On se prépare à la fête qui s’annonce grandiose…
Redoutable arme de propagande, le football est un baromètre dont le mercure se dilate avec les aspirations patriotiques.
«On n’a rien à foutre de la politique. Nous, notre politique c’est le foot», exulte Chakif, un jeune de Bab
El Oued, inconditionnel de l’USMA, de Messi et… évidemment de l’Equipe nationale. Exit la politique, la polémique entre Amar Saâdani et Sellal, exit la situation sécuritaire au Sahel, exit la crise avec le Maroc, exit le prix du poulet et des oeufs trop chers, exit les querelles entre voisins, exit le stress et les tracas du quotidien. A neuf jours du match de qualification pour la Coupe du Monde au Brésil, les Algériens placent la balle au centre et se mettent au rêve, le rêve de Rio, du Brésil, la Mecque du football. Le 19 novembre prochain, l’Algérie disputera, à Blida, son dernier match contre le Burkina Faso pour se qualifier au Mondial du Brésil. À l’heure du match, des millions d’Algériens seront rivés devant leurs écrans de télévision pour suivre cette rencontre décisive. On se prépare à la fête qui s’annonce grandiose. Au fur et à mesure que l’on se rapproche de ce rendez-vous, l’ambiance s’accentue. Les premiers drapeaux font déjà leur apparition. Dans certains quartiers de la capitale, des vendeurs proposent sur leurs étals maillots, casquettes, porte-clés et même des poupées Barbie aux couleurs de l’EN. Chaque jour, de nouvelles banderoles apparaissent dans les rues et ornent même les balcons. Place au spectacle. Mais il y a plus que le spectacle. Derrière cette guerre des crampons sur le terrain de football, se profilent d’autres guerres, celles qui haranguent les foules, braquent les regards et font réveiller les émotions collectives jusqu’au délire. Peut-on demeurer insensible en voyant le drapeau national flotter dans le ciel joyeux de Rio et l’hymne national entonné au pays de la samba? Quel Algérien résistera à cette charge émotionnelle au moment d’entonner Kassamen? Redoutable arme de propagande, le football est un baromètre fait d’un mercure spécial qui ne se dilate pas sous l’effet de la chaleur mais qui vibre avec les aspirations patriotiques et nationalistes, avec les relations internationales et les rivalités entre pays. Est-il besoin de rappeler qu’un match de football faillit déclencher une guerre entre l’Algérie et l’Egypte, comme cela a été le cas en 1969 entre le Salvador et le Honduras? Pour la qualification au Mondial de 2010 en Afrique du Sud, un match se jouait sur un terrain de football et un autre, meurtrier celui-là, entre les dirigeants politiques des deux pays et dont le principal enjeu était la stabilité politique et sociale. Eliminée, l’Egypte a sombré et sombre toujours dans un chaos social. Les qualificatifs pour la Coupe de 2014 interviennent à moins de six mois de la présidentielle. Surtout en ces moments précis où des énergumènes d’un pays voisin ont osé l’impensable en outrageant à Casablanca l’emblème national. Quelle belle opportunité pour une revanche sportive faite de victoire! Certes, on est loin de la hargne qui a accompagné le match barrage de 2009, à Oumdurman, contre les pharaons d’Egypte mais les Algériens attendent ce match avec la même ferveur. Vu la conjoncture nationale et régionale, la rencontre du 19 novembre prochain déborde de son aspect strictement sportif. Elle comporte un enjeu multidimensionnel. L’Algérie bannie et isolée pendant deux décennies a besoin de cette victoire. Elle a besoin de retrouver sa place sur la scène internationale sportive et aussi politique. Elle a besoin de voir ses athlètes médaillés en or. Elle a besoin de redorer son blason par le cuir du foot. Comme toutes les autres qualifications, l’Algérie va «en guerre» à chaque match de Coupe du Monde. Son viatique est fait d’une nouvelle idéologie qui sévit dans la planète entière: le footbalisme. Désormais, les Etats se définissent comme étant un territoire, des populations, des langues, un gouvernement, une armée et… une équipe de football et qui gagne des coupes si c’est possible. Plus puissante que toutes les autres, cette idéologie fait un consensus mondial par ses règles, elle transgresse les diversités culturelles et elle transforme de puissants chefs d’Etat en supporteurs et des athlètes courant derrière un cuir gonflé, en stars. Plus encore, c’est une vitrine pour les nations qui veulent faire connaître leurs particularités. Le style de jeu et de vie, l’art culinaire et les traditions culturelles se déclinent à travers les équipes de football. Il incarne la preuve d’une réussite, non seulement individuelle, mais aussi collective, démontre à ceux qui l’ignorent, la réussite d’une politique sportive entamée par le pouvoir en place bien sûr… Une qualification pour le Brésil vaut vraiment la peine