«La vision de l’avenir des responsables actuels est étriquée», a estimé l’ancien diplomate.
Tout donne à penser que pour Abdelhamid Mehri, qui a été consulté par la commission Bensalah, tout a été stoppé net en 1989. L’annonce de la révision de la Constitution et de certaines mesures économiques totalement liées aux réformes politiques auraient mis fin à une certaine dynamique qui s’est enclenchée au lendemain de la révolte d’Octobre 1988.
«L’action du régime a été, quelles que soient ses apparences, entièrement tendue vers l’arrêt de ces réformes. Pour des raisons extérieures sans doute, il était difficile de se contenter seulement d’annuler ce qui a été fait. L’effort a consisté aussi à tendre vers la mise en place d’une démocratie formelle avec le maintien d’un multipartisme formel, une Constitution acceptable, des élections et une séparation théorique des pouvoirs. Donc, du point de vue théorique et des textes, on se donne l’allure d’un régime acceptable», a estimé l’ancien secrétaire général du Front de libération nationale dans un entretien accordé au journal La Nation.
L’ex-ambassadeur d’Algérie en France n y a pas été avec le dos de la cuillère pour faire griefs de ces changements de façade à ses interlocuteurs. «J’ai expliqué aux membres de la Commission que leur mission porte sur les apparences alors que le régime que l’on veut changer n’est pas soumis aux textes.» Quels sont les arguments qui ont été mis en exergue par l’ancien diplomate? «J’ai cité des exemples. La fraude électorale n’est autorisée par aucun texte et ne peut être bannie, réellement, par un simple texte. J’ai dit à la Commission que l’éventuel changement des textes ou leur amélioration peut être l’aboutissement d’une démarche, il ne peut être son commencement», a souligné Abdelhamid Mehri. A-t-il fait des propositions? «Ce qu’il faut préalablement corriger, c’est de sortir de la démocratie de pure forme. Cela ne peut venir d’un changement dans les textes mais par un accord politique, fruit d’un dialogue national entre l’ensemble des forces politiques. Je leur ai dit que la mission de leur commission commence d’emblée par une exclusion.
Des forces politiques ont décliné l’invitation, mais il n’y a pas d’efforts pour essayer d’en comprendre les raisons», a confié celui qui est considéré comme un fin observateur de la scène politique algérienne. Puis, il met en garde contre ces formes d’exclusion qui conduisent à des autoritarismes qui ont conduit à l’intervention de puissances étrangères.
La jonction est ainsi faite avec les révoltes arabes et la crise libyenne. «Quand El Gueddafi réprime son peuple de façon atroce et le proclame, il fournit tous les alibis aux puissances occidentales pour intervenir avec l’appui de leurs opinions qui étaient réticentes. Le volet sécuritaire est évidemment présent dans tout changement important qui touche les structures d’un Etat. «Ce qu’on appelle le printemps arabe nous révèle, aussi, l’ampleur des méfaits des régimes arabes autoritaires que nous soupçonnions mais qu’on ne voyait pas concrètement. Ce sursaut intervient, c’est un symbole, 50 ans après l’indépendance algérienne…Est-ce la fin d’un cycle?» s’interroge l’ancien diplomate. L’Algérie échappera-t-elle à ce vent de démocratie et de liberté qui souffle sur les pays arabes et qui risque de tout emporter. «Quels que soient les méfaits du régime, il est arrivé à une situation d’incapacité totale.
L’Algérie vit sur les hydrocarbures depuis l’indépendance et durant 50 ans rien n’a été fait pour en sortir. Le régime est incapable de lancer une politique économique qui prenne le relais», a fait remarquer l’ex-secrétaire du Front de libération nationale qui fait un constat implacable de la manière dont sont gérées les affaires du pays. «La vision des responsables actuels de l’avenir est étriquée. Il n’y a aucune vision capable de mettre le pays sur les rails.» Une analyse claire et sans concession pour remettre sur les pieds une Algérie qui marche sur la tête.