Ils sont nombreux à dénoncer le travail dans les sociétés étrangères qui, selon eux, se fait loin de la réglementation en vigueur.
“Cela fait presque deux ans que je travaille dans cette entreprise et je n’ai jamais perçu mes allocations familiales. À chaque fois, on nous dit qu’elles ce sont à la charge de la Cnas. Mieux encore, on nous demande d’accomplir des missions en dehors de notre base sans nous donner un ordre de mission justifiant notre sortie.
On se demande alors s’il nous arrive un malheur au cours de notre déplacement, on fera quoi et comment pour prouver que nous étions en mission ? Parfois, on parcourt jusqu’à 700 km sans ce papier administratif pourtant obligatoire. Si tu réclames, tu seras licencié d’office”, se lamente un employé de l’entreprise chinoise CPECC, chargée de la réalisation et du suivi du méga projet de l’ADE, portant transfert d’eau potable de In salah à Tamanrasset.
“On nous interdit d’exercer notre droit syndical conformément aux lois algériennes. Réclamer ses droits dans cette entreprise signifie la fin du contrat. C’est une injustice favorisée par le mutisme de l’inspection du travail de la wilaya. Je connais des chauffeurs qui ont effectué des déplacements dans le cadre professionnel à leurs dépens car ils n’ont toujours pas perçu leurs frais de mission. Des cas similaires sont légion. C’est aussi le cas des œuvres sociales. Depuis notre recrutement, nous n’en avons jamais bénéficié alors que les retenues y afférentes sont effectuées régulièrement à la source et à chaque mois. Où est passé l’argent des œuvres sociales ?”, s’interroge un autre employé de la même entreprise. Ils sont nombreux à dénoncer le travail dans les sociétés étrangères qui se fait loin de la réglementation en vigueur pendant que notre État promulgue des lois soumettant ces entreprises à l’application du droit algérien au même titre que les entreprises nationales. “Nous sommes confrontés à des suceurs de sang qui ne cherchent qu’à gagner de l’argent sur notre dos”, ajoute notre interlocuteur.
L’inspection du travail et le silence des employés
“l’indifférence des services de contrôle a, au pire, aggravé la situation notamment en ce qui concerne la médecine du travail qui demeure le point noir de toutes les entreprisses du grand-sud”, dénonce un employé de l’entreprise portugaise Lena, chargée de la réalisation de l’hôpital militaire à Tamanrasset. C’est ce qu’a affirmé l’inspecteur du travail de la wilaya, Benzaid Ahmed, en précisant que “la médecine du travail fait défaut à Tamanrasset. Nonobstant les conventions signées avec le secteur de la santé publique, on ne parvient pas à avoir un médecin qui assurera les suivis et les consultations médicales au sein de ces sociétés”. Évoquant le programme de l’inspection, il a expliqué : “nous effectuons des visites d’inspections régulières, notamment au niveau des entreprises étrangères afin d’offrir aux travailleurs le meilleur climat professionnel possible en améliorant les conditions de travail. Et pour se faire, les travailleurs doivent briser le silence et la peur d’être licenciés exercée par certains responsables. Ils doivent nous faire part de toutes leurs doléances afin d’agir en conséquence et mettre un terme aux dépassements qui nuisent aux travailleurs et du coup les rétablir dans leurs droits.”
À la question sur le non-paiement des frais de missions engagés et les œuvres sociales, M. Benzaid a répondu : “nous n’avons jusque-là pas reçu de réclamations de ce type. Et si réellement ces employés ont effectué des déplacements à plus de 50 km de leur base comme le stipule la loi et n’ont toujours pas perçu leurs frais, ils n’ont qu’à se présenter à notre inspection et c’est à nous de faire le nécessaire. Et là, je dois souligner qu’avant tout déplacement, l’employé doit obligatoirement avoir un ordre de mission.”
Quant à la création des sections syndicales au sein de ces entreprises, il a rappelé que “c’est un droit absolu, clairement défini par l’article 120 de la loi 90-11 relative aux relations de travail. Les employés doivent prendre attache avec l’union générale des travailleurs pour s’enquérir de toutes les procédures nécessaires”.
Les sociétés étrangères répondent :
Le responsable administratif de l’entreprise chinoise CPECC, De Song, se dit avoir respecté toutes les dispositions applicables à son entreprise notamment celles relatives au recrutement des personnels locaux et leurs conditions de travail. En lui énumérant les anomalies dénoncées par ses employés, il est resté impassible en nous demandant de voir avec son supérieur hiérarchique qui était en mission. De son côté, le responsable des bases de vie auprès de l’entreprise portugaise Lena, Antonio Raul, a tenu à expliquer qu’“avant de parler sur les droits des travailleurs, il faut impérativement signaler que certains n’accomplissent pas leur devoir comme il est stipulé dans le contrat. Ils s’absentent irrégulièrement et sans motif aucun. Nous avons des employés qui ne se sont pas présentés depuis plus de quinze jours. Et dès qu’on procède à leur licenciement, ils remettent en cause toute notre gestion et nous prennent pour des fautifs. Nous avons des employés fidèles avec qui nous travaillons depuis notre arrivée en Algérie et jamais nous avons des problèmes avec eux”.
Concernant le droit syndical le même responsable déclare : “je pense que je ne connais pas les lois algériennes autant que les algériens. À mon avis, personne ne les a retenus d’exercer leur droit de quelque nature qu’il soit”, a-t-il conclut. Hamza, conducteur d’engin à Lena, originaire de Tiaret, nous a confié : “je travaille ici depuis 2007 et je n’ai jamais eu de problèmes. Les étrangers respectent ceux qui travaillent sérieusement et les rémunèrent en fonction de leur compétence et rentabilité.”