À la croisée des cultures et des âmes, Kamel Louafi dessine des jardins entre Alger et Berlin

À la croisée des cultures et des âmes, Kamel Louafi dessine des jardins entre Alger et Berlin

La galerie Hang’Art de Garden City a récemment accueilli une conférence particulièrement intime et vibrante, empreinte de poésie et de réflexion, celle de Kamel Louafi, architecte paysagiste de renommée internationale. Né à Batna en 1952, Louafi a su, au fil des décennies, tisser un lien subtil entre l’Orient et l’Occident, entre la mémoire et l’imaginaire.

Devant un public suspendu à ses mots, Kamel Louafi a projeté en exclusivité son film documentaire « Arabesques de Kamel Louafi par Jan Biedermann ». Une œuvre sensible, presque chorégraphique, dans laquelle il dévoile les coulisses de sa démarche conceptuelle et artistique. Inspiré par la danse aérienne des ballerines, il parle de jardins comme d’un ballet de lignes et de textures, de gestes et de silences.

Pour Louafi, concevoir un jardin, c’est convoquer une culture millénaire, celle de l’Orient, de l’art islamique et de la spiritualité. C’est aussi une quête d’harmonie, au-delà des frontières. « L’arabesque est à la base de ma pensée créative », confie-t-il. Et cette arabesque, il la retrouve aussi bien dans la courbe d’une allée que dans le tracé d’une calligraphie qu’il insère subtilement dans le taillage des haies.

Ses créations racontent l’ailleurs, le métissage et l’enracinement. Sur la Place des Cinq Continents, par exemple, il imagine un espace où coexistent toutes les diversités. À travers ses jardins, il dessine des lieux de rencontre, où les différences deviennent paysages communs. « Les jardins sont là pour rassembler les gens, malgré tout ce qui les sépare », soutient-il.

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Kamel Louafi, un parcours inspirant entre Alger et Berlin

Né à Batna, en Algérie, Louafi garde un lien profond avec sa terre natale. Il évoque avec émotion la maison de son enfance, et surtout cette rose de Damas plantée par sa mère, devenue le symbole intime de sa sensibilité. « Ce sont les femmes de ma vie qui m’ont inspiré : ma mère, mes sœurs, mon épouse… Elles sont mon premier paysage intérieur », confie-t-il.

Aujourd’hui retraité après plus de trente ans de carrière, il a signé des œuvres majeures dans plusieurs pays européens et arabes, comme les jardins de l’EXPO 2000 de Hanovre, le Jardin islamo-oriental des Gärten der Welt à Berlin ou encore les espaces verts de la mosquée Scheikh Zayed à Abu Dhabi.

Non sans humour, il n’a pas manqué de raconter ses anecdotes improbables avec Karl Lagerfeld et Vivienne Westwood, tous deux impliqués un temps dans un projet de jardin… pour habiller des épouvantails ! Ou encore sa rencontre avec la grande écrivaine Assia Djebar.

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Mais au-delà des distinctions et des projets, c’est un hommage profondément émouvant que Kamel Louafi a tenu à rendre ce soir-là. Quelques semaines après son décès survenu le 20 avril dernier, il a salué la mémoire de Kristin Feireiss, cette femme remarquable qui l’a soutenu à ses débuts en Allemagne. Un hommage discret, empreint de reconnaissance : « Sans elle, beaucoup de choses n’auraient peut-être pas existé », confie-t-il, la voix nouée d’émotions.

Avant de conclure, Kamel Louafi a annoncé la parution à l’été 2026 de son prochain ouvrage : Oriental Islamic Garden, une édition ambitieuse en cinq langues, publiée aux éditions Alternatives Urbaines. À la fin de la conférence, le public s’est pressé autour de lui pour une séance de dédicaces. Les livres se sont vendus comme des fleurs rares. Mais c’est surtout une graine qu’il a semée ce soir-là : celle d’un regard apaisé sur le monde, où chaque différence devient promesse de beauté.