Après avoir longtemps cru ou espéré que l’Algérie n’allait pas connaître la récession, à l’instar d’autres pays, la crise économique qui, en réalité, s’était faite sentir dès l’année 2008, commence à être prise très au sérieux par les pouvoirs publics, estimant, devant la perspective d’une réduction drastique de rentrées financières, que le temps des restrictions budgétaires était arrivé.
L’attitude alarmiste qu’affiche actuellement le ministre des Finances contraste singulièrement avec son assurance des années précédentes, déclarant que les équilibres budgétaires ne seraient pas menacés si le prix du pétrole venait à baisser parce que les dépenses effectives de l’Etat étaient calculées sur un prix du baril à 75 dollars lorsqu’il dépassait les 100 dollars et que les capacités «de financement, cumulées grâce au FRR aux réserves de change et au remboursement de la dette, [étaient] considérables» pour ne pas s’inquiéter outre mesure.
Sa recommandation de prudence dans la gestion des finances publiques, ce qui est dans l’absolu une vertu, sonne aux oreilles des Algériens comme un aveu de gabegie financière dans le fonctionnement de l’Etat, dont notamment les salaires des parlementaires qui viennent d’être augmentés, une fois encore, au moment où le ministre des Finances s’apprêtait à annoncer le virage de la rigueur budgétaire, d’autant que les salaires et les transferts sociaux (ou prestations sociales) touchant les sommes versées à des personnes ou des familles en difficulté, les retraites, déjà maigres, qui ne seront pas réévaluées selon l’augmentation du coût de la vie, les dépenses de santé qui seront réduites, d’où, diminution totale ou partielle de prise en charge de frais médicaux, alors même que le chef de l’Etat, les ministres, les responsables politiques et leurs familles partent se faire soigner à l’étranger, dont quelquefois pour de petits bobos.
Ce serrement de vis, qui se veut prudentiel, touchera, encore une fois, les couches les plus défavorisées de la société lesquelles ne cessent de revendiquer la réévaluation de leur salaire pour faire face à l’inflation dont le taux augmente d’année en année, grevant le pouvoir d’achat des travailleurs, notamment ceux touchant le salaire national minimum garanti (SNMG), soit 18 000 DA. A titre de comparaison, le salaire d’un député en est 28 fois supérieur en Algérie, alors qu’en France, par exemple, le salaire d’un député est à peine 10 fois supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). L’avertissement que Karim Djoudi lance sur «les difficultés» que connaîtraient les «équilibres internes et budgétaires» vise les mouvements sociaux qui se développent dans l’éducation, la santé et l’administration, notamment la justice, pour leur signifier que leurs exigences salariales et d’équipements mettraient l’Etat en faillite.
Le récent passage à Alger de la directrice du Fonds monétaire international n’est pas étranger à ces prises de décision. Christine Lagarde avait, en effet, déclaré, le 13 mars dernier, avoir «encouragé [ses] interlocuteurs [algériens] à prendre des mesures supplémentaires pour préserver la stabilité macroéconomique et assurer la viabilité budgétaire à long terme». C’est dans ce sens que va la déclaration du ministre des Finances, obéissant aux directives des institutions financières internationales, l’Algérie s’étant toujours montrée docile au FMI et à la Banque mondiale au risque de provoquer par arrêt d’équipement un plus grand désert dans les régions accusant un retard cumulé de plusieurs décennies.
Brahim Younessi