A défaut de politique économique, le gouvernement se contente de discours

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Abdelmalek Sellal se veut rassurant. Tout en prônant une rationalisation des dépenses, il a affirmé que l’Algérie tiendra le coup, durant les trois prochaines années.

Ahmed Ouyahia approuve,   mais peu de temps après, il prend un ton alarmiste, pour déclarer qu’au rythme actuel, le pays n’aura plus un dollar dans cinq ans. Le Premier ministre, chargé de trouver des solutions concrètes à une économique ligotée, tourne en rond, en prenant des mesures techniques là où il faudrait des décisions politiques. Augmentation de taxes, abandon d’une politique d’investissement en vigueur depuis une décennie, écueils administratifs pour freiner les importations, glissement du dinar, M. Sellal fait ses choix entre le panel des mesures préconisées par le FMI, et prend celles qui lui semblent les moins menaçantes pour la paix sociale. Les plus faciles à appliquer aussi. Ce faisant, il isole les mesures techniques de leur socle politique et institutionnel, les rendant moins efficaces, voire plus dangereuses. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir pour objectif affiché de réaliser 4.6% de croissance, malgré une baisse des investissements de 9%. Par quel miracle les structures dépensières et gaspilleuses d’hier peuvent-elles devenir rationnelles et efficaces aujourd’hui? Le pays a-t-il changé d’administration, de parlement, de gouvernement ou de lois? Y a-t-il une injection massive de managers allemands et d’ouvriers chinois en mesure de réaliser ce miracle ?

Le directeur de cabinet du Président Bouteflika évoque, de son côté, des difficultés à venir à cause de l’absence d’initiative pour changer le cours des choses. « L’Algérie doit diversifier ses exportations », dit-il, ajoutant, contre tout bon sens, que l’Algérie demeure « l’un des rares pays qui encourage l’investissement et accorde des facilités aux opérateurs économiques ». Selon lui, cet effort est entravé par le « phénomène de la bureaucratie et de la corruption », qu’il faut combattre.

CONVERGENCES

LG Algérie

M. Sellal abonde dans le même sens. Au cours de sa rencontre avec les walis, il les a invités à « combattre tous les blocages bureaucratiques » qui entravent l’acte d’investir. Selon lui, l’Algérie a « les capacités d’être un pays émergent », mais cette ambition est enrayée par « un manque de gouvernance ».

L’organisation de l’Economie algérienne est-elle adéquate ? La réponse est ambiguë. Et pour cause. M. Abdelmalek Sellal a accédé au gouvernement avec l’arrivée du Président Bouteflika, en 1999, et M. Ouyahia était déjà un ministre expérimenté, à ce moment-là. Cela fait donc quinze ans pour l’un, et vingt ans pour l’autre. Tout ce temps au gouvernement les dispense de toute pensée critique. Si bureaucratie et mauvaise gouvernance il y a, ils en sont partie prenante. Mais c’est le côté superficiel du discours qui frappe. Comme cette idée, selon laquelle, le gouvernement est animé d’une volonté de changement, qui va « rencontrer des résistances », selon la formule de M. Abdelmalek Sellal. « Toutes ces décisions, pour relancer notre économie et absorber le choc pétrolier, toucheront des habitudes, des vieux réflexes et des intérêts. Elles rencontreront, donc, des résistances plus ou moins fortes », a-t-il dit, ajoutant que « le principal allié » du gouvernement « dans ce combat futur sera la population. Si nous lui disons la vérité, nous arriverons à gagner sa confiance». Voilà donc le gouvernement prêt à renouer avec la population !

POPULISME

Ce type de discours a l’immense avantage de plaire, sans engager à rien. Il permet même d’occulter son propre bilan. M. Sellal en abuse, misant sur l’amnésie de son auditoire, ou sur le peu d’intérêt accordé à ses propos. Il estime « inadmissible le fossé qui sépare l’administration du citoyen ». Désormais, « les walis et les élus locaux doivent rendre des comptes aux citoyens », d’autant plus que les présidents d’APC « auront un grand rôle à jouer, dans le développement de l’Economie locale ».

M. Ouyahia peut tenir le même discours. Ça ne lui poserait aucun problème. Mais les deux hommes devraient, eux aussi, rendre des comptes. C’est bien le gouvernement qui a édicté lois et règlements, et imposé les lourdeurs qui bloquent le fonctionnement de l’Economie. C’est, également, l’exécutif qui a dépouillé les élus de tout pouvoir, après avoir transformé l’élection en farce. Et aujourd’hui, nul ne représente mieux le gouvernement que MM. Ouyahia et Sellal.

Dans la gouvernance qu’ils assument, bonne ou mauvaise, ils mesurent, aujourd’hui, leur incapacité à influer, positivement, sur le cours des évènements. Ils ne disposent plus des leviers pour dynamiser la croissance, relancer l’investissement, maîtriser les équilibres financiers. Alors, ils font ce qu’ils savent faire de mieux : faire des discours sans lien avec le réel, d’une part, et, d’autre part, interdire, ou empêcher, par tous les moyens.

Hier, ils ont interdit le crédit à la consommation, l’investissement étranger, hors la règle 59/41, ils ont ralenti l’investissement par toutes les mesures bureaucratiques mises en place ; aujourd’hui, armés des mêmes outils archaïques, ils tentent de freiner les importations, d’éviter l’explosion des déficits et l’écroulement de l’édifice. Faut-il encore se demander quel sera le résultat ?