À in-Salah, les rassemblements se poursuivent, Les opposants campent sur leurs positions

À in-Salah, les rassemblements se poursuivent, Les opposants campent sur leurs positions
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Dix jours après le déclenchement du mouvement de protestation contre l’exploitation du gaz de schiste, In-Salah est toujours ville morte : les écoles, les commerces et toutes les institutions publiques (mairie, daïra, poste…) ont baissé rideau depuis le 1er janvier.

Le nouvel an commence vraiment mal pour cette ville du Sud de 50 000 habitants, connue jusque-là pour être la première ville du pays, voire du continent, pourvoyeuse de gaz naturel. Si ses habitants ne se sont jamais opposés à cette production gazière classique qui a permis le développement de toute une économie, en revanche, ils refusent catégoriquement l’exploitation de la nouvelle énergie non conventionnelle, à savoir le gaz de schiste. “Nous savons que l’exploitation du gaz de schiste peut générer des bénéfices et renflouer les caisses de l’État, mais nous savons aussi que les dégâts qu’elle provoquera sont énormes : pollution de l’eau, voire son épuisement, destruction de l’environnement et ses répercussions directes sur la santé humaine et animale. Déjà, le gaz ordinaire (naturel ou conventionnel, ndlr) a causé beaucoup de dégâts dans notre région, sans parler des essais nucléaires d’Adrar, à peine à 400 km d’ici, dont les conséquences font encore des ravages. D’où, nous voulons dire aujourd’hui aux autorités que vous ferez mieux de ne pas vous fatiguer dans l’espoir de nous convaincre d’accepter cette hécatombe et de prendre la décision salutaire d’arrêter l’exploitation, et non pas l’exploration, comme vous voulez nous le faire croire, du gaz de schiste. Sans quoi, nous ne renoncerons jamais à notre mouvement de protestation.”

Ce plaidoyer fait par Mohamed Slimani, la cinquantaine, agent à Naftal de son état, est partagé par l’ensemble des manifestantes et manifestants qui campent toujours sur la placette qui fait face au siège de la daïra, désormais baptisée “place de l’Union”.

Camping nommé “place de l’Union”

LG Algérie

Son concitoyen, Mohamed Allioui, agent HSE à la GCB, abonde dans le même sens : “Nous voulons faire passer le message des habitants d’In-Salah au reste des Algériens, qu’ils se solidarisent avec nous afin de faire pression sur le gouvernement pour renoncer à son projet, à hauts risques, d’exploitation du gaz de schiste, qu’il compte étendre à plusieurs autres régions du pays.” Le message est, visiblement, déjà assimilé par de nombreux Algériens, en attestent les mouvements citoyens annoncés ces derniers jours dans plusieurs villes du pays. Selon nos informations, une grande marche populaire sera incessamment organisée dans la capitale du sud du pays, Tamanrasset.

À In-Salah, la mobilisation devient, au fil des jours, de plus en plus forte. Aux heures de pointe, la foule devient très compacte. Depuis jeudi dernier, les femmes organisent, chaque matinée, une marche dans le centre-ville, avant de regagner la “place de l’Union” pour s’occuper de la préparation du “déjeuner populaire”.

Une grande tente aménagée y est spécialement dressée à même l’entrée du siège de la daïra. Le service se fait de manière organisée, qui n’a rien à envier à celui assuré lors d’une quelconque zerda ou fête. Il est assuré par des bénévoles se distinguant par leurs dossards.

Les servis, les femmes d’un côté et les hommes de l’autre, se scindent en groupes de dix personnes. Un plat collectif est servi pour chaque groupe. Ces deux derniers jours (vendredi et samedi, ndlr), les manifestants, les visages emmitouflés dans leurs chèches, bravent un vent de sable violent. Pour préparer le thé, boisson chaude très prisée chez les gens du Sahara, un feu de camp est allumé devant chacune des tentes faisant office de QG des représentants de chaque commune de la daïra d’In-Salah.

Les denrées alimentaires, apprend-on des organisateurs, parviennent des habitants et de plusieurs commerçants de la ville, solidaires avec les manifestants. “Personnellement, je leur ai donné une marchandise d’une valeur de 60 000 DA, et je suis prêt à leur en rajouter s’ils me le demandent”, avoue un propriétaire d’une supérette originaire de Bouira.

Cela, quand bien même les commerçants de la ville d’In-Salah resteraient “asphyxiés” depuis plus d’une semaine : ils n’ont droit qu’à quelques heures de travail, de 17h jusqu’à la tombée de la nuit, pour assurer le service minimum aux citoyens.

Prière contre la “malédiction”

Devant l’absence d’une réponse de la part des autorités, les manifestants ont, par ailleurs, improvisé, depuis le 9 décembre, un nouveau procédé, afin de s’en remettre à Dieu.

Ils organisent une prière dite “El-Lotfia” (littéralement, la clémence), pour implorer le Tout-Puissant afin de les aider à se débarrasser de cette “malédiction” nommée gaz de schiste. Pour ce faire, les sages sont invités à réciter des versets coraniques et des prières populaires exhortant “Dieu Le Clément de les débarrasser de cette malédiction” qui s’abat sur la région, voire le pays. Cette tâche est réservée aux sages qui se succèdent au mégaphone et aux baffles géantes transportés par un camion prévu pour la circonstance. C’est dire que la manifestation est organisée de telle manière qu’elle mobilise tous les moyens possibles. L’un des “prêcheurs”, Mohamed Mansouri, enseignant de langue arabe à l’école primaire de la commune d’Inghar, à environ 50 km d’In-Salah, explique que cette prière était jusque-là faite pour prier Dieu collectivement dans l’espoir de guérir une personne souffrant d’une maladie incomprise ou compliquée, ou encore une région d’une malédiction, telle que la sécheresse ou une quelconque catastrophe naturelle.

Selon lui, s’en remettre à Dieu est l’ultime recours devant la sourde oreille des autorités du pays qui s’entêtent à poursuivre le projet, pour le moins controversé. En coulisses, les tractations se poursuivent. Pour l’heure, aucune solution n’est en vue.

F. A.