A quelque jours du scrutin, Les Algériens tournent le dos à la politique

A quelque jours du scrutin, Les Algériens tournent le dos à la politique

Pour le moment, l’élection ne semble pas intéresser les citoyens…

«Les Algériens peuvent paraître hors champ, indifférents, mais pour peu qu’ils perçoivent une démarche courageuse et cohérente, ils vont se lever comme un seul homme.»

Nous sommes en pleine campagne électorale. L’Algérie vit une course à l’élection présidentielle. Le 17 avril prochain, l’Algérie aura son nouveau président. Les Algériens, eux, ils sont là mais pas comme avant! Le constat est là. La présidentielle, pour la première fois, traverse l’Algérie sans que vraiment le peuple ne s’y intéresse. Pourquoi certains observateurs estiment que les Algériens sont indifférents par rapport à tout ce qui est politique? Pour tenter de répondre à cette question, nous sommes descendus dans la rue, rencontré des jeunes, des femmes, des hommes, des étudiants, des fonctionnaires, des ouvriers,… etc.

Suivons-les: pourquoi le peuple a tourné à la politique? «Parce que tout simplement le système en place a tout fait pour les rendre indifférents à tout ce qui a trait à la vie politique à commencer par le système éducatif. Tous ceux qui ne sont pas indifférents, le sont devenus parce qu’ils estiment qu’ils sont dans une impasse et rien ne mènera au changement sans une véritable révolution», soutient Samir B, un cadre dans une entreprise publique rencontré dans une terrasse d’une cafétéria, à la place Audin, à Alger-Centre. Pour Hocine, un jeune informaticien en chômage, le constat est réel mais tout à fait naturel dans le contexte actuel: «C’est normal! En Algérie, on ne peut plus parler de militantisme, d’engagement et de formation politique! C’est donc très facile d’avancer une thèse pareille!». Presque pareil avis avec sa fiancée, Lynda L., traductrice. Cette dernière estime qu’«il se trouve que les Algériens se sont, avec le temps, éloignés du fait politique, considérant qu’il n’avait aucun pouvoir pour influer sur les choses, ils s’en sont progressivement détournés, comme si cela ne leur incombait plus». Lynda nous montre la réalité du terrain: «Champ politique verrouillé…

Les seuls partis existants nesont pas un modèle du combat politique… les Algériens ont perdu la confiance qu’ils avaient. Et ceux qui activent doivent faire du bruit pour qu’on les voit.» Pour d’autres, ils ne s’agit pas d«indifférence», mais de plus grave que ça: «Les Algériens sont blasés!». «Je ne sais pas s’ils sont indifférents. C’est plutôt qu’ils sont blasés par rapport à tout ce qui est politique. Rappelons-nous qu’après 1988, les citoyens découvraient la politique que cela pouvait être autre chose que celle du système. On pouvait trouver dans une même famille le FIS, le RCD, le FFS, le FLN…etc. Ils s’étaient plus ou moins intéressés à la chose, voire ils s’étaient impliqués. Puis, ces quinze dernières années, tous les partis dits d’opposition ont été discrédités», estime Salima, I., professeur d’université. Le pouvoir, selon Salima I., a fait en sorte que les Algériens ne croient plus en rien et depuis ils se laissent emporter par le courant.

Pour Mohand Bakir, chroniqueur à Berbère TV et au matin on line et blogueur,: «Nous avons vécu une confrontation historique que le pouvoir a avortée. Dans cette confrontation, le peuple n’a pas été indifférent. Il a même eu un engagement déterminant. Seulement ´´l’aboutissement´´ est très en deçà des sacrifices. Un peu comme en 1953 – 1954, l’administration coloniale croyait le peuple algérien domestiqué.

La situation actuelle a beaucoup de similitudes avec cette période charnière. Les Algériens ont tiré beaucoup de leçons de leur propre expérience et de celles des voisins. Donc il peut paraître qu’ils soient hors champ, indifférents, mais pour peu qu’ils perçoivent une démarche courageuse et cohérente ils vont se lever comme un seul homme. C’est ce qui fait peur aux appareils du pouvoir. Ils savent le volcan prêt à rentrer en irruption, sinon pourquoi auraient-ils une telle peur?». Enfin, pour M. Bakir, «ce qui couve actuellement en Algérie, ce n’est pas un ´´printemps arabe´´, un ´´dégage´´ ou un ´´Isqat ennidham´´, tout cela le pouvoir en place s’est bien occupé de l’accomplir, renforcer les privilèges des multinationales, isoler les forces patriotiques… Ce qui couve en Algérie c’est un mouvement post-printemps arabe, c’est une dynamique citoyenne pour une véritable République et une authentique démocratie».

Dahmane Semmar, un journaliste à Algérie focus, nous livre son point de vue: «Ce qui couve actuellement en Algérie, ce n’est pas un ´´printemps arabe´´, un ´´dégage´´ ou un ´´Isqat ennidham´´, tout cela le pouvoir en place s’est bien occupé de l’accomplir, renforcer les privilèges des multinationales, isoler les forces patriotiques,… Ce qui couve en Algérie c’est un mouvement post-printemps arabe, c’est une dynamique citoyenne pour une véritable République et une authentique démocratie.» Pourquoi certains observateurs estiment que les Algériens sont indifférents par rapport à tout ce qui est politique? Pour Kamel R.

un élu du peuple, l’analyse est tout autre. Pour lui, il faut d’abord nuancer cette «affirmation»! «Il serait plus juste de dire qu’on a tenté d’éloigner le citoyen des ´´affaires de la cité´´! De cette manière, le pouvoir en place pense pouvoir jouir du pouvoir sans qu’il puisse être surveillé et rendre des comptes! Cela dit, s’il y a une part de «vérité» dans ce désintérêt, la dépolitisation du citoyen, cela est en soi un bilan d’un pouvoir autocratique qui a fait de la corruption, du clanisme un mode de gestion!», soutient-il. Dans pareil cas, le citoyen, parfois, n’a qu’un seul moyen de s’opposer: Tourner le dos! Paradoxalement, cela est aussi une forme de résistance. C’est l’action politique claire, assumée, portée par des femmes et des hommes intègres et engagés pour l’intérêt de la collectivité qui sont en mesure, non seulement de réhabiliter le politique, mais aussi, de gagner la confiance de leurs concitoyens.