Pas un mot sur le pétrole. Le dernier Conseil restreint met en avant la carte du gaz et de l’énergie solaire. Le président Bouteflika a donné deux ordres ainsi que des directives qui sont autant de décisions d’avant-garde…
Rendez-vous avec l’Histoire. Il sera dit que l’Algérie prend ses plus grandes décisions économiques un 24 Février, jour anniversaire de l’Ugta créée en 1956. Si en 1971, le défunt président Boumediene a choisi ce jour pour annoncer la nationalisation des hydrocarbures, en 2016, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, vient de prendre une double décision à haute valeur stratégique. La première concerne les énergies fossiles et donne au gaz la primauté jusque-là accordée au pétrole.
La seconde est l’introduction des énergies renouvelables (solaire et éolien) comme «priorité nationale». C’est ce qui ressort du Conseil restreint présidé par le chef de l’Etat, lundi dernier. Il faut dire que ce calendrier qui coïncide avec cette date historique est surtout dicté par l’évolution de l’état du monde et ses répercussions sur les différents segments du marché international des énergies.
En effet et alors même que la chute du prix du baril du pétrole a commencé en juin 2014, différents événements sont venus confirmer que cette crise est inscrite dans le long terme. Parmi ces événements, il y a l’exploitation du gaz et pétrole de schiste par les Etats-Unis qu’ils ne sont pas prêts d’abandonner malgré toutes les tentatives entreprises par certains producteurs d’énergie conventionnelle, comme l’Arabie saoudite, pour maintenir une offre excédentaire sur un marché où rien ne semble freiner la tendance à la baisse de la demande. D’abord, il y a cette indépendance acquise par les Etats-Unis qui grâce au schiste ne font plus partie des grands importateurs d’énergie. S’ajoute ensuite la réduction de la croissance chinoise, ainsi que les transitions énergétiques adoptées à travers le monde et scellées par l’accord de la COP21.

Enfin et face à cette déprime de la demande, l’offre ne cesse d’augmenter. La dernière réunion des quatre grands producteurs de pétrole que sont la Russie, l’Arabie saoudite, le Qatar et le Venezuela a prouvé qu’aucune baisse de production n’est en vue devant les intérêts complètement différents des uns et des autres. Et si ces pays ont annoncé le gel de leur production à celle de janvier, cela équivaut à dire que les surstocks ont de beaux jours devant eux. Ceci au moment même de l’arrivée sur le marché de producteurs, comme l’Iran, qui en était absent depuis dix années.
A terme ce sera également le retour de la Libye. Dans de telles conditions, il devient évident que la crise du pétrole est installée dans la durée. Comme il devient évident que le monde se dirige vers les énergies propres dont le gaz fait partie et les énergies renouvelables qui abondent, chez nous notamment avec le solaire.
Le président Bouteflika qui a une grande expertise du marché mondial des hydrocarbures pour avoir dirigé avec succès plusieurs négociations alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, ne veut plus attendre que le ciel nous tombe sur la tête. Et s’il «a ordonné la poursuite et l’intensification de la prospection des ressources en gaz naturel… (et) l’amélioration des capacités de production des gisements déjà en cours d’exploitation» à l’issue du Conseil restreint de lundi dernier, c’est pour signifier que l’Algérie ne manque pas de moyens et qu’elle entend s’en servir sans perdre de temps.
D’ailleurs, sa deuxième et importante décision est de hisser au rang de «priorité nationale» le programme de développement des énergies renouvelables en cours depuis son adoption en Conseil des ministres en mai 2015. Pour que les choses soient plus claires, il faut savoir que nos réserves en gaz sont plus importantes que celles du pétrole. De plus et selon des experts occidentaux et notamment allemands, «l’Algérie possède le potentiel le plus élevé dans le monde en matière de production d’énergie solaire concentrée».
C’est ce qui a été publié par la revue The Parliament en janvier dernier. C’est ce qui a permis également la signature d’une «déclaration d’intention commune pour un partenariat énergétique algéro-allemand», en mars 2015. Toutes ces données techniques ne doivent pas faire oublier le poids et l’influence des bouleversements qui secouent actuellement la planète.
A commencer par le monde arabo-musulman en proie à de graves dissensions. Au point où la Ligue arabe peine à trouver un pays pour accueillir son sommet. Sans compter son incapacité à participer à des règlements de conflits comme en Libye où sa responsabilité est pleinement engagée. La guerre larvée entre l’Arabie saoudite et l’Iran complique davantage cette donne. La position controversée de la Turquie dans le conflit syrien aussi. En Amérique latine, les choses ne vont guère mieux comme par exemple et pour ne citer que ce cas, au Venezuela qui vit une dangereuse cohabitation et qui vient d’augmenter 60 fois le prix de l’essence à la pompe.
L’Asie n’est pas en reste avec l’Afghanistan toujours en proie aux violences, et plus récemment avec les castes qui s’affrontent en Inde. Même l’Europe vit une situation d’instabilité avec l’afflux des réfugiés, le terrorisme et le possible retrait de l’Angleterre de l’Union européenne. Et tant que le principal problème entretenu par Israël en Palestine n’est pas réglé, aucune embellie n’est à espérer dans les autres parties du monde. Il est clair que toute cette agitation mondiale influe considérablement sur l’économie internationale.
Comme il est clair que le président Abdelaziz Bouteflika tente de mettre l’Algérie à l’abri de ces bouleversements. Il a évoqué, lors du Conseil restreint, notre indépendance énergétique. Par le développement du solaire ainsi que celui de l’industrie pétrochimique (raffinage notamment), tout en incitant à «rationaliser la consommation nationale d’énergie en général».
Pas un mot sur le pétrole qui, visiblement, est mis en stand-by, en attendant des jours meilleurs. Une décision historique qui rappelle celle du 24 Février 1971. Avec un contenu différent!