Les abattements fiscaux décidés par le gouvernement pour enrayer la hausse des prix du sucre et de l’huile sont une réponse à une situation « exceptionnelle », estiment dimanche des experts, selon lesquels il faut s’attaquer aux »vrais problèmes ». Ces mesures, prises samedi lors d’un Conseil interministériel présidé par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, portent sur une suspension et une exonération des droits de douanes, de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de l’Impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) représentant un total de charge fiscale de 41%, qui vient en déduction des prix de revient de ces deux produits de première nécessité.
Elles ont été instaurées pour une durée de huit (8) mois à compter du 1er janvier jusqu’à fin août 2011. « Je pense qu’il s’agit de mesures exceptionnelles qui répondent à une situation exceptionnelle », a ainsi déclaré le directeur de l’Institut de développement des ressources humaines d’Oran (IDRH), Mohamed Bahloul.
« Cela traduit une nouvelle approche où c’est à l’Etat d’assumer et de supporter le coût » des fluctuations des cours de produits alimentaires sur les marchés internationaux « au lieu de les répercuter directement sur la population », a poursuivi M. Bahloul, ajoutant que le gouvernement est intervenu dans le cadre de son rôle de régulateur du marché.
Pour lui, ces abattements temporaires devraient prendre effet immédiatement et le prix final des produits concernés est appelé à baisser rapidement.
« Toutefois, en raison de la spéculation, le marché risque de prendre un certain temps avant de réagir », a-t-il reconnu estimant que les organismes publics de contrôle et de régulation « ont un important rôle à jouer pour veiller à une application stricte des nouvelles mesures ».
M. Bahloul a, d’autre part, estimé que ces décisions, prises dans l’urgence, « demeurent insuffisantes car elles répondent à une conjoncture spécifique, alors qu’il faudrait surtout s’attaquer à la structure de la problématique ».
« C’est pour cela qu’il faut relancer et actualiser le débat sur la nécessité pour l’Algérie d’être autonome sur le plan agroalimentaire », a-t-il dit.
Le directeur de l’IDRH a, dans ce sens, jugé urgent pour les pouvoirs publics de mettre en valeur le potentiel agricole du pays, notamment les filières stratégiques comme les céréales et le lait.
L’expérience a montré que l’encouragement de ces deux segments a donné d’importants résultats ces trois dernières années, a-t-il ajouté.
De son côté, l’économiste et professeur à l’université Mentouri de Constantine, M. Azzedine Benterki, a indiqué que les mesures annoncées samedi par les services du Premier ministère « correspondent au rôle dévolu au gouvernement en matière de régulation du marché ».
»Elles auraient dû être prises, dans la même logique, dès les premières tensions apparues sur les marchés mondiaux des produits agricoles de base fin 2007 », a-t-il dit.
M. Benterki a ajouté, dans une déclaration à l’APS, que d’autres « mesures d’accompagnement devraient être ajoutées à cette série de décisions ».
Il s’agit, entre autres, « d’encourager et de promouvoir les filières des produits sensibles » comme les céréales, le lait et les oléagineux à travers, notamment, des incitations fiscales.
Le même universitaire a mis l’accent sur le rôle »irremplaçable » de l’Etat qui doit « veiller au libre recours des importateurs au marché mondial, afin de tirer bénéfice rapidement, des baisses des cours et les répercuter tout aussi rapidement, sur le marché local, tout en assurant la prévention des risques liés à des situations de monopoles locaux ».
Il a ajouté que l’Etat « doit pleinement assumer son rôle, et sans faiblesse aucune, de régulateur du marché, et empêcher constamment la constitution de monopoles qui représentent un risque permanent ».
Par ailleurs, l’économiste Salah Mouhoubi a affirmé que le nouveau dispositif provisoire « est un geste de bonne volonté de la part des pouvoirs publics qui réaffirment, à travers cette action, leur préoccupation pour la protection du pouvoir d’achat des citoyens et de la stabilité sociale du pays ».
A la faveur de ce geste, les prix du sucre et de l’huile devraient connaître « une baisse significative » dans les prochains jours, a indiqué M. Mouhoubi dans une déclaration à la Radio nationale.
Cet économiste a, néanmoins, mis l’accent sur la nécessité d’accompagner ce dispositif par des mesures permettant de « renforcer la lutte contre la spéculation et le commerce informel » à travers le durcissement des sanctions administratives et pénales.