A l’origine de plusieurs décès en France, Cette pilule qui inquiète les algériennes

A l’origine de plusieurs décès en France, Cette pilule qui inquiète les algériennes

Si aujourd’hui, 2 millions de femmes utilisent une pilule de 3e génération en France, aucune statistique fiable ne peut donner le nombre exact des utilisatrices de ces contraceptifs en Algérie.

Et Dieu sait si elles sont nom breuses à s’«abonner» à ces pilules développées et commercialisées pour limiter les effets indésirables de la contraception entre prise de poids, saignements ou encore acné.

En France, le feuilleton de Diane 35, un médicament contre l’acné du laboratoire Bayer largement utilisé comme contraceptif, défraie la chronique et connaît de nouveaux rebondissements avec la confirmation, hier, par l’Agence nationale française de sécurité du médicament (ANSM), dans un communiqué, de la mort de quatre patientes en France d’«une thrombose veineuse liée à Diane 35».

Les thromboses correspondent à la formation d’un caillot sanguin qui peut aussi entraîner, dans certains cas, une embolie pulmonaire ou un accident vasculaire cérébral (AVC). L’agence confirme ainsi une information du Figaro parue la veille et qui évoquait «sept cas de décès». Selon l’ANSM, pour les trois autres cas mentionnés, la prise de Diane 35 ne semble pas incriminée.

Qu’en est-il en Algérie ? Est-ce que des mesures préventives ont été prises ou des directives officielles données par le ministère de la Santé ? Contacté par le Quotidien d’Oran, le Pr Hadjar Kaci, chef de service de gynécologie obstétrique au CHU de Bologhine, a déclaré, pour sa part, que dans son service, on ne prescrit plus Diane 35 comme pilule contraceptive depuis deux ans.

Une décision personnelle, mais aussi collective quelque part puisque bon nombre de ses collègues sur le territoire national en ont fait de même. «Ils ont décidé de ne plus prescrire Diane 35 pour des raisons objectives ou subjectives», dira-t-il. Quid des directives ministérielles ? «Nous n’avons reçu aucune directive pour le moment de la part du ministère», répondrat- il.

Le Pr Hadjar, et en absence de statistiques sur le terrain, ne peut s’avancer sur les incidences enregistrées en rapport avec la prise de ce médicament et la décision de ne plus le prescrire est due principalement à l’appréhension des prescripteurs. Il fera en outre un parallèle avec les autres pilules retirées du marché et qui ont causé des dégâts irréversibles, visibles dix ans plus tard.

Au niveau des pharmacies, et même si on est informé de la polémique suscitée en France autour de ce médicament, on continue toujours de le vendre sur prescription médicale. Cédée à 650 DA la boîte, Diane 35, même si elle n’est pas parmi les marques contraceptives les plus demandées par les Algériennes à l’image d’Adepal ou de Microgynon, des contraceptifs de deuxième génération, il n’en demeure pas moins que, hormis une période caractérisée par une rupture de stock, sa vente ne faiblit pas.

Si, en principe cette dernière ne se fait que sur présentation d’une ordonnance, il n’est pas rare qu’il soit vendu à des jeunes filles pour lutter contre l’acné juvénile. Le communiqué de l’ANSM est rendu public alors que plusieurs cas d’incidents emboliques et thrombotiques, parfois mortels, liés à la prise de pilules de 3e et 4e générations, ont soulevé une importante polémique.

En France, Diane 35 dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) depuis 1987 pour le seul traitement de l’acné, mais en pratique souvent prescrit comme contraceptif car lle induit un blocage de l’ovulation. Selon l’ANSM, environ 315.000 femmes sont traitées par Diane 35 ou ses génériques en France.

Le directeur de l’ANSM, Dominique Maraninchi, a expliqué début janvier que l’agence avait lancé «la réévaluation bénéfice-risque» pour Diane 35 alors qu’une décision sur l’autorisation de mise sur le marché devrait être prise prochainement. Si le médicament est retiré du marché, la répercussion d’une telle décision ne sera effective qu’un mois, voire deux, en Algérie.

La ministre française de la Santé, Marisol Touraine, avait affiché sa volonté de limiter les prescriptions de pilules de 3e et 4e générations en raison des risques accrus de thrombose qu’induisent ces contraceptifs, à la suite de la plainte d’une femme victime d’un AVC attribué à la prise d’une pilule de 3e génération (Méliane, également des laboratoires Bayer).

Depuis, 14 autres plaintes visant des fabricants de pilules de 3e et 4e générations ont été déposées. En décembre dernier, Marion Larat, 25 ans, décidait d’entamer une action en justice.

Victime d’un AVC, elle est restée lourdement handicapée, à hauteur de 65% de ses capacités, imputée selon elle à la prise de sa pilule contraceptive. Aux Etats-Unis, plusieurs actions en justice ont aussi été entamées. Par «pilules de 3e génération», on entend celles qui contiennent des nouveaux progestatifs et qui sont donc composées d’éthinylestradiol et de gestodène ou de désogestrel. Une différence de composition avec les pilules de 2e génération.

Parmi ces pilules de troisième génération, figurent par exemple les marques Desobel, Efezial, Carlin, Desogestrel/ethinylestradiol, Varnoline continu ou Cerazette. Aujourd’hui, en France, la Haute Autorité de santé recommande aux médecins de ne les proposer qu’en cas d’intolérance à la pilule de 2e génération. Elle a relevé pour ces pilules «un risque de complications thromboveineuses (phlébites) deux fois plus élevé que chez les femmes sous pilules de 2e génération».

Moncef Wafi