Lancée depuis plusieurs années, l’opération d’éradication des marchés informels s’est accélérée ces dernières semaines. L’objectif est de ramener vers l’économie légale les adeptes du commerce illicite ou » trabendo ».
Le gouvernement algérien n’arrive pas à mettre de l’ordre dans le marché domestique. La campagne lancée il y a plusieurs mois pour éradiquer le marché informel est un échec.
C’est au milieu des étals de fortune que les Algérois de condition modeste s’approvisionnent en vêtements, bijoux, livres et autres ustensiles de cuisine. Mais les autorités ont décidé d’éradiquer ces espaces. Après la rue des Mariés, dans la Casbah, ou la commune de Bachdjarah en septembre, ce sont les marchés des quartiers populaires de Boumati dans la zone périphérique d’El-Harrach ou de Belcourt à Alger, qui craignent la prochaine opération de police.
En outre, malgré tous les efforts tendant à éliminer le marché informel, celui-ci semble prendre de l’ampleur à l’approche du mois du Ramadhan ; le consommateur, à cause de l’inconscience ou de la cherté de la vie, est souvent obligé d’acheter des produits alimentaires qui échappent à tout contrôle et à toute norme d’hygiène, mettant sa santé en péril. Les chiffres restent alarmants quand on sait que 50 milliards de dinars de transactions commerciales effectuées, échappent aux caisses de l’Etat chaque année.
Pour contrôler le marché intérieur et mettre fin au marché informel, le ministère du Commerce n’arrête pas de prendre des mesures pour combattre ce phénomène, en remplaçant des marchés informels par des marchés régularisés. Une enveloppe financière de 320 millions de dinars était réservée par le ministère du Commerce pour la restructuration des marchés au niveau des communes, 67 marchés seront créés dans 41 wilayas, ainsi le marché organisé représentera 77% de l’ensemble de l’activité commerciale.
Lors d’une petite virée effectuée dans la commune de Belcourt, les petits vendeurs sont incrédules. La rue latérale où sont installés de nombreux étals regorge de jeunes marchands qui affirment ne pas obtenir de place dans ces nouveaux espaces commerciaux. » La wilya nous a fait remplir des dossiers mais depuis, on nous dit qu’il n’y a rien pour nous, se désole Reda, 29 ans, devant son stand de robes et de livres pour enfants. »
» Des emplacements officiels ont bien été octroyés, ajoute son collègue Mohamed, mais pas toujours à des gens du quartier, ni à ceux qui en ont vraiment besoin. » Sur d’autres marchés également, les vendeurs se plaignent du flou des critères d’attribution de ces places légales.
D’autres n’ont pas pu déposer de dossier. » Je suis un fils de Belcourt, je vends ici depuis 12 ans, explique Mourad, 25 ans, la main posée sur l’épaule d’un copain. Je dois nourrir une famille de cinq personnes, et je gagne quelques centaines de dinars par jour. Impossible d’épargner les quelque 40 000 dinars requis pour la demande d’une place au marché couvert. » La majorité des vendeurs informels, qui n’ont pas de qualification, s’inquiètent donc pour leur avenir.
Pour les autorités d’Alger, le but est aussi de garantir l’origine et la qualité sanitaire des produits – des insuffisances qui affectent aussi les commerces légaux. La sécurité des lieux est aussi une question préoccupante. » En cas d’urgence médicale ou d’incendie, craint Hassan, on ne pourrait rien faire car la rue est complètement bouchée. »
Mais beaucoup d’Algérois trouvent leur intérêt dans ce système informel. Pour la clientèle des quartiers modestes, l’argument financier est le plus fort. Les prix sont bien moins chers sur ces stands, estime Djouher, 61 ans, qui a toujours vécu dans le quartier. Et puis on est plus à l’aise pour regarder les produits que dans un magasin. Ici c’est mon marché ; je ne sais pas faire mes courses ailleurs. « . Pour le moment, la problématique des marchés informels reste toujours d’actualité…
Lila Soltani