La délicatesse de la conjoncture actuelle et les appels au calme des autorités n’ont pas eu pour effet d’amadouer une contestation sociale unanime à vouloir battre le fer tant qu’il est chaud pour obtenir gain de cause.
La conjoncture politique et socio-économique que traverse l’Algérie actuellement est jugée «délicate» par rapport aux prochaines élections législatives, à ce qui se passe aux frontières du pays en plus de ce qu’ambitionne l’Algérie dans le cadre de ses réformes pour s’assurer qu’elle a esquivé effectivement les expériences des printemps arabes.
Ainsi, certains ministres, à l’exemple de ceux de la Santé et de l’Education, n’ont pas omis, au cours de leurs rencontres avec les organisations syndicales, de mettre l’accent sur la «délicatesse de la conjoncture actuelle» pour ensuite appeler les corporations protestataires à geler leur grève et de ne pas perturber les services dans les différents établissements.
Même la mort du premier président de l’Algérie indépendante a constitué un prétexte pour le report de certains actions de protestation, comme c’est le cas de la grève illimitée décidée par le Syndicat national des médecins spécialistes de la santé publique pour le 15 avril laquelle a été reportée au 22 en raison du deuil national décrété par le président de la République. Néanmoins, la délicatesse de cette conjoncture n’a pas eu l’effet de chambouler ou de calmer la contestation, car, bien au contraire, les travailleurs protestataires sont nombreux à vouloir battre le fer tant qu’il chaud pour amener leurs responsables à prendre en charge leurs préoccupations. Et c’est effectivement ce qui s’est passé après au département de l’Education qui a fini par lâcher du lest en répondant favorablement aux doléances relatives notamment au statut particulier des travailleurs relevant de son secteur. Mais comme, aujourd’hui, la contestation n’est plus propre à l’Education et la santé, comme c’était souvent le cas, l’agitation continue d’atteindre, donc, plusieurs secteurs et le vent de la contestation qui n’a épargné aucun secteur depuis son commencement au début de l’année 2011, continue toujours de frapper plusieurs secteurs.
En fait, rien n’est encore acquis en matière d’amélioration des conditions de travail et de vie pour les travailleurs de différents secteurs, et la fin de l’agitation du front social n’est probablement pas pour demain. Pour preuve, les multiples tentatives des autorités publiques de contenir et d’absorber la colère n’ont pas eu l’effet de stopper la contestation qui atteint de nouveaux secteurs n’ayant jamais connu de mouvements de débrayage. Les exemples de la grogne sociale qui persiste toujours à travers le territoire national ne manquent pas.
À commencer par la sonnette d’alarme des jeunes du pré-emploi qui appellent les autorités à les sauver de «15 000 Da de la honte» de leur assurer des postes de travail dignes par une vraie politique de l’emploi. Avant-hier, ce sont des centaines d’employés dans le cadre des différents dispositifs de pré-emploi (Anem, DAS et filet social) qui ont observé, sous une forte pluie, une marche de protestation, dans la ville de Tizi Ouzou. Ces jeunes diplômés ont dénoncé l’exploitation dans l’administration publique et ont réclamé la titularisation des pré-emplois et leur intégration, entre autres. Une fois n’est pas coutume, cette fois c’est le Comité national des marins pêcheurs (CNMP) qui menace de recourir à la protestation si ses doléances ne sont pas prises en charge après les élections législatives. Le Cnmp demande l’intervention du premier «dans les délais les plus brefs délais pour que l’entreprise de gestion des ports de pêche (EGPP) dépende du ministère de la Pêche» Et d’expliquer que «cette entreprise dépend actuellement du ministère des Transports, ce qui va à l’encontre des intérêts du département de la pêche» a indiqué le président du comité avec un ton menaçant de faire sillonner les 52 000 marins pêcheurs à travers une marche au niveau de la capitale en plus d’une grève générale qui paralysera les 31 ports d’Algérie.
Une autre action de protestation a été brandie par les directeurs des lycées qui réclament un nouveau statut, sans quoi ils menacent de boycotter les épreuves du bac. Les adjoints d’éducation ainsi que les corps communs renoueront avec la grève le 23 avril prochain tandis que les praticiens spécialistes de la santé publique entameront une grève illimitée le 22 avril. Des actions parmi d’autres qui ne sont pas dans l’attente de la rituelle promesse sans lendemain mais les protestataires demandent à ce que les responsables passent directement à l’action pour que les choses fonctionnement réellement et normalement.
Par Yasmine Ayadi