L’idée est novatrice, la proposition révolutionnaire. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) propose une refondation institutionnelle de l’Etat couplée à un redécoupage administratif et territorial : l’Etat unitaire régionalisé (EUR).
Comme le concept de laïcité jadis, le projet de refondation nationale proposé par le RCD ne manquera pas de faire débat, tant est qu’il véhicule une rupture avec le modèle jacobin de l’Etat. Un modèle, au demeurant éculé, auquel, dans la vieille Europe et en Amérique, se sont substitués d’autres modèles plus adaptés et qui assurent incontestablement une meilleure intégration politique, économique et sociale.
Conçu comme une alternative à l’impasse institutionnelle dans laquelle l’Algérie s’est engluée, l’Etat unitaire régionalisé (EUR) proposé par le RCD est une voie médiane, à cheval entre l’Etat unitaire et l’Etat fédéral. L’EUR repose fondamentalement sur le concept de région non point seulement en tant qu’étendue géographique mais comme synthèse de contingences géographiques, historiques, socioéconomiques ou politiques. Proposant une réorganisation administrative et institutionnelle où la région joue en élément central, le parti de Mohcene Bellabas a la conviction établie que l’entité administrative actuelle qu’est la wilaya est inadaptée pour un pays comme l’Algérie, le plus grand d’Afrique après que le Soudan eut consommé sa division. Le RCD estime que, pour l’impulsion du processus démocratique, il faut transférer la plus grande part possible de la décision socioéconomique et politique vers les régions.
12 capitales régionales
Le RCD ne reste pas sur l’énoncé dialectique. Sa proposition est articulée sur des schémas pratiques claires. L’Etat unitaire régionalisé (EUR), explique-t-il, aura à relier une douzaine de capitales régionales, lesquelles seront constitutives de pôles de décisions de régulation, de concertation et d’une élite compétente qui agiront au plus près des intérêts locaux et régionaux sans être déconnectées du pouvoir central. «L’Etat central aura à se concentrer sur ses missions régulatrices et régaliennes que sont la politique étrangère, monétaire, douanière et de défense nationale tout en œuvrant au développement intégré des régions.» Les capitales régionales seront dotées d’un pouvoir d’action et de décision. Un pouvoir qu’auront à exercer deux organes, l’un exécutif et l’autre législatif, pourvus de larges compétences et qui seront l’émanation de la volonté populaire. Dans son projet, le RCD prévoit que les capitales régionales seront incarnées également par des administrations spécifiques dotées de faculté décisionnelle et une assise financière et économique propre.
Des parlements régionaux
L’Etat central n’étant pas totalement évacué, le projet élaboré par le RCD retient, en terme de pouvoir législatif, une assemblée nationale dont les attributions doivent recouper celles de l’Etat central. En même temps que l’Assemblée nationale, chacune des douze régions prévues dans la proposition- programme du parti est dotée de son propre parlement. L’assemblée régionale, institution élue, a pour mission de légiférer en même temps que contrôler l’exécutif régional dans les limites des pouvoirs dévolus à l’autorité régionale. En fait, les missions classiques dévolues à un parlement.
A chaque région son rythme
Plutôt qu’une démarche brusquée, qui risque de générer des ratés, le RCD propose une mise en place graduée (modulable) de l’Etat unitaire régionalisé. «Chaque région peut organiser les transferts de compétences selon son propre rythme, le niveau d’autonomie étant fonction de la demande sociale régionale et de ses capacités matérielles et humaines.» Aussi le RCD préconise- t-il deux types de collectivités : celles de pleine autonomie et celles d’autonomie progressive. En d’autres termes, un modèle dynamique. L’arbitrage entre l’Etat central et les Régions est assuré par une juridiction suprême. Les missions de cette dernière englobent également la veille sur la constitutionnalité des lois et décrets votés par les Régions. Elle veillera aussi au respect des valeurs républicaines et démocratiques par l’ensemble des collectivités régionales. Deux valeurs qui sont la base d’un consensus national.
Les Régions et les Régions provinces
Dans le démembrement administratif proposé par le RCD, il est prévu 12 Régions et trois Régions provinces. Les Régions sont calquées sur le modèle des wilayas historiques. Les Aurès constitueront une Région, la première, pendant que le Nord constantinois et la Kabylie formeront les deuxième et troisième Régions. L’Algérois, qui englobe le Titteri et le Cheliff,
forme la quatrième Région. Le RCD propose que cette Région soit divisée en trois Régions économiques, Alger (4e), la capitale du pays, le Titteri (5e et qui inclut Blida et périphérie) et le Cheliff (6e et qui regroupe Chlef et Aïn Defla). L’Oranie et le Sud sont proposés comme les septième et huitième Régions. La Saoura (Béchar), le Touat (Gourara), le Grand Erg Oriental et l’Ahaggar constitueront respectivement le reste des Régions. Quant aux Régions provinces, le RCD en délimite trois : le M’Zab, le Souf (El Oued) et la Saoura, laquelle est considérée comme Région provinciale potentielle.
S. A. I.