Michel Ayoub commence son tapage à 02H00 du matin en faisant résonner son tambourin dans les ruelles pavées d’Acre pour réveiller les musulmans qui observent le ramadan.
Michel Ayoub est « messaharati »: il perpétue à Acre, la tradition qui consiste pendant le mois sacré de jeûne à réveiller les musulmans pour une collation avant le lever du soleil. Mais Michel Ayoub n’est pas un « messaharati » comme les autres : il est catholique.
Tous les jours, bien avant l’aube, cet Arabe israélien de 39 ans, carreleur et plâtrier de profession, entame sa tournée dans la Vieille ville d’Acre, joyau patrimonial sur la Méditerranée.
Revêtu d’une tenue traditionnelle levantine, Michel Ayoub rompt de sa voix ample et du battement de son tambourin le silence des venelles séculaires, décorées des lumières du ramadan. Sur son passage, les fenêtres s’allument les unes après les autres.
« O, vous qui dormez, il existe un Dieu éternel », chante-t-il. Keffieh jeté sur les épaules, saroual beige tenu à la taille par une large ceinture brodée, gilet damascène et turban noir et blanc sur la tête, il improvise des appels pour « un réveil en douceur ».
La tradition du « messaharati », toujours largement observée dans le monde musulman, avait disparu à Acre et c’est Michel qui, il y a 13 ans, a eu l’idée de faire vibrer de nouveau le tambourin dans la Vieille ville. C’était sa façon à lui d’entretenir l’héritage transmis par son grand-père.
– ‘Une même famille’ –
Ce fervent catholique écoutait, dit-il, « la lecture du Coran tous les vendredis » au moment de la grande prière musulmane. La coexistence, le respect et la connaissance des autres religions, « on a grandi avec », poursuit-il.
Acre est légataire de siècles d’histoire. Habitée sans discontinuer depuis l’époque phénicienne, elle fut au Moyen Âge le principal port du royaume croisé de Jérusalem, puis une importante citadelle ottomane. La Vieille ville fortifiée, avec ses remparts, ses mosquées, ses bains, est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité.
« Nous sommes une même famille. Il n’y a qu’un seul Dieu et il n’y a pas de différence entre les chrétiens et les musulmans », dit ce descendant de Palestiniens restés sur leur terre à la création d’Israël en 1948.
Aujourd’hui, ces chrétiens et musulmans qui sont citoyens israéliens mais se présentent généralement comme Palestiniens, sont 1,4 million et représentent 17,5% de la population d’Israël.
Sabra Aker a « grandi avec les réveils de Michel Ayoub pendant le ramadan ». « Si un jour il ne vient plus, on est perdu », avoue cette jeune fille de 19 ans depuis la fenêtre de sa maison.
Pour perpétuer la coutume, Michel Ayoub a pris sous son aile Ahmed al-Rihaoui, 12 ans, qui l’accompagne dans ses tournées nocturnes, seroual et gilet noirs sur une chemise d’un blanc éclatant assorti à son turban. « C’est un messaharati prometteur, il est très doué », assure Michel Ayoub.