A Belouizdad, on se prépare pour la finale

A Belouizdad, on se prépare pour la finale

Rendez-vous donc à 6h du matin précises à l’extérieur de la gare des ateliers. Les quatre trains prendront le départ quelques minutes après, à intervalles rapprochés, selon le chef de gare. Les quatre trains de supporters du Chabab de Belouizdad arriveront en gare de Blida, déjà très animée par les passants venant de diverses villes. Le noyau dur du Kop (Laaquiba) quittera Belouizdad un peu plus tôt pour préparer les animations au stade Mustapha Tchaker. Les clubs de supporters de Belouizdad ont cassé leur tirelire pour présenter un tifo (banderole) à l’entrée des joueurs sur le terrain. En rouge et blanc, il devrait occuper toute la largeur du virage nord du stade de Blida. Les supporters algérois prévoient de confectionner un tifo spécial dont ils gardent le secret. Et préparent des animations qu’ils ne veulent pas dévoiler avant l’heure H. Même si elle a un réel intérêt sportif, comme toute finale de Coupe d’Algérie, l’affiche CRB-CABBA aura un parfum supplémentaire puisqu’elle sera inédite. Après le phénomène Mouloudia, tout le quartier de Belouizdad se réveille ce matin avec des racines belcourtosies. Mais dans les deux camps on veut ramener cet évènement à ce qu’il est : un match de football entre deux formations de niveau sensiblement égal. Et l’on espère seulement que les Bordjis, qui sont dans une forme éblouissante, feront mieux que leurs voisins du MC El Eulma, qui avaient explosé contre le CABBA lors des quarts de finale. «Dans nos têtes, on a tous envie de réussir quelque chose. A la fin du match, prolongations ou penalties, il y aura un vainqueur et derrière il n’y aura plus rien», a expliqué Mohamed Henkouche, l’expérimenté entraîneur du CR Belouizdad. Au sein de son équipe, il compte quelques joueurs qui ont déjà connu ce genre de matches sous pression, ce qui pourrait être d’un grand secours au moment de se retrouver devant 30 000 spectateurs au stade de Blida. «Je reste sur une bonne série de victoires, je veux rester sur cette dynamique de victoire pour décrocher le titre.

Mais du côté de Bordj, on n’a pas envie d’être le gros que voudra manger le petit et devenir ainsi le malheureux de cette finale. Le coach belcourtois a toutefois tenu à prévenir ses capés que le moment était d’importance. «J’ai dit à mes joueurs d’en profiter, que ça pouvait être la première et la dernière pour eux. Il ne faut pas s’en faire une montagne. Au contraire, il faut prendre du plaisir. Quand on dispute sa première finale, on a tendance à cogiter. Je n’ai pas apprécié mes finales parce que, quand on est jeune, on est insouciant. On ne regarde pas qui il y a en face. La victoire ne sera pas chose facile face à des Criquets jaunes qui n’ont clairement pas grand chose à perdre». «Honnêtement et sans ouvrir le parapluie, j’ai vu une très belle équipe du CABBA, capable d’augmenter son niveau de jeu par rapport au championnat. Cela va être un match très difficile. On ne le répètera jamais assez : dans cette équipe beaucoup de joueurs sont talentueux. Sur une finale, tout est possible», rappelle le coach. Entraînements à huis clos, précipitation des supporters qui préparent le grand soir, toutes les ruelles et les avenues de Belouizdad sont décorées en rouge et blanc, révision des chants. Tous les amateurs de football à Belouizdad sont sur les dents avant l’affrontement «historique» entre le Chabab de Belouizdad et le CABBA sur la pelouse du stade Mustapha Tchaker de Blida le 21 mai 2009. Une occasion de revenir sur quelques épisodes épicés d’une rivalité bien entretenue par les kops des clubs qualifiés en finale de l’épreuve la plus populaire d’Algérie. El Madania, Belcourt, El Hamma, Cervantes, Laaquiba, Bab Ezzouar, Aïn Naadja, Ruisseau, Lafarge, quelques quartiers à Kouba tels que Garidi, se préparent pour la grande fête, et les motifs de se chambrer mutuellement ne manquent pas. Et Dieu sait si le supporter peut avoir parfois l’humour cruel lorsqu’il s’agit d’épingler l’adversaire. A Belouizdad, les ultras ne s’en privent pas et se sont toujours montrés très imaginatifs pour mettre en boîte leurs homologues bordjis.

Tout est prêt pour mettre en boîte les Criquets jaunes

Plus les clubs sont proches géographiquement, plus les rivalités sont fortes, c’est vrai partout, relativise Sofiane, un camelot au marché de Belcourt. Exposant une série de fanions, de gadgets, de drapeaux, de survêtements aux couleurs du Chabab devant le cinéma Ritz. «Entre le CRB et le CABBA, il y a toujours eu cette opposition, mais c’est davantage lorsqu’il s’agit de match de coupe, d’une finale surtout. Pour donner le ton, le Chabab devrait toutefois faire très fort dès le premier coup de sifflet, les Criquets seront nombreux à envahir le stade de Blida, nous serons au rendez-vous pour les étouffer. Nos supporters n’ont pas hésité à imprimer des T-shirts enfonçant le clou : « CRB is the best team » ou encore « You will never walk alone sur un « tifo » [banderole] accroché le long d’un immeuble faisant face au marché de Belcourt [marché t’nache]. Pour résumer le tout, c’est la banderole «Gloire à Yamaha et au Chahid Mohamed Belouizdad» que les supporters du Chabab ont déployée en face du cinéma Camera pour accueillir lors d’une de leurs dernières rencontres leurs homologues. La réplique était toute trouvée pour ce match. «Nous sommes les plus forts, nous vous battrons.» Si le kop d’El Madania, El Mahçoul et Confort, les Jasmins, Diar Echems se montre moins offensif que ses homologues de Belouizdad, les partisans de Bab Ezzouar se montrent évidemment tout autant plus chauds, s’arrachant les maillots du Chabab, de Liverpool, d’Arsenal et de Manchester United à des prix exorbitants qu’ils portent fièrement.

Privilège de l’ancienneté sans doute, le CRB peut toutefois compter sur des inconditionnels jusque dans les lointains quartiers de la capitale, comme cette antenne du club des socios à Réghaïa dont les membres ne mettront jamais les pieds dans l’enceinte du stade Tchaker, mais se disent prêts à envahir les artères de la capitale en cas de consécration. Quoi qu’il en soit, entre le club de Laaquiba, soutenu par un tissu dense de socios et toute une ville dont c’est la fierté, et celui de la famille «Yamaha», les contrastes sont patents. Mais tous les compteurs seront remis à zéro durant au moins 90 minutes au stade Tchaker le 21 mai prochain. «Le CRB c’est une équipe de coupe qui a fait un beau parcours. Ce n’est pas gagné d’avance», souligne un supporter, un quinquagénaire ammi Rabah Cervantes. Tout ce grand monde se retrouvera en tout cas à Blida pour une méga fête du foot algérien avec le Rouge et le Blanc flottant dans les tribunes tandis que la chanson de Nasser Eddine Chaouli sera diffusée avant le coup d’envoi. A Belcourt, ceux qui n’auront pu rejoindre l’enceinte du stade Tchaker et souhaiteront profiter collectivement de l’événement pourront se rendre chez les voisins ou dans les cafés où sera installé un téléviseur géant pour suivre dans la bonne ambiance le match. Les cafés et autres salons auront ,quant à eux, l’autorisation d’ouvrir jusqu’à 4h. Samedi matin, les joueurs sont attendus entre 13h30 et 14h au siège du Chabab et doivent être reçus pour un retour qui s’annonce, en cas de victoire, triomphal. Il est vrai que, depuis 1995, date de la dernière coupe d’Algérie, après avoir remporté celles de 1966, 1969, 1970, 1978, et finaliste : 1988, 2003, les fidèles du Chabab n’ont pas eu grand chose à se mettre sous la dent.