Après un long été, où le silence et l’inaction avaient laissé l’impression d’un pays à l’abandon, le pouvoir et l’opposition reprennent du service, et se mettent, tour à tour, à parler et à gesticuler. C’est la rentrée, avec tout ce qu’elle charrie de rumeurs, promesses et menaces.
Après une longue hibernation, le président de la République devrait réapparaître cette semaine, en présidant le Conseil des ministres, le second depuis sa quatrième investiture. Au menu, le très controversé projet de loi de finances, surtout son volet fiscal, où l’on annonce une réduction des impôts au profit des importateurs et une augmentation qui toucherait le secteur productif.
L’on annonce, également, une augmentation du prix du timbre fiscal du passeport, qui passerait à 10 000 DA. Mais ces annonces pourraient avoir été balancées juste pour permettre au président Bouteflika d’en décider autrement, histoire de redorer un peu son blason, lui qui s’est effacé plus que
jamais de la scène.
Il est vrai que le projet de loi de finances comporte la très attendue abrogation de l’article 87-bis, qui devrait avoir des incidences directes sur les salaires des Algériens, mais l’on ignore pour le moment son coût financier et surtout ses modalités d’application.
Le Conseil des ministres devrait, également, débattre des mesures incitatives en direction des investisseurs, au moment où le pays connaît un net recul en la matière et où les critiques des institutions internationales se font de plus en plus insistantes. Pas seulement en ce qui concerne la règle des 51/49, mais aussi des lourdeurs bureaucratiques et de l’absence de visibilité chez les décideurs algériens. Au moment où tous les voyants sont au rouge et où la facture des importations explose, le pays semble en panne d’idées pour sortir de ce piège.
La tenue du Conseil des ministres devrait permettre au chef de l’État de désamorcer les bombes de la rentrée sociale, d’autant plus que ça chauffe dans plusieurs secteurs et cela promet une entrée fort mouvementée. Déjà que l’histoire des relogements, notamment dans la capitale, n’arrête pas de provoquer des protestations et de dénuder la gestion catastrophique de ce dossier par le pouvoir.
En plus des défis sécuritaires imposés par la situation dans le voisinage, l’Algérie semble s’isoler dans sa bulle, et les récents Travel Warning, émis par les Américains et suivis par d’autres pays européens, démontrent, si besoin est, que le pays n’arrive plus à convaincre, ni à être pris au sérieux.
Ce sont ces défis, parmi tant d’autres, auxquels l’un des rares Conseils des ministres devrait répondre. Mais déjà, les supputations vont bon train quant au remaniement du gouvernement qui interviendrait juste après ce conseil. Un énième remaniement qui confirme l’instabilité récurrente au sommet et la légèreté avec laquelle on nomme et dégomme des membres du gouvernement.
Pendant ce temps-là, l’opposition se mobilise et se prépare pour la rentrée, en rappelant ses exigences et en martelant que le pays est condamné à trouver une solution consensuelle pour un changement pacifique.
Saisissant la célébration du 20 Août, le RCD et le FFS se sont livrés à une guerre des mots, qui confirme que les deux frères ennemis ne sont pas près de tourner la page de leurs différends. Cette fois-ci, c’est le concept de conférence du consensus qui donne l’occasion aux deux formations d’exprimer, chacune, sa propre vision.
Pour Ali Laskri, membre du comité central du FFS, il est indispensable d’arriver au rassemblement des forces vives du pays, sans exclusion, pour mettre en place un plan de sortie de crise.
Le nouveau secrétaire par intérim du FFS, Mohamed Nebbou, est allé plus loin, en affirmant, pour sa première déclaration publique, que le consensus auquel appelle le FFS depuis 2013 ne trouve aucune opposition, mais qu’au contraire, il rassemble tout le monde. La réponse ne s’est pas fait attendre de la part du RCD. Par la voix de son président, Mohcine Belabbas, le parti affirme qu’il ne revendique pas un consensus douteux avec le pouvoir, au détriment des intérêts du peuple et de la nation tout entière.
Pour le patron du RCD, le projet de consensus n’a pas besoin d’intermédiaire. Le pouvoir est appelé à sortir de sa coquille et à donner des gages de bonnes intentions. Mais, au-delà de cette passe d’armes, somme toute habituelle, la question du consensus revient sur toutes les langues, d’autant plus que le projet de révision de la Constitution, qui se voulait consensuel tarde à voir le jour.
La coordination pour la transition démocratique se prépare, de son côté, à peaufiner son initiative. Selon Sofiane Djilali, il sera procédé, début septembre, à l’installation d’une commission consultative élargie à tous les acteurs de l’opposition. Mais Sofiane Djilali reste évasif concernant l’initiative de consensus proposée par le FFS, affirmant n’avoir pas encore connaissance de celle-ci et n’avoir pas été destinataire des propositions du FFS.
De leur côté, deux anciens Premiers ministres, Sid-Ahmed Ghezali et Mouloud Hamrouche, continuent à apporter leurs contributions au débat politique en cours et exprimer leurs visions réciproques concernant la façon d’opérer le changement.
La reprise des activités politiques et celles du gouvernement tranche, dans la forme, avec la monotonie estivale, mais est-ce le signal d’un déclic à venir ? Il faudrait attendre les décisions du Conseil des ministres, la forme que prendrait le remaniement annoncé du gouvernement, mais surtout la mouture finale du projet de révision constitutionnelle.
A. B.