Le retour de manivelle n’a pas tardé à se faire sentir. Au lendemain de la vague de protestation qui a ébranlé le monde arabo-musulman, Washington durcit le ton pour se prémunir contre la prise d’assaut des ambassades principalement américaines.
Le durcissement américain s’opère dans la nouvelle Libye, marquée par le meurtre de l’ambassadeur américain et de 3 fonctionnaires du consulat de Benghazi, en Tunisie, en Egypte, au Yémen, au Soudan et au Niger où la plus importante église catholique de Zinder, la deuxième ville du Niger, a été « totalement saccagée ». L’argument sécuritaire a été brandi pour donner un tour de vis à la présence américaine. Face aux attaques répétées contre leurs représentations diplomatiques, les Etats-Unis ont envoyé 100 marines en Libye et 50 au Yémen. Le secrétaire à la Défense, Leon Panetta, se dit « prêt » au cas où « les manifestations seraient hors de contrôle ».
Le département d’Etat a ordonné, dès samedi, l’évacuation de tout son personnel non essentiel de Tunisie et du Soudan, et a déconseillé aux citoyens américains de se rendre dans ces pays. Le « printemps arabe » des promesses de changement démocratique a-t-il échoué sur les cendres d’un projet complètement débordé par le radicalisme des salafistes hégémoniques ? La messe occidentale est dite. Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, délivrant le satisfecit à l’Egypte de Morsi à « l’attitude responsable » et blâmant la Tunisie « à la réaction lente », cultive à souhait l’amnésie qui lui permet de contourner l’écueil du chaos syrien véhiculé par la France de Sarkozy et imaginé par le philosophe de la guerre au service du sionisme, BHL pour ne pas le nommer. Le constat de la faillite est dressé.
« Il ne faut pas que les printemps arabes dégénèrent en hivers intégristes », a conclu Fabius dans une intervention à la chaîne Canal+. « Autant nous soutenons les peuples dans le printemps arabe, autant nous attendons de tous les gouvernements de ces pays qu’ils soient extrêmement fermes », a-t-il dit. Mais, le ventre fécond du « printemps arabe » a généré, en Libye, Al Qaïda venue d’ailleurs, si l’on croit la thèse du président de l’assemblée, Mohamed Megaryef, les salafistes d’Egypte participant dans les institutions de transition et, surtout ceux de Tunisie dictant leur loi dans les campus de l’intolérance, la rue en effervescence et le secteur touristique.
Si, en Libye, les attaques contre les missions diplomatiques et humanitaires sont légion, dans ce déferlement de la violence affectant les mausolées saccagés, la Tunisie de Merzouki s’est enfin rendu à l’évidence salafiste, après avoir longtemps cru à la « victoire de la démocratie ». Dès lors, face à la menace des salafistes qui ont « franchi la ligne rouge », le président tunisien a lancé une mise en garde à son allié d’Ennahda, mainte fois accusé de laxisme et appelé désormais à « assumer ses responsabilités ».
C’est que le consensus sur les impératifs de « sécurité et de stabilité » est établi. « La Tunisie ne sera en aucun cas un refuge pour le terrorisme international ». Dans un communiqué rendu public, le président de la République provisoire, le président de l’Assemblée nationale constituante (ANC) et le chef du gouvernement, formant la troïka au pouvoir, ont réitéré leur « soutien total » aux institutions sécuritaires et à l’armée pour « la défense de la sécurité des citoyens et l’intégrité du terrtoire »
Larbi Chaabouni