Le virus de la flambée des prix semble lâcher la pomme de terre pour corroder la viande rouge. Cette fiévreuse contagion lâche un tant soit peu le marché du tubercule et s’installe désormais sur les étals des bouchers.
Les tarifs pratiqués actuellement ont atteint des seuils inaccessibles pour les petites bourses. Affiché en moyenne entre 750 DA et 1 300 DA, le kilogramme de l’ovin ou du bovin ne figure plus sur la liste des commissions quotidiennes de la ménagère. Les agents causaux de cette “épidémie” commerciale se situent à plusieurs niveaux.
De prime abord, les observateurs écartent tout motif évoquant une baisse de la production d’autant plus que le cheptel dépasse les 22 millions de têtes d’ovins. Une statistique avancée par M. Kamel Chadi, président du directoire de la SGP des productions animales Proda.
Pour ce responsable, la forte consommation nationale qui a avoisiné les 380 000 tonnes/an constitue l’un des motifs de cette augmentation des prix. L’autre raison relevée par M. Chadi a trait à la disponibilité gratuite des fourrages due à la bonne pluviométrie qui a caractérisé plusieurs contrées du pays ces deniers mois. Ne connaissant pas de soucis d’alimentation pour leur bétail, les éleveurs se sont adonnés à une rétention des ventes.
“Ce réflexe des éleveurs est tout à fait normal notamment à deux mois du mois de Ramadhan”, explique M. Chadi. Ils préfèrent engraisser davantage leurs bêtes pour les mettre sur le marché au moment qu’ils jugent opportun. Pour une meilleure rentabilité, au lieu de vendre une carcasse de 18 kilos, ils attendent en toute légitimité jusqu’à ce qu’elle avoisine les 25 kilos.
Ce qui a eu, pour conséquence, une régression de l’offre provoquant ainsi une hausse vertigineuse des prix. Face à cette hausse subite des tarifs, la Fédération algérienne des consommateurs (FAC) appelle, au boycott, dès le mois prochain, de l’achat des viandes bovine et ovine dont les prix atteignent des sommets inconcevables. Son président, M. Zaki Hariz, a relevé qu’avant l’arrivée du mois sacré, la fédération a discuté avec les associations de consommateurs pour lancer cette opération de sensibilisation. “Nous allons organiser une caravane nationale de sensibilisation sur la culture de consommation. Nous tablons sur un boycott de 60% de la part des consommateurs”, affirme-t-il.
Des actions de sensibilisation en direction des bouchers sont, en outre, prévues afin des les convaincre à baisser les tarifs. Reste à savoir si cette inédite opération de la part de la FAC sera suivie par les consommateurs surtout à l’approche du mois sacré où le produit en question est très prisé. Mieux, la Fac veut bâtir un véritable front contre la hausse des prix qui n’a, en principe, aucune raison d’être. Il faut dire que la filière des viandes, contrôlée à 95% par le privé, nécessite une organisation. M. Chadi parle d’une indispensable régulation du marché dont les mécanismes sont en phase de construction. Cette condition a pour objectif le rapprochement entre le producteur et le consommateur. “Et le seul maillon qui permet ce rapprochement dans notre pays, est les surfaces d’abattage”, précise le président du directoire lors de son passage hier à la radio chaîne III.
D’où la mise en place de l’Office national interprofessionnel des légumes et des viandes (Onilev) qui entamera prochainement son activité. Cet office aura pour charge la gestion, la régulation et la commercialisation des viandes et des produits agricoles de large consommation. Cette mesure est parmi celles prévues dans un programme d’investissement de 21 milliards de dinars que compte réaliser Proda durant les quatre années à venir. Outre les trois complexes d’abattage projetés dans différentes régions, trois centrales viandes seront également édifiées à Mostaganem, Skikda et Alger. Implantées à proximité des centres d’abattage, ces structures s’occuperont de la vente aux consommateurs. M. Kamel Chadi souligne également la “réhabilitation de quelque 21 anciens entrepôts frigorifiques et la capacité globale sera portée à un million de m3”.
Par ailleurs, M. Chadi promet un approvisionnement suffisant en viandes rouges et blanches durant le mois de Ramadhan.
B K