Quelqu’un qui débarquerait à l’Arena Corinthians de but en blanc, sans savoir que la Coupe du monde débutera ici même dans quelques dizaines d’heure à peine, ne le croirait sans doute pas. A voir les ouvriers s’affairer, à l’intérieur et en dehors du stade, pour mettre la touche finale à l’endroit, il serait plus logique de penser que le Mondial est encore distant de plusieurs semaines. Voire de plusieurs mois. L’Arena Corinthians devait être terminée le 31 décembre 2013 selon le cahier des charges. Il y aurait eu, ensuite, cinq gros mois pour peaufiner les finitions. Mais l’Arena Corinthians ne sera même pas finie le jour de Brésil-Croatie. Tant pis pour les finitions.
Bien sûr, ce n’est pas une enceinte en friche qui accueillera le match d’ouverture de la Coupe du monde jeudi après-midi. Mais il suffit de se promener aux alentours du stade pour percevoir ce sentiment d’impréparation. Deux supporters Croates, venus lundi prendre la température, sont stupéfaits de voir encore tant de gens à l’ouvrage :
» Je savais qu’il y avait eu des retards mais je croyais que c’était réglé. Là, on a l’impression que le match est dans trois semaines, pas dans trois jours. »
Ici, une des passerelles enjambant la route pour rejoindre l’esplanade du stade n’inspire pas vraiment confiance.
Là, on installe encore des lampadaires sur le chemin qui relie le stade au métro. Là encore, des employés de la mairie de Sao Paulo passent une ultime couche de peinture blanche sur les trottoirs.
Cela prête plus à sourire qu’autre chose. Comme ces bâches en plastique qui recouvrent encore des sièges dans certaines tribunes, ou ces parties de la zone VIP où la moquette n’a pas été posée et ne le sera probablement pas.
De 68000 à 61600 places…
Mais il y a plus grave : une des tribunes temporaire n’aura jamais été testée en configuration match. Même l’ajout d’une dernière rencontre à la demande de la FIFA, le 1er juin dernier (entre Botafogo et les Corinthians), n’a pas permis de procéder aux essais réglementaires. La tribune en question est restée vide. L’autre structure provisoire n’était elle ouverte qu’à moitié, sur injonction des pompiers. Finalement, ces derniers ont donné leur feu vert pour l’ouverture de la tribune… ce lundi. A trois jours du match d’ouverture. Mais au lieu des 68.000 places initialement prévues, il n’y aura que 61.600 spectateurs lors de la rencontre inaugurale.
Même si la FIFA jure, sans tromper grand monde, que ce sont avant tout les besoins de la presse, et non des soucis de sécurité, qui l’ont incité à réduire la capacité du stade. « C’est une chose normale, a estimé dans un communiqué l’instance dirigeante du football mondial, que la capacité des stades soit ajustée en fonction des besoins liés aux installations nécessaires à la retransmission des matches. » On n’a pourtant pas le souvenir d’une amputation de 10% de la capacité d’une telle enceinte à moins d’une semaine d’un rendez-vous aussi majuscule pour la FIFA qu’un match d’ouverture d’une Coupe du monde. Pour le grand quotidien brésilien O Globo, pas de doute : c’est bien le défaut d’autorisation de certaines zones qui ont contraint la FIFA à prendre cette décision à cinq jours du D-Day.
« C’est le Brésil ! »
L’Arena Corinthians est ainsi devenue le symbole des retards pris par le Brésil dans ses travaux d’infrastructure. A vrai dire, le stade d’Itaquera semble avoir concentré tous les problèmes possibles et imaginables. Tout ce qu’il fallait éviter s’est produit ici. Trois ouvriers ont trouvé la mort (sur les huit qui, au total, ont péri dans les travaux entrepris sur les douze stades du Mondial). Pour l’un d’entre eux, l’enquête a démontré qu’il effectuait un nombre d’heures largement supérieur à ce qu’autorise la loi. Mais, retards obligent, les ouvriers ont dû rallonger leurs journées. Le budget, lui, a littéralement explosé: près d’un milliard de reals brésiliens de dépassement, soit plus de 300 millions d’euros.
Rarement accouchement aura été si douloureux. Mais l’espoir de chacun ici, c’est qu’une fois le public et les joueurs dans l’arène, jeudi soir, les problèmes passeront au second plan pour de bon. « Parfois, admet Thierry Weil, le directeur marketing de la FIFA, on se demande, pourquoi hier soir, et pourquoi pas dix jours avant? Pourquoi toujours au dernier moment? Mais c’est le Brésil ! Ce qui me bluffe, c’est qu’ils y arrivent quand même au bout du compte. En Europe, avec de tels retards, rien n’aurait été fini. Mais tout est plus planifié. Ici, ils s’y mettent au dernier moment. Mais ils s’y mettent à fond. » A tel point que ce mercredi, à la veille de l’ouverture, ils sont toujours à fond…