une victoire aux prochaines législatives, dans la foulée des «printemps arabe», s’il n’y a pas fraude. «Je conseille au ministre de ne pas brouiller davantage les électeurs», a-t-il indiqué, tout en l’appelant à «réunir toutes les garanties incitant les électeurs à se rendre aux urnes, au lieu de faire des pronostics sur les résultats desdites élections». «En Tunisie, au Maroc et en Algérie, c’est le même peuple, le même désir de changement, la même envie de voir les forces islamistes gérer les affaires de la cité», oppose Menasra aux arguments de nombreux responsables du gouvernement qui revendiquent pour leur part «une exception algérienne» par rapport à l’émergence des formations islamistes dans des pays tels que la Tunisie ou la Libye. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia et son ministre de l’Intérieur, Dahou Ould Kablia, soutenaient encore jeudi dernier, à la clôture de la session parlementaire, que leur «hantise» n’était pas l’arrivée en force des islamistes, une perspective qu’ils écartent, mais plutôt le spectre d’une large abstention. Pas moins de huit partis islamistes vont participer aux prochaines législatives. Face à leur échec à constituer des listes communes d’une part, et leurs assurances qu’il n’y a pas de risque de «péril vert» d’autre part, ces formations se livrent à une surenchère sur le thème de la fraude électorale, mettant la pression sur le gouvernement. Ce dernier a visiblement opté pour une stratégie d’atomisation de l’électorat islamiste, en accordant généreusement et loin des tracasseries bureaucratiques habituelles de l’administration de nombreux agréments à des formations souhaitant s’ancrer dans cette mouvance. En revanche, le leader du parti d’obédience islamiste s’est dit optimiste pour le poids des nouveaux partis islamistes dans les prochains rendez-vous électoraux, ajoutant dans ce sens que le rôle du pouvoir devrait se limiter à l’organisation des élections transparentes et démocratiques. Par ailleurs, le même interlocuteur a exprimé son mécontentement de la déclaration faite par le ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, selon laquelle les islamistes n’auront pas la majorité lors des prochaines législatives, contrairement à ce qui a eu lieu dans certains pays arabes. Contrairement aux prévisions du ministre de l’Intérieur, Menasra a affirmé qu’«il est naturel que les islamistes auront la majorité lors des prochaines législatives, car il n’est pas logique de voir les Algériens voter pour des partis dits démocrates».
Salim Naït Mouloud