Abdelhamid Larbi, expert en lutte antiterroriste, à l’Expression: « La riposte des policiers a fait échouer l’attentat »

Abdelhamid Larbi, expert en lutte antiterroriste, à l’Expression:  « La riposte des policiers a fait échouer l’attentat »

Dans l’entretien qu’il nous a accordé, l’expert en lutte antiterroriste, Abdelhamid Larbi, nous explique la mécanique du kamikaze et les raisons de l’échec de l’attentat de Tiaret.

L’Expression: L’attentat de Tiaret, suppose-t-il que tout un réseau y soit derrière? Pourrait-on craindre d’autres à Tiaret et ailleurs en Algérie?

Abdelhamid Larbi: L’attentat perpétré contre le siège de la sûreté de la wilaya de Tiaret est le dernier recours possible des terroristes, au regard de la fermeture hermétique des frontières et les différentes opérations engagées par les forces de sécurité.

Il faut dire que les résultats concrets obtenus par le déploiement de l’ensemble des services de sécurité algériens limite considérablement le choix des terroristes. Ils n’ont présentement aucun moyen de réussir une action d’éclat. D’ailleurs, cette opération est en réalité un échec du point de vue technique, si je puis dire. Parce qu’il est impossible aux terroristes d’agir dans l’environnement sécuritaire algérien, leur choix s’est apparemment porté sur la police, pensant qu’elle représente le maillon le plus faible du dispositif sécuritaire.

L’analyse des commanditaires de cet attentat est on ne peut plus simple. Estimant la vulnérabilité du corps par la nature même de sa mission qui le met en contact permanent avec la société, l’approcher par un kamikaze est assez aisé, du fait que les commissariats sont des endroits ouverts aux citoyens. Suivant ce raisonnement, ils ont tenté une opération à Constantine en avril dernier. La riposte des policiers a fait échouer l’attentat. Pensant sans doute que ce qui s’est produit à Constantine était dû à un concours de circonstances, ils ont essayé à Tiaret. Mais ils ont, là aussi, buté devant une réaction très efficace des agents de sécurité. La police d’aujourd’hui n’est pas celle des année 90.

Le terroriste auteur de l’attentat est connu des services de police. Son itinéraire nous informe-t-il sur le profil type d’un kamikaze algérien?

Au risque de me répéter, j’estime que le choix des opérations kamikazes est le seul recours possible pour les terroristes actuellement pour marquer une présence médiatique. J’insiste sur ce fait, parce que cela me semble fondamental dans l’équation du terrorisme en Algérie. Cela étant dit, les candidats pour ce type d’opération seront recrutés assez facilement dans la mesure où l’usage des amphétamines, ainsi que du captagon, d’ailleurs largement utilisé par les terroristes de Daesh et du Front Enosra en Syrie et en Iraq et dont les résultats obtenus sont impressionnants. Cette formule à base de drogue met le consommateur dans un état d’hystérie.

Elle le stimule dans le sens de lui conférer beaucoup d’énergie et d’engagement sans peur. Le kamikaze peut se passer de sommeil et de nourriture. Il se trouve très sensible à des prêches sur le paradis et hour al aine etc… En fait, un kamikaze est un être humain, je dirais, chimiquement conditionné. On peut donc facilement créer un kamikaze algérien. C’est à peu près le même profil en Syrie, en France, en Belgique qu’en Algérie.

Tout le monde s’accorde sur l’échec du terroriste grâce au courage du policier qui a empêché l’attentat en sacrifiant sa vie. Que vous inspire le geste de ce policier?

Un geste digne d’un Algérien. La foi, le courage et l’engagement sont la force de frappe de nos hommes dans l’Armée ou dans les autres services de sécurité. L’Algérien a hérité ces qualités de nos ancêtres les chouhada et moudjahidine de la guerre de Libération nationale. Nos aînés ont toujours inspiré nos forces.

Il faut savoir que les policiers, héros de l’Algérie, à Constantine et Tiaret et partout sur le territoire national, sont les dignes descendants des héros de la guerre de libération. Un autre facteur, tout aussi déterminant, est en rapport avec la formation des agents de sécurité. Celle-ci est d’excellente qualité. Elle est sans doute pour beaucoup dans les réactions de nos policiers. C’est le deuxième acte de bravoure après celui du siège de la sûreté urbaine de Constantine. En fait, il ne s’agit nullement de réaction isolée, mais le résultat d’une formation de haut niveau.

Le directeur général de la Sûreté nationale a mis en exergue le courage du policier martyr et souligné le niveau de vigilance atteint par la Police nationale. Pensez-vous, au regard de la situation sécuritaire dans le pays, que la menace terroriste est réellement maîtrisée?

La menace terroriste est presque réduite à zéro grâce à l’engagement de nos forces. La stratégie adoptée par le vice-ministre de la Défense, chef d’état-major de l’ANP depuis la prise en main du dossier de la lutte antiterroriste a paralysé les terroristes et a limité leurs actions. A cela, il faut surtout admettre que la police n’est plus le maillon faible.

En fait, toute la stratégie algérienne contre le fléau terroriste a fait en sorte à ce qu’il n’y ait dans le dispositif aucun maillon faible. Cela n’est pas le résultat du hasard, mais grâce à une très solide politique de formation, associée à un degré de vigilance élevé. L’aboutissement de tout ce travail conduit tout le monde à admettre que la maîtrise de la menace terroriste est une réalité palpable en Algérie. L’attentat manqué à Tiaret en est la preuve. Et l’absence de toute médiatisation par les chaînes occidentales confirme cet état de fait. Si aucune télévision n’a estimé important de faire de ce qui s’est passé à Tiaret un sujet phare de son JT, c’est que le terrorisme a véritablement échoué en Algérie.