La Journée mondiale de la liberté de la presse est célébrée chaque année le 3 mai depuis 1991. A cette occasion, Abdelali Rezagui, enseignant à l’institut des sciences de l’information et de la communication, a estimé que l’Algérie ne pourra pas enregistrer d’avancées en matière de liberté d’expression tant qu’on continue de négliger l’application des lois de 2012 et de 2014 régissant la liberté de la presse.
L’Algérie, à l’instar des autres pays, célèbre la Journée mondiale de la liberté de la presse. Selon vous, où peut-on situer l’Algérie en matière de liberté de la presse ?
La Journée mondiale de la liberté de la presse fête son 26e anniversaire. L’évaluation de la liberté de la presse et de l’indépendance des médias est nécessaire. Il s’agit d’un principe fondamental dans tout pays qui se respecte et se base sur le respect de la loi. En Algérie, c’est différent. Les lois de 2012 et de 2014 régissant la liberté d’expression et de la presse ne sont pas appliquées. Aucun organe médiatique, de presse écrite ou audiovisuelle (radio et télévision), étatique ou privé, et même la presse électronique, n’est compatible avec ces deux lois. Je cite l’exemple des quotidiens nationaux étatiques Echaab et El Moudjahid. Ces deux titres ne sont pas conformes avec ces lois. Donc, à mon sens, on ne peut pas parler de liberté de la presse tant que la loi n’est pas appliquée dans toute sa rigueur. Peut-on parler d’avancées? Je dirai que non.
Comment expliquez-vous que les projets de l’Autorité de régulation de la presse et le code de déontologie sont toujours en chantier ?
Si on n’avance pas, on recule, et c’est le cas. L’Algérie est arrivée à la 134e place au classement de la liberté de la presse 2017 de l’ONG Reporters sans frontières (RSF) et perd ainsi 5 places par rapport à 2016. Si on continue de négliger l’application des lois de 2012 et de 2014, tous les projets visant à promouvoir la liberté d’expression et de la presse n’atteindront pas leurs objectifs. Le ministère de la Communication n’a pu pour le moment que délivrer la carte professionnelle de journaliste, alors que ce n’est pas à lui de juger si tel ou tel est associable à la profession de journaliste ou non. Quant à l’Autorité de régulation de l’audiovisuel, censée veiller au libre exercice de l’activité audiovisuelle, à l’impartialité, à l’objectivité, à la transparence, elle a été installée par le premier ministre le 20 juin 2016.
L’Arav n’est cependant pas adaptée au décret signé auparavant par le président de la République. Pour ce qui est du code de déontologie régissant la profession de la presse, il faut savoir qu’un seul média a son propre code de déontologie, tandis que les autres ont ce qu’on appelle un «code d’honneur» ou «registre» sous forme de contrat de travail. Il faut savoir que la législation algérienne a pris en compte le volet de la déontologie de la liberté d’expression et de la presse. Donc, je ne vois pas l’utilité de faire un autre code. Il faudrait plutôt penser à donner un meilleur environnement de travail aux professionnels des médias.
A ce propos, les difficultés socioéconomiques des professionnels de la presse sont-elles prises en considération par les autorités publiques ?
Les pouvoirs publics devaient encourager et développer les initiatives en faveur de la liberté de la presse. Ils sont tenus de respecter leurs engagements en faveur de la liberté de la presse et créer un environnement sain. Ceci ne peut être réalisable si leurs problèmes d’ordre social et professionnel ne sont pas pris en charge. Le département de Grine avait annoncé la création d’un fonds d’aide pour la presse. Mais rien n’a été fait pour aider certains titres à sortir de leur crise financière. D’autres n’arrivent pas à payer les travailleurs depuis plus de quatre mois, comme c’est le cas de Sawt el Ahrar. Ce qui a mis à mal cette profession également, c’est qu’il n’existe pas une loi portant sur la publicité. Plusieurs titres de presse écrite ou chaînes télévisées ou site internet n’ont pu bénéficier de la publicité de manière équitable. Ce qui est d’ordre social, les journalistes et travailleurs des médias font face à des problèmes récurrents. Le logement, les problèmes de santé et également la disparité dans l’attribution des salaires. L’Etat est appelé donc à faire valoir les droits des gens de la presse en appliquant la loi.