à l’approche des élections en Tunisie : Des partis politiques minés par les dissensions

à l’approche des élections en Tunisie : Des partis politiques minés par les dissensions
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Ibn Khaldoun, le précurseur de la sociologie moderne, natif de Tunis, ne s’est pas trompé quand il a écrit : “Les Arabes se sont mis d’accord pour ne jamais s’entendre.” Ses concitoyens, les Tunisiens, plus de six siècles après, confirment cette affirmation.

En effet, les Tunisiens vivent aujourd’hui des clivages et ne semblent pas près de se rapprocher les uns des autres. Les temps ont changé. Hier, ils étaient dans un moule qui leur imposait leur façon de vivre et, surtout, de penser, ou plutôt de ne pas penser. Aujourd’hui, trois ans après la “révolution”, chacun a emprunté son chemin, celui qui lui semble le guider sur la bonne voie.

La société s’est disloquée dès qu’elle a trouvé la porte ouverte à pratiquer la politique. Jugez-en : 170 partis politiques agissent dans le pays dans une légalité dont le ministère de l’Intérieur connaît les secrets et la logique. Autant de couleurs qui investissent le champ politique et déchirent une société déboussolée, étant peu habituée aux débats qu’entretient une poignée d’hommes soucieux, chacun, de mettre le pays sous sa botte. Ainsi, le peuple qui a du mal à suivre cette évolution politique ne sait plus à qui s’adresser et qui soutenir, si ce n’est par opportunisme.

A l’exception du chef du gouvernement, Mehdi Jomâa et ses ministres qui n’ont aucune ambition politique (ils l’ont dit clairement), tous pensent aux élections prévues pour la fin de l’année dans une mésentente totale, au point que les dissensions ne sont plus entre partis rivaux uniquement, mais se révèlent au grand jour au sein d’un même parti. Trois grandes formations se distinguent par cette mésentente : Nida Tounes, Ennahda et le Front populaire constitué de partis de gauche. Entre Hamma Hammami, porte-parole de ce Front, et le parti Tunisie verte, qui en faisait partie jusqu’à son retrait il y a quelques jours, le torchon brûle.

Hammami est accusé par ce parti d’hégémonie depuis l’assassinat des militants Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, mais il s’en défend et lui renvoie la balle en affirmant que Tunisie verte n’a plus donné signe de vie depuis huit mois. Le parti islamiste a, lui aussi, son lot de déconvenues. A la démission de nombre d’adhérents en désaccord avec le timonier, Rached Ghannouchi, a suivi celle qui a fait beaucoup de bruit à travers tout le pays. Il s’agit de celle de Hamadi Jebali (ancien chef de gouvernement) de ses fonctions de secrétaire général du parti.

Le fossé s’est approfondi quand cette démission a été rejetée et quand M. Jebali a annoncé qu’elle était “sans retour”, et que même s’il se décide à se porter candidat à la magistrature suprême, ce ne sera pas sous la casquette de son parti, mais en indépendant. Cependant, le parti qui connaît le plus de remous est Nida Tounes, créé et dirigé par le présidentiable Béji Caïd Essebsi (BCE), qui s’est abreuvé de la dictature auprès de Bourguiba et de Ben Ali. Des voix sont montées pour dénoncer la manière dont est géré le parti par un homme qui a évolué dans le système du parti unique, donc peu enclin à laisser la parole, encore moins la prise de décision aux autres.

Depuis la création de ce parti en 2012, le patron indétrônable, disent ses détracteurs, prend des décisions unilatérales pour exaspérer les adhérents venant de toutes parts, nullement par conviction, mais uniquement pour constituer une force capable de détruire le parti islamiste. Sinon comment expliquer la coexistence d’idéologies diverses – si elles ne sont pas antagonistes ? Qui et que pourrait réunir, sous un même toit, cette mosaïque de sensibilités politiques (bourguibistes, gauchistes, ex-RCD de Ben Ali, syndicalistes et indépendants) ? Il est évident que l’évolution politique du pays, depuis les dernières élections, a été favorable au charismatique BCE pour créer un parti qu’il a dit “ouvert à tous”. Mais la lune de miel n’a pas duré longtemps.

De nombreux adhérents ont quitté la demeure. D’autres ont accepté d’y rester sans pour autant ménager leurs critiques contre leur patron qui n’a pas hésité à placer son propre fils à la tête du département administratif, pour avoir sous la main les structures et les finances du parti, le préparant, selon les observateurs, à la succession à la tête d’un parti qui, à ce jour, n’a pas tenu son congrès constitutif. Ce n’est que dimanche qu’une décision a été prise pour contenter tout le monde. Selon un communiqué de ce parti, le congrès constitutif sera tenu le 15 juin prochain, et M. Caïd Essebsi sera le candidat de Nida Tounes à la magistrature suprême.