Abandon de milliers de chaussures à la Safex

Abandon de milliers de chaussures à la Safex

Des centaines de cartons éventrés jetés pêle-mêle par terre, entassés par endroits et superposés sur une hauteur d’un mètre au moins, laissent entrevoir des chaussures noires pour enfants et adolescents ainsi que des sandales.

A l’effigie de la société Mac Soum (manufacture Soummam) de Béjaïa, ces cartons sont entreposés dans un immense hangar, cadenassé, appartenant au ministère de la Solidarité, et situé dans l’enceinte de la Safex (Société des foires et expositions) sise aux Pins maritimes à Alger et dont quelques parois métalliques ont été forcées pour laisser entrevoir l’intérieur.

La marchandise est envahie par des détritus et des toiles d’araignée, mais aussi par des chats errants. Une image désolante qui dénote une flagrante situation d’abandon.

En fait, selon les informations recueillies sur place, ces chaussures ont été acquises par le ministère de la Solidarité, après le séisme de 2003 qui a frappé la ville de Boumerdès auprès de la société publique Mac Soummam, pour un montant de 200 millions de dinars (20 milliards de centimes).

Une information que les responsables de la société publique ont confirmée tout en précisant avoir fourni les chaussures au ministère de la Solidarité.

Mais, au lieu d’être distribuées aux enfants sinistrés et démunis, elles ont été carrément oubliées, pour ne pas dire abandonnées.

Un agent qui travaille non loin de cet hangar depuis des années. « Je sais qu’il appartient au ministère de la Solidarité, puisque j’ai assisté au déchargement des cartons. Mais depuis, aucun carton n’a quitté les lieux. C’est un gâchis », révèle notre interlocuteur.

Contactés pour plus d’informations, les responsables du ministère de la Solidarité ont donné des explications peu convaincantes.

Tout en reconnaissant que ces chaussures ont été bel et bien achetées après le séisme de 2003, auprès de la société Mac Soum, au profit des enfants et adolescents sinistrés et démunis, nos interlocuteurs précisent : « Le hangar sert pour le stockage et n’a jamais été abandonné. Nous distribuons ces chaussures selon la demande. Nous avons déjà offert une partie aux enfants du Sud et des Hauts-Plateaux qui sont venus passer les vacances au Nord, et pas plus loin qu’hier, 500 paires de chaussures ont été prises pour être envoyées en Tunisie, pour notre communauté vivant là-bas ».

Selon le directeur de la solidarité, la commande de ces chaussures a été faite par le ministère dans le but d’assurer aux 555 ouvriers de la société publique Mac Soum, menacés de chômage, de bénéficier d’un plan de charge qui évitera la fermeture de leur usine.

« La livraison s’est faite en plusieurs tranches et la dernière a eu lieu en 2004. Nous ne pouvions pas toutes les donner en même temps. Nous distribuons selon la demande qui nous parvient des wilayas et des régions isolées. Le reste de la cargaison n’est pas abandonnée », a expliqué le même responsable, qui insiste pour nous convaincre que la matinée où les photos ont été prises (hier) 500 paires de chaussures ont été retirées et transférées ailleurs pour être distribuées.

Or, lors de notre passage, rien n’indiquait que des personnes sont passées par la porte d’entrée du hangar, bloquée d’ailleurs par des cartons éventrés.

Les cadenas qui scellent le portail métallique du hangar sont tellement rouillées que celui-ci ne semble pas avoir fonctionné depuis des mois, voire des années.

Quelles que soient les raisons que l’on pourrait évoquer pour justifier cet abandon, le constat effectué sur place est désolant, pour ne pas dire révoltant, surtout quand on sait que des milliers d’enfants n’ont pas eu la chance d’avoir des chaussures neuves pour fêter l’Aïd ou pour aller à l’école.

Salima Tlemçani