A Alger, des milliers de manifestants pour une marche entravée pour Gaza

A Alger, des milliers de manifestants pour une marche entravée pour Gaza

« Quelle désolation, quelle honte, quel irrespect pour notre histoire, notre combat ». Les mots sont d’un sexagénaire qui fulminait vendredi après-midi contre la « faute politique » et la « faute de goût » du pouvoir algérien qui a interdit la marche pour Gaza à laquelle a appelé le Comité populaire de soutien à Gaza dirigé notamment par Djamila Bouhired et Lakhdar Bouregaa, des figures du combat pour l’indépendance.

L’écœurement et aussi la surprise était de mise à la Place du 1er mai. Une information approximative avait laissé entendre que les autorités avaient accepté l’organisation de marches pour Gaza dans toute l’Algérie y compris à Alger qui fait l’objet d’une interdiction permanente de manifester depuis la marche des « arouchs » du 14 juin 2001.

A l’évidence, rien n’a changé, les seules manifestations autorisées à Alger sont celles qui se déroulent dans un espace clos. Le Comité Populaire qui a appelé les autorités à « être à la hauteur des positions historiques de l’Etat algérien et des sacrifices du peuple algérien et de son soutien sans condition au peuple palestinien » a découvert des murs érigés par des camions de police pour empêcher la marche.

Au grand dam des milliers d’Algérois, drapeaux palestiniens en main et souvent ceints de Keffieh, venu exprimer leur soutien à Gaza et leur dénonciation des régimes arabes. « C’est de la lâcheté » pouvait-on entendre parmi les manifestants. « Jaban », lâche, deviendra un slogan très répandu avec « Gaza Echouhada » repris sous l’air de « Bab El Oued Echouhada ».

La marche pour Gaza n’a eu lieu que pour quelques centaines de manifestants qui ont pu passer malgré les camions de police qui ont quadrillé la Place du 1er mai qui devait être le point de départ de la manifestation en direction de la Place des Martyrs.

Un peu plus de 3000 manifestants sont restés bloqués bloqués à la Place du 1er Mai. Ils ont été rejoints par des centaines de jeunes manifestants venant du quartier populaire de Belcourt qui ont pu, malgré le déploiement policier, parvenir à la Place du 1er Mai. De nouveaux venus qui ont fait grossir le rassemblement en reprenant aussi bien Bab El Oued echouhada que le classique du FIS « Alyeha Nahya, Aleyha Namout ».

Un militant démocrate, membre du comité Populaire et aussi de la CNLTD, ne cachait pas son dégoût: « cela aurait pu être une manifestation qui ne déshonore pas le pouvoir, ils ont tout fait pour la transformer en meeting islamiste ».

De fait le meeting improvisé a été pris en charge par le Mouvement de Société de Paix (MSP) dont le président Abderrezak Mokri qui a fustigé l’interdiction de la marche. « Nous avons honte vis à vis de nos aînés qui ont combattu pour la liberté et l’indépendance » a-t-il dit en évoquant la marche empêché et les déploiements policiers mis en place pour empêcher l’arrivée des manifestants.

Dans la foule, les slogans pour Gaza s’accompagnaient aussi des propos venimeux contre les dirigeants arabes. Le maréchal Abdelfattah Al-Sissi a été particulièrement conspué. En route vers le métro, un vieux couple se désolait de voir les Algériens empêchés de dire leur solidarité aux palestiniens qui « se font massacrer sous le regard de tous ».

« Je m’y attendais » dit le vieux monsieur, mais « j’espérais quand même que le sang qui coule à Gaza ferait changer d’avis à ceux qui nous gouvernent. Ils ont été conforme à ce que je pensais, ils ne m’ont pas surpris. Cela me désole. Ceux qui sont là, aujourd’hui, qu’ils soient barbus ou non, expriment bien le fond de ce que les Algériens pensent du martyre de Gaza et de la veulerie des dirigeants arabes ».

Gaza, contrairement à ce que certains ont cru, n’a pas « libéré » les manifestations à Alger. Beaucoup s’en désolent et s’en indignent. « Gaza echouhada méritait bien plus qu’une marche ». C’est dit avec une colère contenue. Alger n’a pas pu crier comme elle le voulait sa peine et sa solidarité pour Gaza.