Le ministre des Travaux publics a prévenu que l’usager devra passer à la caisse pour pouvoir emprunter l’autoroute la plus chère du monde.
Le Forum de Liberté a reçu lundi le ministre des Travaux publics, Abdelkader Kadi, exceptionnellement en fin de journée pour lui permettre d’assister à un Conseil intergouvernemental tenu la matinée. Notre invité est donc revenu, à cette occasion, sur les principaux dossiers relevant de son secteur et, notamment, sur l’achèvement de l’autoroute Est-Ouest et son entretien.
Ce projet qui, selon le ministre, tire à sa fin n’en aura pas moins suscité la controverse adossée au scandale du siècle. D’emblée, le ministre préviendra que l’autoroute sera payante fin 2015. “Rien n’est gratuit sur l’autoroute. On ne peut pas subventionner son accès si l’on veut la garder en l’état !” Il a annoncé, à cette occasion, l’installation prochaine de centres de péages, de 1 300 caméras, d’équipements de sécurisation et d’une clôture en grillage.
“L’autoroute doit être payante sinon on n’aura plus d’autoroute du tout !” D’après lui, l’entretien continu, qui peut s’avérer fort coûteux, est, néanmoins, indispensable. La maintenance qui échoit aux directions locales des travaux publics (DTP) reste, selon lui, insuffisante : “Avec cette nécessité d’un caractère permanent à l’entretien de l’infrastructure, nous allons bientôt disposer d’un centre de suivi et de contrôle sous l’égide de l’Agence nationale des autoroutes.”
Et puis, l’infrastructure n’est pas destinée uniquement aux Algériens. “Il s’agit d’une route trans-maghrébine”, rappelle-t-il dans son argumentaire destiné à faire payer l’usager. S’agissant du prix d’accès, celui-ci n’est pas encore déterminé affirme le ministre, et ce, “tant que les travaux et le coût ne sont pas finalisés”. À propos, combien ça coûte une autoroute en Algérie ? Le ministre avoue, sans ambages, que le budget des travaux publics, “c’est beaucoup d’argent”. “Le gré à gré est étudié selon le mieux offrant et le plus performant”, assure-t-il.
Et s’il affirme que le recours aux entreprises étrangères est nécessaire, puisque les moyens de réalisation nationaux sont encore insuffisants, il reconnaît que les prix connaissent actuellement une “baisse terrible” pour une qualité constante. Par ailleurs, et s’agissant de ses prérogatives, il semble que le plan de charge très consistant en matière de chemins de fer, de métro et de tramways, et qui relève actuellement du ministère des Transports, semble ne pas laisser indifférent Abdelkader Kadi, qui estime qu’il s’agit-là de “vrais travaux publics”.
Comme personne ne peut le démentir à ce sujet, il regrettera, en termes d’aménagement du territoire, qu’on n’ait pas suffisamment associé l’autoroute et la voie ferrée. Mais ceci est déjà un autre débat !
Combien ça coûte ?
Interrogé précisément sur le coût de cette autoroute considérée par de nombreux observateurs comme “la plus chère du monde”, le ministre s’est montré, d’une manière évasive, plutôt précis. Jugeons-en : “Je vais vous donner des chiffres et vous allez faire le calcul vous-même. La réalisation d’un kilomètre d’autoroute coûte en moyenne 1 milliard de dinars en Algérie. L’autoroute est d’une longueur de 1 200 à 1 300 km, faites le compte !” Sans risque de se tromper de centaines de millions de dollars, on peut continuer à affirmer, dans ce pays de superlatifs, que nous avons, bel et bien, acquis l’autoroute la plus chère du monde.
Une “prouesse” que l’on ne peut passer sous silence même si le ministre refuse, pour l’heure, de parler de “surcoûts”. En effet, Kadi ne veut pas aborder ce sujet sans “décortiquer” la structure du projet. D’après lui, “il faut rentrer dans les détails !” Allons-y gaiement ! Quid, par exemple, de la résiliation du contrat avec le consortium japonais Cojaal ? “Toute entreprise défaillante sera sanctionnée conformément aux règlements et aux lois en vigueur”, assure-le ministre, qui n’a pas moins préféré botter en touche à ce sujet : “Je n’ai pas l’intention de m’étaler sur cette question. Le projet de contournement de Djebel Ouahch est pris en charge par l’Agence nationale des autoroutes. Je me limite à ça pour ne pas dévoiler ce que nous avons l’intention de faire…” Mystère et boule de gomme.
“Tout se fait dans la légalité”, selon lui. Parlons, alors, des malfaçons que les automobilistes constatent au fil des jours : “On enregistre plusieurs types de malfaçons. Certaines sont dues à une mauvaise exécution dans les travaux et d’autres à des vices cachés qu’on découvre par la suite”, constate-t-il. Il tient, tout de même, à rassurer les contribuables que nous sommes, que si ces “malfaçons” se révèlent avant la réception définitive du tronçon concerné, elle reste à la charge des entreprises réalisatrices.
Encore heureux que les travaux de reprise soient pris en charge par les entreprises fautives elles-mêmes. À leur décharge, le ministre trouve, à plusieurs endroits du tracé, un terrain à la morphologie compliquée, un “terrain accidenté, chahuté”. Pour lui, cela coule de source, une route ou une autoroute, cela s’entretient. Il trouve, ainsi, tout à fait normal qu’il y ait des travaux dits de “reprise”. “On prend nos précautions. Pour dédoubler une route ou construire une autoroute, si le terrain en pente a une déclinaison supérieure à 6%, cela peut engendrer de graves dangers. On essaye donc d’être de bons élèves !” Le ministre impute, toutefois, aussi la faute aux études qui n’ont pas été assez “approfondies”, selon lui, pour certaines zones. À titre d’exemple, les 33 km en cours de reprise sur le tronçon Lakhdaria-Bouira qui s’éternisent. “Il est vrai que cette reprise a tardé.
À cet endroit, le sol n’est pas normal. C’est un terrain glissant. Nous avons, d’ailleurs, inscrit à ce sujet une opération pour élaborer une étude générale pour examiner tous les terrains sujets à un glissement.” D’après le ministre, la déformation de la chaussée, à cet endroit précis, provient essentiellement de la “surcharge” des camions poids-lourds qui, selon lui, agirait directement sur l’état de la route. “Nous comptons acquérir du matériel de pesée pour pénaliser les camions surchargés à l’origine des dégradations”, annonce-t-il.
Un port à Alger, mais où ?
Et qu’en est-il des pénétrantes qui tardent à voir le jour ? D’après lui, la majorité des pénétrantes, notamment celles menant vers les ports et les zones industrielles, sont en cours de réalisation. Les travaux devant relier celle de Ghazaouet à Oran débuteront, annonce-t-il, le 10 novembre prochain. On apprendra que ceux de la pénétrante entre Mostaganem et Ténès ont déjà démarrés. À l’est, le ministre a évoqué la pénétrante entre Tizi Ouzou et Béjaïa, entre Jijel et Skikda. Il est question, également, de desservir le nouveau port en cours d’étude et de localisation au centre du pays. Par ailleurs, toutes les pénétrantes de l’intérieur du pays (Guelma, Batna, Mascara, etc.) vont, selon le ministre, desservir non seulement l’autoroute Est-Ouest, mais auront également une “liaison directe” avec l’autoroute des Hauts-Plateaux.
Questionné au sujet du tunnel de Djebel Ouahch qui s’est effondré à l’est du pays, le ministre est catégorique : “Il n’y a pas de foreuse ensevelie à l’intérieur.” Démentant, ainsi, l’information qui fait état de la présence d’une grosse machine sous les décombres. Relativisant l’effondrement de ce tunnel qui a coûté beaucoup d’argent et suscité nombre d’interrogations, Kadi met en avant le fait que le contournement des tunnels était prévu dès le départ. “Ce n’est pas pour abandonner l’idée du tunnel, mais il faut savoir qu’on a prévu, à chaque fois, des voies de contournement en cas de force majeure comme les séismes ou les actes de sabotage.
Concernant Djebel Ouahch, on a tracé une voie qui contourne le tunnel sur une distance de 13 km.” Déclinant les autres chantiers dont il a la charge, le ministre a longuement évoqué l’autoroute des Hauts-Plateaux qui lui tient particulièrement à cœur, étant lui-même un “enfant de la région”. En annonçant qu’il est prévu de relier Saïda à Tiaret, il révélera que pour marquer le 60e anniversaire de la Révolution de Novembre, une cérémonie de lancement des travaux de l’autoroute, devant relier, sur une distance de 102 km, Batna à Khenchela, aura lieu prochainement. Une prolongation vers Tébessa serait également prévue.
À l’Ouest, il est prévu un dédoublement de la route Béchar-Naâma et El-Bayadh. Il y a aussi le projet d’ériger la célèbre route nationale 1 (RN1) en autoroute dont les travaux vont bon train. Le ministre qualifie cet axe de “colonne vertébrale de l’Algérie”, d’autant qu’elle est reliée au sud à la route panafricaine. “D’une manière générale, toutes les routes sont appelées à être modernisées, mêmes les chemins de wilaya ou les chemins communaux.” Abordant les autres dossiers relevant de son secteur, Kadi a annoncé que plusieurs projets d’extension de pistes ou de parkings d’avion sont en cours dans plusieurs aéroports du pays.
De nouvelles pistes d’atterrissage à Tiaret, Timimoun et à Jijel sont déjà fonctionnelles, annonce-t-il. Il reste seulement à prouver a posteriori leur utilité économique, sinon leur opportunité. Enfin, l’invité de Liberté a abordé les études d’un grand port au centre du pays qui, selon lui, serait actuellement en cours de localisation. D’après le ministre des Travaux publics, l’implantation de ce port qui, au-delà de sa superficie, fixée d’ores et déjà à 100 hectares, dépend particulièrement de la profondeur du tirant d’eau. Affaire à suivre !
M.-C. L.