Sadek Hadjeres tout comme Bachir Hadj Ali n’ont jamais réussi à faire valoir leurs droits de moudjahidin. Deux grands militants nationalistes, avant de devenir deux grands combattants pour la libération nationale et enfin combattants pour la démocratie, les deux hommes n’ont jamais eu cette reconnaissance officielle.
Une initiative citoyenne a été lancée par Mohamed Zaoui pour faire reconnaître à Sadek Hadjeres au moins ce droit. Ayant pris connaissance de cette initiative, M. Hadejres parle dans cette lettre de son cas et de celui du défunt Hadj Ali.
Cher Mohammed Zaoui,
Je viens d’apprendre par toi et par plusieurs autres amis ton initiative sur Facebook. Ton information porte sur la non-reconnaissance officielle jusqu’ici de ma qualité de « Moudjahid », c’est-à-dire de participant au combat armé pour l’indépendance. L’information est exacte et tu as pris l’initiative de la rendre publique sans m’avoir d’abord consulté.
Tu craignais sans doute que je te réponde comme je l’ai fait depuis longtemps à d’autres amis et personnalités de toutes opinions patriotiques et progressistes : j’hésitais à mettre en avant mon cas personnel alors qu’il s’agit d’un problème plus global, les mentalités et pratiques absurdes et archaïques d’une autre époque, celle de « la pensée et du parti unique ».
Un nombre incalculable de nos compatriotes et l’Algérie elle-même continuent à souffrir du mal néfaste qui ronge le pays et la société. Il consiste à évaluer et juger les gens non pas sur la base de leurs actes, mais sur leur alignement inconditionnel aux opinions et faits accomplis des détenteurs de pouvoirs.
Les communistes notamment, en raison de leur engagement patriotique et social inséparable, ont été autant ou plus que d’autres courants et organisations nationales, la cible des attaques partisanes. Le dépôt de mon dossier d’attestation en 1989 était un acte politique et non la revendication formelle d’un statut matériel, au moment où après Octobre 1988, il était possible d’espérer le dépassement de plusieurs décennies d’étroitesses.
Cher Mohammed,
En présentant les cas de Bachir Hadj Ali et de moi-même, victimes symboliques de discriminations partisanes, tu as donc écouté ta conscience morale de citoyen et ta conscience professionnelle. Pour toi comme pour tous ceux dont les réactions à partir de ton Facebook m’ont considérablement réconforté, c’est une question de dignité et de refus de perpétuer la « hogra » comme système.
Ils ont compris que la plupart des hommes et femmes de tous âges qui ont donné leur vie ou étaient prêts à la donner, l’ont fait avec leur coeur brûlant de libérer le pays de l’esclavage colonial et non par espoir de gagner des médailles ou des privilèges futurs. Tu me demandes ce qu’il est souhaitable de faire pour prolonger ton initiative, maintenant que la question est entrée dans le domaine public?
Personnellement, je pense que le plus important avant de se concerter avec toutes les bonnes volontés sur une nouvelle initiative, c’est de poursuivre l’information objective auprès des milieux les plus larges. Les échanges permettront de rassembler le maximum d’opinions et de suggestions constructives. Je sors progressivement de difficultés médicales qui m’ont sérieusement handicapé depuis deux ans et je suis en mesure de fournir plus de précisions quant au blocage de mon dossier déposé depuis 1989 auprès des instances officielles, ainsi que celui de Bachir dont la demande s’était heurtée à un mur avant le début de sa maladie.
Je te remercie ainsi que les auteurs des messages fraternels et de compréhension qui te sont parvenus après ton initiative.
Sadek Hadjerès, 15 juin 2017