Dans la chaleur du mois d’aout, il faut se lever, très tôt, pour avoir le ticket qui permet de déposer son dossier de passeport biométrique. Et ensuite, il faut prendre son mal en patience et attendre, attendre. Virée, dimanche, dans plusieurs daïras d’Alger.
Déposer son dossier de passeport biométrique au niveau de la daïra (sous-préfecture) est, depuis ces derniers jours, un vrai parcours du combattant. Et pour beaucoup de citoyens, cela tourne à la mission impossible.
Le nombre important de » vieux » passeports dont la validité arrive à terme crée un rush des demandes de renouvellement des documents de voyages.
Débordée, l’administration fixe, ouvertement ou implicitement, un seuil de dossiers à réceptionner. Cela crée une course au dépôt de dossier. Et il faut se lever tôt, à partir de 04 h du matin, pour espérer inscrire son nom parmi les heureux élus qui pourront lancer un « ouf » de soulagement en fin de journée.
Dans plusieurs daïras visitées dimanche, le spectacle était pratiquement le même. Longues attentes dans des salles cloîtrées, parfois étroites, chaleur insupportable, interminable routine bureaucratique, tensions…
Les algérois – et cela vaut aussi pour les habitants de la plupart des grandes villes – qui veulent leur passeport biométrique sont avertis : ils doivent prendre avec eux une grande provision de patience pour obtenir le précieux document.
Salle de retrait, salle de dépôt
A la daïra de Dar El Beïda (Bab Ezzouar), le calme régnait à la salle du retrait du passeport, où une trentaine de personnes récupéraient leurs documents après trois quarts d’heure d’attente « sereine ».
Tout le contraire de la salle de dépôt du dossier pleine de bruits et de fureur contenue. Des femmes et des hommes, assis et debout, dans une chaleur suffocante.
On était encore dans la matinée mais les demandeurs de « bios » étaient déjà là depuis quatre ou cinq heures. Il fait chaud et les nerfs commencent à lâcher même si on a appris « à attendre’’ avec l’administration algérienne.
« Je suis ici depuis 06H du matin, déplore un homme, la quarantaine, en essuyant la sueur de son front avec mouchoir. A mon arrivée la liste était presque complète. Par chance, j’ai pu m’y inscrire mon nom. Là, je suis là, j’attends leur appel ».
Très tôt le matin, des dizaines de personnes affluent aux portes de la daïra pour essayer d’inscrire leurs noms sur cette fameuse liste, un quota limité de dossiers à traiter durant la journée. Si les premiers inscrits se résignaient à patienter jusqu’à la fin de la matinée, d’autres repartent pour revenir, en début d’après-midi, après la pause-déjeuner des employés de la daïra.
De nombreuses personnes non « averties » des règles en vigueur continuaient d’arriver à partir de 9h, après une « grasse matinée », se retrouvaient larguées. La visite n’est pas complètement inutile: ils comprennent le fonctionnement du système de « réservation », ils repartent, bien déterminés à pointer demain, à l’aube, devant la porte de la daïra.
Daira de Sidi M’Hamed : 100 dossiers/jour
A Sidi M’hamed (Alger-Centre), la liste est aussi de mise. Les tickets sont distribués sur la base d’un quota limité à 100 dossiers par jour. Une pratique qui n’est pas du gout, on s’en doute, de nombreux citoyens.
Vers 11H30, la salle du dépôt était encore plus bruyante qu’ailleurs. Des personnes, impatientes, parfois visiblement au « bord de la crise de nerfs » faisaient les cent pas entre les chaises et les guichets. Avec parfois des raids vers les agents, imperturbables, pour demander des renseignements ou pour savoir où en était les procédures.
Mais le stoïcisme ou la résignation étaient de mise chez les demandeurs de passeports qui restaient sagement assis. .
« Je suis venue à 7H00. J’ai trouvé la liste de la matinée déjà close, depuis 6H00 selon un responsable, explique un dame, la soixantaine, essoufflée, alors je me suis inscrite pour cet après-midi et j’attends ».
A midi cependant, ceux qui étaient inscrits dans la « liste du soir » sont surpris de voir un employé se présenter avec une feuille vierge pour inscrire le quota de l’après-midi. C’est le mauvais coup imprévu qui suscite la colère.
L’employé tente de se justifier : « la liste établie ce matin a été refusée tout à l’heure. Ils nous ont demandé de sélectionner ceux de l’après-midi plus tard ».
Ceux qui attendaient depuis des heures le regardaient, incrédules, indignés, en colère. « Comment cela refusée ? », « Pourquoi sommes-nous venus très tôt alors ! », s’écriaient certaines personnes. « Nous refusons de réinscrire nos noms », lançaient d’autres.
Ceux qui étaient partis vaquer à leurs occupations après s’être inscrit le matin dans la liste du soir « retoquée » pour des raisons peu claires découvraient à leur retour leur déconvenue. Ils ne font pas partie des « élus » de la nouvelle liste.
« Rien n’est acquis avec une administration qui change les règles en une matinée, il faut rester sur place » observe un homme style « cadre » d’entreprise.
Et ce n’est pas fini !
A la daïra de l’Hussein Dey, les citoyens sont soumis aux mêmes pratiques, « bureaucratiques », selon les termes lancés par-ci et par-là, en dépit du bon déroulement des procédures.
A la réouverture des portes à 13H00, où l’ambiance semblait calme, chacun prenait une place et s’y asseyait, guettant l’afficheur d’un regard et le ticket d’un aut
« Je suis venu ce matin pour prendre mon ticket. Il ne reste plus que trois personnes, et ce sera mon tour », indique un père de famille, accompagné de son épouse et ses enfants.
Les demandeurs dont le tour arrive montrent leur ticket au fonctionnaire et filent vers le bureau pour déposer leurs dossiers. En quelques minutes, ils ressortent munis d’un récépissé. Une journée d’attente pour quelques minutes qui soulagent.
Mais ce n’est pas fini pour autant. Ils sont dirigés ensuite vers la cabine pour se faire photographier. Une autre attente de longues minutes dans une autre salle close, sous une chaleur tout aussi suffocante. Un dernier bain de sueur avant d’en finir avec ce marathon.