Après les dépenses faramineuses, durant le mois sacré du Ramadhan et la rentrée scolaire, vient maintenant l’Aïd El Adha pour donner le coup de grâce aux familles algériennes qui se plaignent constamment de la cherté de la vie et de la baisse du pouvoir d’achat.
En effet, le mouton de l’Aid est devenu un lourd fardeau pour les petites bourses algériennes, qui n’arrivent même pas à subvenir à leurs besoins du quotidien. Ceci, en plus des des dépenses précitées sans oublier qu’en cette saison estivale riche en fêtes de mariages et fêtes pour la réussite au Bac où il faut toujours, soit acheter des cadeaux, soit remettre de l’argent.
La problématique ne se résume pas seulement dans le pouvoir d’achat qui constitue en lui même un handicap majeur pour les citoyens, mais aussi il ne faut guère, négliger la hausse des prix inexpliquée, exercée par les marchands de bétail, en gros ou en détail.
Ils ont tous le même argument : la hausse du prix du foin et de l’hébergement… et le mouton se fait de plus en plus rare à cause de la sècheresse et il ne manquerait plus qu’ils nous disent que c’est un animal qui est en voie de disparition, rien que pour justifier les prix exorbitants qu’ils infligent aux maigres salaires des citoyens algériens… Cela devient vraiment pathétique !
Les marchés ambulants du mouton sont installés partout maintenant à une vingtaine de jours de l’Aid El Adha : à Chéraga , Ouled Fayet, à Bouzarea et bien d’autres endroits où les citoyens se précipitent pour voir la marchandise avant que les prix ne flambent davantage.
Nous avons rencontré un père de famille dans un «point de vente» à Chéraga qui semblait être dans un état de torpeur et qui murmurait : » » C’est de la folie ! ». Nous avons également interrogé un jeune homme plutôt chétif qui cherchait «un gros mouton, avec de grandes cornes.
Il faut qu’il soit robuste et surtout méchant». Nous lui avons demandé des explications sur son choix, alors que les familles cherchent en général quelque chose de moyen et pas cher. Sa réponse était : «Vous savez, moi c’est pour organiser des combats entre moutons, en présence de jeunes qui aiment parier de l’argent, et miser sur le mouton gagnant ; en vingt cinq jours je pourrais rembourser ce mouton et avoir même un bénéfice intéressant».
Peut être qu’il cherchait aussi à satisfaire un besoin refoulé et dissimulé dans son subconscient, à cause de son apparence qui pourrait très bien se développer en un sentiment d’infériorité. Ainsi, en achetant cette bête de combat il se sentirait supérieur et réduirait son complexe à travers elle ; mais cela reste seulement une hypothèse. Peut être que seul l’argent le motive pour faire cela !
Un homme brun, plutôt baraqué, tenant à la main un petit garçon, était sur le point de s’accrocher avec l’un des vendeurs ! Et leurs voix s’élevèrent : « Aya ! C’est trop, ce petit chat à 35000 DA.Vous plaisantez j’espère ….vous n’êtes que des voleurs …vous allez où comme ça. Vous cherchez à gagner à tout prix, vous n’avez pas la moindre pitié, mais rappelez-vous une chose, vous n’emporterez rien avec vous dans votre tombe.»
Le vendeur lui a répondu ironiquement en gardant son sang froid : «Tu n’as qu’à égorger une poule, personne ne t’oblige à acheter». La véritable explication à tout cela réside en deux faits, qui poussent ces commerçants à fixer de pareils prix.
La première est que ces derniers achètent les moutons de Ouled Djellal, El Bayadh, Djelfa, Mecheria et Tiaret, et bien d’autres régions connues pour ce genre activités ; les moutons sont achetés de 06 jusqu’à 08 mois à l’avance, car cela revient moins cher ( de 10 000 DA à 18 000 DA la tête), transportés dans des camions jusqu’à Alger et autres lieuxoù ils sont mis ensuite dans des hangars loués, sans oublier de compter la nourriture et les produits vétérinaires en cas de necessité.
La deuxième raison, qui est la plus plausible, est que ces commerçants sont cupides, et sans pitié car d’abord, ils ne payent pas d’impôts, et deuxièmement le prix du mouton est multiplié par trois, en tenant compte de tous les frais engagés (transport,location de hangars,nourriture,etc). Les familles algériennes en général essayent quand même de respecter les pratiques religieuses qui sont devenues de lourds fardeaux, et source de revenus pour les commerçants occasionnels.
Fatouma,une vielle dame résidant à La Casbah que nous avons croisée à un arrêt de bus en plein centre de la capitale, gardait toujours son hayek tout beau et tout blanc, et qui nous a émus avec ces propos tout en soupirant : « L’Aid El Adha, tout le monde pouvait le fêter ; le riche comme le pauvre.
On se cotisait et on achetait la ou les bêtes à sacrifier ; puis les hommes sortaient pour faire la prière à la mosquée. Ensuite on égorgeait les moutons, et enfin on partageait ce qu’il y avait à parts égales comme des frères. On allait au cimetière voir nos défunts proches et on faisait à manger, et chacun invitait son voisin, et on se pardonnait les uns aux autres …Eh oui, c’était comme ça à l’époque. C’est loin maintenant tout ça. L’Aid à perdu sa saveur et son vrai sens moral».