Dans la wilaya de Khenchela, il est fréquent de croiser des enfants travaillant dans les champs agricoles ou comme “petites bonnes à tout faire” dans des familles en milieu urbain. Domestiques, bergers, ces enfants sont victimes d’un système d’intermédiaires: appelés les “Samsars”, ce sont des personnes du même village qui recrutent des enfants pour les faire travailler chez des employeurs. Ces enfants peuvent parfois être bien traités, mais sont fréquemment victimes de violences et d’abus : la plupart du temps leurs droits ne sont pas respectés.
Le travail des enfants dans la wilaya de Khenchela, phénomène à la fois social, culturel, politique, économique et démographique, est demeuré pendant longtemps un sujet tabou qui ne pouvait être traité sans provoquer un véritable malaise, aussi bien chez les personnes directement concernées (les parents et leurs enfants au travail) qu’auprès des décideurs politiques et des entreprises et autres employeurs d’une population en bas âge, théoriquement tenue d’aller à l’école et protégée contre un emploi précoce.
Depuis la fin des années 1980, cependant, le débat sur ce sujet est devenu quelque peu ‘’dépassionné‘’, et est désormais politiquement admis, ne serait-ce que pour des raisons liées à la protection des droits des enfants, comme composante essentielle des droits de l’homme, et à la volonté nouvellement affichée par les autorités publiques.
L’existence du phénomène est maintenant tout à fait reconnue, avec, en plus, l’expression d’une certaine volonté d’y faire face, même si cela apparaît encore, économiquement et socialement risqué.
Il n’en demeure pas moins que la connaissance portant sur le travail des enfants, est encore très limitée, notamment en raison de l’insuffisance des données chiffrées actuellement disponibles, de l’inadéquation des concepts et définitions utilisés par rapport à la réalité à saisir, de la non-exploitation d’informations pertinentes à ce propos quand bien même elles auraient été collectées, et de l’absence d’enquêtes nationales de nature à porter un meilleur éclairage sur cette problématique.
Très difficile à déterminer sur le plan numérique, le phénomène du travail des enfants dans la ville de Khenchela, peut cependant être approché et analysé.
Le travail des enfants à Khenchela, comme partout dans les autres wilayas où ce phénomène existe, constitue la conjonction de plusieurs éléments déterminants à l’origine desquels il y a lieu de citer, plus particulièrement, la pauvreté exprimée en termes monétaires des parents, leur niveau éducatif généralement très réduit et leur environnement culturel et social, la mise des enfants en bas âge au travail est ainsi liée à la pauvreté des parents, celle-ci induit, notamment, une demande importante d’enfants, en vue de les mettre très tôt au travail, dans la perspective de satisfaire les besoins élémentaires de la famille.
Elle est aussi déterminée par l’existence d’un système d’enseignement défaillant, en ce sens qu’il ne scolarise pas et ne permet pas de retenir tous les enfants d’âge scolaire à l’école, et attachée, également, à l’absence de protections juridiques, dans les textes et/ou dans les faits, des enfants en bas âge.
Cet état de choses ayant été aggravé, au demeurant, par la course à la compétitivité engagée, en parallèle à l’extension du phénomène de globalisation économique, par des pays dont les possibilités d’accroissement de la productivité (en termes d’augmentation de la production et de diminution des coûts ) résident, avant tout, dans une plus grande flexibilité du travail et une plus forte compression des salaires.
Or, dans l’un comme dans l’autre cas, le recrutement d’enfants apparaît comme le meilleur moyen pour compenser le faible développement
Le travail des enfants et la pauvreté des parents
L’état de pauvreté des parents est tiré des différentes données macro économiques et sociales disponibles. Il est induit, d’une façon directe, du revenu nominal moyen par habitant. Cependant, il ne semble pas que la réalité des choses va en être très rapidement modifiée.
D’autant qu’il apparaît, notamment, que même le seuil de 12 ans est en général méconnu, comme cela a été montré par les rares enquêtes qualitatives à avoir été menées sur le sujet.
Dans ce sens, et malgré l’interdiction formelle qui frappe l’emploi des enfants de moins de 12 ans, il semble que ce phénomène soit tellement présent qu’il a été intégré dans la définition de la population active lors des recensements généraux de la population et des enquêtes sur l’emploi. Est considérée, en effet, comme « actif occupé » toute personne qui travaille (au moment du recensement ou de l’enquête) et dont l’âge est au moins égal à sept ans.
Les conditions de travail des enfants sont, ainsi, des plus pénibles. La durée de travail est constamment supérieure à la durée légale (huit heures par jour) et peut atteindre douze à quatorze heures; les congés sont inconnus, ou alors ils ne sont pas payés; la sécurité sociale est hors de propos. Dans de nombreux cas, pour des apprentis, aucun « salaire » n’est payé.
Celui-ci peut atteindre parfois quelques dinars par semaine (entre 10 et 20). Dans tous les cas, et c’est là l’un des principaux attraits de l’emploi des enfants pour les employeurs, la rémunération qui leur est attribuée ne pouvant être que très inférieure au salaire minimum légal qui n’est dû qu’aux travailleurs de 18 ans et plus. Plus fondamentalement, la mise au travail des enfants à un très jeune âge présente quatre conséquences majeures, qui sont autant de facteurs renforçant les causes à l’origine du phénomène :
* Elle contribue, ainsi, directement à amplifier le problème du chômage : de nombreux employeurs préférant engager des non-adultes, beaucoup plus facilement « maîtrisables » et largement sous-rémunérés par rapport à des travailleurs plus âgés. Or, le chômage des parents, est un des éléments qui les pousse à faire travailler leurs enfants, après les avoir retirés, le cas échéant, de l’école.
* Elle concourt au maintien de la pression sur les salaires et à la limitation des revenus pour de larges couches sociales. En ce sens, elle renforce, également, l’état de pauvreté qui en est à l’origine.
* Elle représente une incitation, pour les plus démunis, au maintien de comportements démographiques natalistes; les enfants apparaissant comme un moyen naturel d’aider à la satisfaction des besoins de la famille. Elle structure, de la sorte, les familles pauvres dans une posture durable de familles nombreuses, qui tendent à se reproduire aussi démunies et aussi procréatrices, de période en période, dans l’attente que la ‘’ boucle soit rompue ‘‘.
* Enfin, le travail des enfants maintient un faible niveau de qualification de la force de travail par l’absence de toute formation scolaire ou parascolaire (chez le travailleur-enfant devenu adulte).
A cela s’ajoutent les risques de maladies professionnelles et les troubles de croissance encourus par l’enfant au travail et dont les conséquences peuvent altérer ses capacités physiques et mentales durant toute sa vie active. Réduire progressivement l’ampleur du travail des enfants, avant de l’éliminer complètement, nécessite de mettre en œuvre des moyens de politique économique et sociale, institutionnels et juridiques de nature à atténuer – ou à faire disparaître – les facteurs qui en sont à l’origine.
Il n’est pas question, ici, d’avancer une stratégie globale dans ce sens, mais simplement d’indiquer des options vers lesquelles l’action doit être, en priorité, dirigée. Des directions peuvent représenter, cependant, deux axes prioritaires d’action pour qui veut rendre le recours au travail des enfants inopérant, au-delà de toute autre intervention de type législatif ou réglementaire.
Il est, ainsi, nécessaire que les choix économiques et financiers de l’Etat aient pour objectif essentiel de réduire la pauvreté, aussi bien urbaine que rurale, en permettant d’accroître le revenu national, de réduire les disparités dans sa distribution et de créer, par une orientation pertinente de l’épargne et de l’investissement, des possibilités importantes d’emploi. Le chômage constituant un des principaux ferments de la pauvreté.
Le besoin d’une politique nationale de lutte contre la pauvreté est intimement lié, pour que l’assise du phénomène du travail des enfants disparaisse – puisque, à la limite, un enfant qui ne va pas à l’école, il vaut mieux qu’il s’insère dans la vie active et qu’il se forme par le travail – à la constitution d’une école nationale qui ait pour obligation première d’intégrer tous les enfants d’âge scolaire jusqu’à la limite, au moins, du cycle fondamental (c’est-à-dire, 16 ans).
Le cas échéant, en garantissant une subvention prise, notamment aux enfants et aux jeunes filles en milieu rural, représente un déterminant essentiel pour l’amélioration de la qualité des ressources humaines – sous réserve de réforme des programmes et des contenus de la formation qui y est administrée – à engager par les secteurs de production et pour l’augmentation des revenus des intervenants dans cette production.
Elle constitue, aussi, en parallèle à la politique nationale de lutte contre la pauvreté, encore à élaborer et à mettre en œuvre, le meilleur moyen pour réduire les naissances à un niveau qui préserve les équilibres à long terme au sein des familles et de l’ensemble de la société. Et, parallèlement, pour éliminer le recours au travail des enfants qui sera devenu, dans les faits, inutile.
A quoi sont utilisés les enfants ?
D’un bout à l’autre de la terre, on retrouve des enfants dans les champs, dans les mines, les ateliers ou dans les cuisines.
L’agriculture est encore la plus grande utilisatrice d’enfants. Les enfants doivent souvent travailler aussi longtemps et durement que leurs parents. La mortalité, la malnutrition et l’analphabétisme sont presque partout plus élevés dans les campagnes que dans les villes.
Dans les entreprises, la réglementation (ensemble de lois) sur l’âge et la durée du travail est, en général, respectée. Ce n’est pas le cas des petites entreprises ou des petits ateliers non déclarés qui utilisent cette main-d’œuvre très économique : on trouve des enfants qui fondent des tôles d’acier, tissent des tapis ou fabriquent des allumettes. Les locaux sont souvent sans air et sans lumière : on les appelle les « ateliers à sueur ».
Les enfants qui travaillent comme domestiques (employés de maison) sont en général loués ou même vendus à des familles plus riches. Dans l’immense majorité, il s’agit de fillettes, souvent de moins de 13 ans, qui habitent chez l’employeur. On pense que les cas de mauvais traitement sont fréquents.
Ce sont peut-être, de tous les enfants au travail, ceux qui sont les plus exploités et qui peuvent le moins se défendre, car ils vivent totalement isolés. Et puis il y a tous les enfants des rues : certains jeunes chassés de chez eux par la misère, ou orphelins vivent entièrement dans la rue.
Ils survivent en vendant des cigarettes ou des chewing-gums, cirent des chaussures, lavent des voitures, chantent sur les trottoirs ou bien mendient. Beaucoup d’entre eux basculent dans la délinquance et la prostitution.
Pourquoi travaillent-ils ?
Les principales causes du travail des enfants sont, la pauvreté, l’analphabétisme, la différence de salaire entre adultes et enfants, le décès ou l’absence permanente du père, le niveau de vie très bas dans les campagnes, les conditions de vie dans les quartiers pauvres de la ville, l’impossibilité du système scolaire à garantir un emploi futur, les exigences physiques spécifiques pour effectuer certaines tâches (mines, tissage des tapis, etc.).
Les enfants abandonnés ou sans-domicile-fixe (SDF), l’école buissonnière, les familles nombreuses et l’emploi des parents qui ne permet pas de gérer celles-ci ni sur le plan matériel ni sur celui moral et éducatif.
Les conséquences de l’indifférence face au phénomène
Dans la plupart des activités effectuées par les enfants, les risques d’une détérioration rapide de leur santé sont importants : l’utilisation de produits chimiques dans le cas des industries de la chaussure, de l’orfèvrerie et du textile, mais aussi dans l’agriculture, intoxique l’organisme fragile des enfants.
Dans l’industrie du tapis ou du tissage, les enfants sont entassés dans des lieux sombres et pollués de poussières de laine. Ils abîment leurs yeux et leurs poumons.
Les enfants chiffonniers sont souvent atteints de maladies de la peau. De plus, ils risquent de se couper et de contracter le tétanos (maladie infectieuse très grave). Les enfants qui travaillent dans la construction ont des troubles de croissance et des déformations parce qu’ils portent des charges trop lourdes.
Les enfants qui travaillent dans les carrières et les mines sont exposés à la silicose (maladie pulmonaire). Les enfants qui se prostituent sont de plus en plus fréquemment atteints du sida.
Boughediri Siham