À l’occasion de la journée du 3 mai, spécialistes et professionnels abordent la question ,Audiovisuel : qui a peur de l’ouverture ?

À l’occasion de la journée du 3 mai, spécialistes et professionnels abordent la question ,Audiovisuel : qui a peur de l’ouverture ?
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Le problème est que le pouvoir voit, avant leur création, ces radios et télévisions comme des ennemies. Des organes qui généreront des perturbations plus qu’un autre éclairage sur la société multiple que les médias lourds officiels ne peuvent ou ne doivent pas couvrir.

La loi sur l’information d’avril 90 permettait tous les espoirs quant à l’ouverture du champ médiatique, d’autant qu’un organisme (Conseil supérieur de l’information) a été mis en place et pris toutes les prérogatives du classique ministère de l’Information.

Les membres de ce conseil dont une partie a été élue par leurs pairs ont commencé à travailler avec des difficultés quelquefois surmontées. Un Conseil de l’éthique et de la déontologie a été élu, de façon la plus transparente, sans qu’il bénéficie d’un siège adéquat et d’un budget. Il a survécu quelque temps avec des dons de certains confrères.

Ceci juste pour affirmer, contrairement aux déclarations de circonstance des différents ministres chargés du secteur, que le pouvoir, depuis 1999, avait déjà peur de cette presse nouvelle avec des jeunes plumes qui n’ont connu ni la censure ni l’autocensure.

C’est l’inoubliable aventure des années 1990 dont l’ardeur a été vite freinée quand les ouvertures des unes n’étaient plus les massacres terroristes mais des sujets de société. Il apparaissait au yeux des dirigeants que la ligne rouge était dépassée. Pourquoi alors ouvrir un autre front beaucoup moins maîtrisable que le premier sur lequel on ne peut revenir en arrière. Il fait partie des acquis d’Octobre 88.

Quant à l’ouverture de cet autre grand chantier qu’est celui de l’audiovisuel, il allait se faire à la suite de l’ouverture de la presse écrite. Des dizaines de dossiers pour des agréments aussi bien pour des radios que des télévisions étaient déposés au Conseil de l’audiovisuel et même avant au ministère de l’Information.

Les évènements de cette période et la volonté de l’État à reprendre son autorité gravement effritée par les islamistes en nombre ont décidé de dissoudre les conseils et de revenir aux ministères classiques. C’était en 1993 par une ordonnance du président Zeroual. Décision qui pouvait se comprendre vu la détérioration de la situation sécuritaire. Sur les dossiers déposés, certaines sources au fait du dossier disent que la majorité des projets portés étaient d’obédience islamiste.

Cette situation de gel qui a perduré jusqu’en 1999, avec l’arrivée du président Bouteflika à la magistrature suprême, n’a fait que se renforcer avec les nombreuses sorties du Président quant à l’avenir de l’audiovisuel en Algérie. Les arguments souvent avancés se limitent à la soi-disant non-préparation pour assurer leur gestion et que c’était encore trop tôt.

En réalité, les raisons peuvent être les suivantes : les hommes de la génération du Président ont du mal à évoluer dans un espace transparent et que l’existence de la presse écrite ajoutée à ses “outrances” est perçue comme une ennemie de “l’Algérie en développement”. Aussi, le pouvoir s’est cantonné dans une logique de marginaliser cette presse impudente et de la menacer par des contrôles fiscaux, par des difficultés à avoir accès à la publicité et des procès interminables.

D’ailleurs, fait unique, le Président n’a jamais, au cours de ses mandats, reçu les journalistes ou les directeurs de journaux.

Alors, l’audiovisuel peut attendre le plus possible jusqu’à ce que les Printemps arabes n’obligent le Président à faire un geste, pas d’ouverture, mais d’intention.

Le projet qui circule et qui a fait l’objet d’un examen lors d’une réunion de gouvernement a été concocté par un groupe d’experts dont on ne connaît pas l’identité, si ce n’est par ouïe-dire, et n’a pas été discuté avec les professionnels du secteur.

La preuve, dans la composante de l’Autorité de régulation de ce secteur précis, il n’y a aucun membre élu de la profession. De plus, les structures des radios et télévisions futures ne peuvent être que thématiques et non généralistes, ce qui les prive de faire dans l’information et de se placer ainsi comme espace d’accueil pour des débats politiques et de sociétés contradictoires.

Le problème est que le pouvoir voit, avant leur création, ces radios et télévisions comme des ennemies.

Des organes qui généreront des perturbations plus qu’un autre éclairage sur la société multiple que les médias lourds officiels ne peuvent ou ne doivent pas couvrir. Il en est ainsi de la situation des populations du Sud longtemps marginalisées à l’abri de tout regard. Un support de proximité indépendant aurait permis de tirer la sonnette d’alarme avant que l’on arrive à cette mobilisation faite dans l’urgence quand une prévention avant l’explosion aurait évité ce marasme.

Cet entêtement à fermer la fenêtre donnant sur l’autre ne peut heureusement durer puisque chaque facebookiste a son support et son auditoire et que le pouvoir ne peut contrôler.

Il est urgent de revoir de fond en comble ce projet sur l’activité audiovisuelle qui sera plus une régression qu’une volonté d’avancer.

Le Président ne peut le comprendre, mais quelque part, parmi son entourage, il se trouve des hommes qui voient vers le futur et le monde sans frontières de demain.

O. A