La location estivale est un créneau livré à toutes sortes de dérapages sans aucune garantie pour les deux parties, propriétaire et locataire.
C’est pourquoi, une réglementation en la matière est urgente, selon le vice-président de la Fédération nationale des agents immobiliers (Fnai), Abdelhakim Aouidat, qui explique les priorités vue la rentabilité de ce créneau, dans cet entretien accordé au Temps d’Algérie.
La location estivale se fait dans l’informel. Qu’en pense la Fnai ?
La location estivale est une culture qui doit être accompagnée de textes. Ces derniers doivent être accompagnés de textes d’application et de mécanismes. Malheureusement, ce créneau est récent et nouveau.
Donc, au lieu que nous contribuons pour trouver des solutions à ces locations estivales, nous sommes toujours en attente du fameux décret sur l’agent immobilier, qui bloque.
Ainsi, l’agent immobilier est plus préoccupé par sa survie. Pour l’heure, la préoccupation majeure de la Fnai est la rétroactivité du décret 09-18 mais la réalité est que c’est vrai il y a un marché qui se crée depuis une dizaine d’années car avant, les Algériens se rendaient en vacances en Tunisie.
Ce marché est très important et très porteur si on (pouvoirs publics) se penche dessus.
Il suffit de le cadrer juridiquement et trouver les mécanismes adéquats pour mettre à l’abri le locataire et le propriétaire. Il est vrai que des particuliers bâtissent de petits immeubles et louent sans papiers. Il n’existe pas de règles.
S’il y a ces contrats de location estivale, il faudra réfléchir aussi à la fiscalité car cela revient très cher.
Il faudra trouver une formule afin de réduire au maximum les frais car le locataire risque de devoir payer des taxes plus élevées que le coût de la location pour une durée déterminée et courte. La Fnai, en tant que véritable partenaire des pouvoirs publics, tente de trouver des solutions à ces nouveaux créneaux.
Y a-t-il eu une réflexion au sein de la Fnai sur ces locations estivales ?
Bien sûr et nos propositions portent sur l’élaboration de textes spécifiques à cette location estivale car elle est différente de la location immobilière annuelle. Car il ne suffit pas de se déplacer chez un notaire et établir un contrat.
Il y a un problème pratique car souvent on loue meublé. Il faudra déterminer un barème pour l’agent immobilier,un barème pour le notaire, déterminer les conditions à l’entrée et à la sortie de ce genre de location et faire préalablement un état des lieux rapide. Comment sera l’acte, sera-t-il enregistré ou sera-t-il un acte uniquement établi chez un notaire ? Il faudra réunir toutes ces conditions pour parler d’un marché immobilier estival. Nous y avons déjà pensé mais pour y arriver, le marché doit être structuré.
Un autre phénomène est apparu en Algérie, des Algériens louent leurs propres demeures durant la saison estivale. Ce qui ne ressemble pas aux mœurs des Algériens. Ne s’agit-il pas d’une concurrence sur ce créneau ?
En effet, certains résidents en bord de mer louent leurs résidences. Cela se passe même en Tunisie, mais là-bas c’est réglementé.
Il est temps de se pencher sur le sujet car c’est très important car une fois les vacances terminées, les tribunaux auront à traiter pas mal d’affaires de litiges liés à la location estivale. Des litiges portant sur les dégâts occasionnés par le locataire alors que le propriétaire n’a pas pris de cautionnement, absence d’intermédiaire officiel, ce qu’on appelle chez nous «semsar».
Certaines opérations se font entre particuliers, souvent le propriétaire a recours à un site internet en introduisant des annonces. Les résidents à l’étranger se font souvent piéger car ils ne peuvent vérifier la véracité de l’annonce avant réservation mais une fois sur place ils découvrent la surprise.
Concernant l’acompte, rien ne peut le prouver, et en cas de désistement le locataire éventuel prend le risque de ne pas se faire rembourser. Quelle solution pourrait prémunir les deux parties ?
Sur un plan pratique, le cautionnement est recommandé car le strict minimum existant dans le bien immobilier a une valeur mais il subsiste une interrogation : comment garantir que le propriétaire rembourse et le locataire le soit aussi. Il faut un mécanisme qui le permet. Un travail de réflexion s’impose pour solutionner ce problème.
Cela demandera un peu de temps mais il faudra se pencher essentiellement sur cet aspect en le réglementant. Il s’agit d’opérations rapides et de durées très limitées, généralement pour la période de juillet et août de chaque année. Il est plus qu’urgent de trouver la solution pour sécuriser le bailleur et le locataire.
Certaines agences se sont lancées dans la location estivale. Comment se répartit le marché actuel ?
Actuellement, la Fnai compte 1900 adhérents, mais chaque wilaya a son bilan, d’autant que seules les wilayas du littoral sont concernées. A titre d’exemple, dans celles de l’est comme Béjaïa, Jijel jusqu’à Annaba, certains agents immobiliers, qui ne sont pas adhérents, procèdent d’une manière que nous considérons comme anormale, en absence de protection, loue et reloue, soit le recours à des sous-locations, sans aucun papier. Ce qui est encore plus grave. A l’ouest, ce genre de formule n’est pas très répandue.
C’est pourquoi, il est nécessaire de cadrer juridiquement ce genre d’activité car cela va booster le secteur immobilier estival et le tourisme au-delà de l’estivant algérien en attirant grâce à une réglementation très claire même les étrangers. De plus, les prix vont baisser. Le secteur sera compétitif par rapport à la Tunisie et la France vu la valeur du dinar et les coûts seront divisés par 5, voire 6. Les prix pourraient être de 50% moins chers en comparaison avec le sud de la France.
Certaines agences refusent de se lancer dans la location estivale car pour elles les prix sont excessifs. Qu’en pensez-vous ?
En tant qu’agent immobilier, honnêtement, je ne m’aventure pas dans ce genre de location à cause des problèmes qui en découlent. Je suis un commerçant, donc je ne gagne rien sur ce genre de créneaux. Personnellement, je ne peux m’y aventurer parce que rien n’est clair.
Du côté de la justice
Selon le secrétaire général du Syndicat national des magistrats, Djamel Aïdouni, «les affaires de litiges liés aux locations estivales sont des cas isolés et souvent elles n’atterrissent pas devant les tribunaux car souvent ce sont des transactions officieuses qui ne passent pas par le notaire». Il a ajouté que «les gens de la classe moyenne ont souvent recours à ce genre de location faute d’infrastructures estivales à des coûts abordables pour cette classe».
Par ailleurs, contacté par téléphone, le ministère de la Justice a fait savoir que ces affaires ne sont pas comptabilisées ni identifiées mais elles sont traitées comme affaire civile ou immobilière et foncière au niveau des tribunaux. A leur niveau, aucun bilan détaillé n’est disponible pour connaître l’ampleur de ces genres d’affaires.
Fella M.