Il a été débarqué moins de trois mois après sa nomination , Tebboune : l’éphémère Premier ministre

Il a été débarqué moins de trois mois après sa nomination , Tebboune : l’éphémère Premier ministre

À travers le renvoi brutal, moins de 100 jours de magistère, d’Abdelmadjid Tebboune s’est manifestée la puissance de l’oligarchie.

Sa nomination le 24 mai, quelques jours seulement après la proclamation officielle par le Conseil constitutionnel des résultats des élections législatives, tenues trois semaines plus tôt, avait surpris collaborateurs, adversaires et observateurs. Y compris les chancelleries étrangères dont l’ambassade de France. “Que vais-je dire au Quai d’Orsay ?”, se serait exclamé l’ex-ambassadeur, Bernard Émié, selon les confidences alors du magazine Jeune Afrique. C’est que l’intronisation inattendue de celui qui n’a pas affiché d’ambition politique jusque-là a étonné plus d’un. Abdelmadjid Tebboune restera probablement l’homme qui aura marqué l’année qui s’achève. Non seulement parce qu’il détient désormais le record de la longévité la plus courte à la primature, mais pour avoir engagé un bras de fer improbable contre les puissances de l’argent.

“L’Algérie est un pays de libertés et le demeurera, chaque citoyen est libre de s’engager dans les affaires, la politique ou même les deux, mais pas à la fois”, a lancé, devant les parlementaires, Abdelmadjid Tebboune lors de la présentation, en juin, de son plan d’action. “Nous allons œuvrer à la séparation entre l’argent et le pouvoir”, a-t-il ajouté. Un discours qui a très vite fait jaser et qui ne manquera pas d’être suivi, les jours suivants, par une série de mesures dont les cibles sont les détenteurs de grosses fortunes. Outre des mises en demeure à l’adresse de plusieurs entreprises dont l’ETRHB d’Ali Haddad, Abdelmadjid Tebboune, qui a inauguré de nouvelles méthodes de gestion à travers l’organisation de conseils interministériels, s’attaque à des dossiers sur lesquels beaucoup parmi ses prédécesseurs s’étaient heurtés : foncier industriel, foncier agricole ou encore l’importation. Mi-juillet, coup de tonnerre lorsque, lors d’une visite à l’École supérieure des assurances de Ben Aknoun, les services du Premier ministère invitent le patron du FCE à ne pas assister à la cérémonie.

Offensé et humilié, Ali Haddad organise, quelques jours plus tard, la riposte en compagnie de son “ami” Sidi-Saïd. “La sagesse et la sérénité nous commandent de ne pas y voir pour l’instant un coup de canif au consensus douloureusement construit, et qui porte, par le geste de M. le Premier ministre, indéniablement préjudice à l’esprit et à la lettre du Pacte national économique et social de croissance, moment fondamental de la consécration de la culture du dialogue social entre le gouvernement et ses partenaires socioéconomiques”, ont écrit plusieurs organisations patronales et l’UGTA, réunies à El-Aurassi, en qualifiant le geste de Tebboune de “difficilement admissible”. C’est le début d’un bras de fer dont les facettes vont alimenter la presse durant plusieurs jours. Alors qu’il se trouvait en France, dès le début du mois d’août pour des vacances ponctuées par une rencontre informelle avec le Premier ministre français, Édouard Philippe, Abdelmadjid Tebboune essuie une salve de critiques acerbes dans les médias, particulièrement parmi ceux reconnus comme des porte-paroles officieux du cercle présidentiel. “Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a qualifié les décisions prises par le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, de provocation réelle contre les opérateurs économiques nationaux. Le président Bouteflika aurait alors instruit le Premier ministre de veiller à ce que ces ‘provocations’ contre les opérateurs économiques cessent dans les plus brefs délais”, avait rapporté le 8 août la chaîne Ennahar citant une instruction présidentielle que ni l’APS ni les médias publics n’ont évoquée à ce jour.

Pour les observateurs avertis, instruits des traditions de fonctionnement du sérail, la messe était alors dite. Quelques jours plus tard, un laconique communiqué de la Présidence annonce le limogeage de Tebboune. Un renvoi brutal qui n’a toujours pas livré tous ses secrets.

Karim Kebir