ABDALLAH DJABALLAH, PRÉSIDENT DU FJD, À L’EXPRESSION « Ould Kablia a annoncé la fraude »

ABDALLAH DJABALLAH, PRÉSIDENT DU FJD, À L’EXPRESSION « Ould Kablia a annoncé la fraude »

L’Expression: Quelle lecture faites-vous des élections locales prévues le 29 novembre prochain?

Abdallah Djaballah: Pour le Front pour la justice et la démocratie (FJD), les prochaines élections locales représentent une fois de plus, une énième pièce de théâtre. Cela explique parfaitement notre boycott pour ces élections que nous qualifions de non-événement et dont les résultats sont connus et décidés d’avance par le pouvoir. Donc, il va sans dire que ces élections locales ne sont qu’une pièce de théâtre montée par les cercles décisionnels.

C’est une pièce montée de toutes pièces pour donner l’allure d’une élection. Néanmoins, les formations politiques en lice sont en réalité appelées juste pour assumer des rôles de figurants. Mais aussi et surtout pour mieux aménager la scène politique nationale et assurer un décor permettant de tromper le peuple et assurer une image vitrine pour l’opinion internationale. On peut affirmer, sans risque de se tromper que depuis l’arrêt du processus électoral en 1992, l’Algérie n’a pas encore connu des élections libres et démocratiques.

Cependant, nous avons assisté à des mascarades électorales auxquelles le peuple est invité, non pas pour décider de son destin, mais juste pour cautionner un jeu politique dicté par le pouvoir, ne cherchant de qu’à maintenir la mainmise sur le peuple et ses richesses. Cela est d’autant plus vérifiable dans le discours électoral entretenu par les partis politiques participant à ces élections.

C’est un discours qui est en déphasage avec le peuple, un discours qui ne suscite nullement la curiosité des citoyens. Car, il ne reflète que les soucis et les intérêts des participants. Cela explique d’ailleurs, le désintérêt manifeste affiché par les citoyens lors de la campagne électorale en cours.

Vous voulez faire croire que les élections locales ne suscitent pas l’intérêt du citoyen?

Il faut dire que le discrédit frappe l’action politique nationale. Cela dit, la vie politique nationale devient de plus en plus floue et n’offre aucune visibilité à long terme.

En effet, le pouvoir et les partis évoluent dans un environnement politique vieillissant, coupé des véritables réalités de la société. Donc, tout ce qui fait courir aujourd’hui les formations politiques n’est pas dans l’intérêt des citoyens, mais de leurs propres intérêts. Ce sont les avantages et les bienfaits de la «mangeoire» qui font courir tous ceux qui se sont mis dans le jeu électoral.

C’est pourquoi le peuple qui a saisi parfaitement cette triste réalité, manifeste l’indifférence et un désintéressement total à l’égard d’une classe politique domestiquée.

Il y a lieu donc de noter que les formations politiques en lice évoluent en proximité avec les rouages décisionnels, attendant, chacun à son tour, de bénéficier de son quota ou de ses parts dans les institutions pour service rendu ou pour sa compromission manifeste au détriment de ses idéaux mais aussi au détriment de l’intérêt général. Tout cela explique et renseigne sur l’abstention enregistrée durant chaque élection électorale.

Une abstention qui est également attendue lors des élections du 29 novembre prochain. Toutefois, il faut noter que le pouvoir a bel et bien anticipé les résultats en annonçant par la voix de son ministre de l’Intérieur que le taux de participation oscillera entre 45 et 50%. Il s’agit-là en fait, d’une fraude annoncée avant l’heure, histoire de normaliser les résultats et couper court aux spéculations des uns et des autres au lendemain des résultats. Mais, aussi, la déclaration du ministre de l’Intérieur constitue une mise en garde contre les mauvaises langues, qui osent dire le contraire.

Comment expliquez-vous la décomposition de la mouvance islamiste qui a donné naissance à plusieurs partis politiques au lieu de renforcer leurs rangs?

La décomposition que vous soulignez n’est pas propre aux islamistes. Néanmoins, il faut dire à l’évidence que c’est un phénomène qui touche toute la classe politique nationale.

Tous les partis politiques n’ont pas été épargnés par les dissensions. Il n’y a pas seulement les partis islamistes qui sont touchés par les divisions. Donc, je pense qu’il est urgent de créer des nouveaux mécanismes organisationnels et de mobilisation pour réhabiliter le politique et lui donner un sens, un corps, une substance pour sortir cet environnement politique national frappé par le discrédit et totalement pollué.

C’est la seule voie de salut qui peut nous permettre, à coup sûr, de saisir les tendances et volontés réelles de la société en mutation profonde pour l’accompagner et lui tendre la main afin de la sortir des crises récurrentes qui l’ont prise en otage et bloquent son élan et son mouvement du changement.