Mohamed El Baradei, ancien directeur de l’Aiea, et Amr Moussa, ex-secrétaire général de la Ligue arabe, ont été reçus hier par le maréchal Tantaoui.
Un manifestant a été tué hier dans des heurts avec la police faisant craindre un regain de violences durant le scrutin.
Le jeune homme de 19 ans a été tué tôt hier lorsque la police antiémeute a attaqué à coups de grenades lacrymogènes des manifestants qui ont campé toute la nuit devant le siège du gouvernement pour protester contre la nomination d’un nouveau Premier ministre par l’armée. Selon des témoins, le jeune homme a été écrasé par un véhicule des forces de sécurité. La victime «est morte à la suite d’une hémorragie provoquée par de multiples fractures au bassin, probablement causées par un contact avec un véhicule lourd», a pour sa part affirmé une source médicale. Il s’agit de la première victime après deux jours d’accalmie dans la capitale et d’autres villes du pays, où de violents heurts ont fait 41 morts en cinq jours, notamment près de l’emblématique place Tahrir au centre du Caire. Celle-ci est encore occupée par des milliers de manifestants réclamant sans relâche le départ du pouvoir du Conseil suprême des forces armées (Csfa), accusé de vouloir maintenir sa mainmise sur les affaires du pays et de perpétuer la politique de répression de Moubarak, chassé du pouvoir en février après 30 ans de règne. La mort d’un manifestant hier est survenue à 48 heures des premières élections depuis la chute du président Moubarak, lui-même issu de l’armée, alimentant les craintes que le scrutin soit émaillé de violences. Vendredi, le Csfa a nommé Kamal el-Ganzouri, 78 ans, comme nouveau Premier ministre en remplacement d’Essam Charaf, qui a démissionné sous la pression de la rue. Mais le choix de cet ancien chef du gouvernement sous Hosni Moubarak a immédiatement été rejeté par la foule à Tahrir. «Dégage!», «Ganzouri est un vestige» de l’ancien régime, «Révolution!» scandaient les manifestants. M. Ganzouri a émis l’espoir de former son gouvernement «avant la fin de la semaine prochaine», appelant à attribuer des portefeuilles à des jeunes, mais les jeunes anti-militaires ont répliqué en proposant leur propre liste de noms pour un gouvernement de «salut national». Ils ont notamment proposé Mohamed El Baradei, ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (Aiea) pour diriger ce gouvernement. M.El Baradei, qui devrait être candidat à la présidentielle, a été acclamé par la foule à Tahrir vendredi. Au centre de la place, le «village de tentes» a grossi depuis samedi dernier, la foule se rassemblant quotidiennement pour clamer «A bas Tantaoui!», en référence au maréchal Hussein Tantaoui, chef du CSFA et chef d’Etat de fait. «On a beaucoup patienté, maintenant il y a une crise de confiance», a expliqué un jeune informaticien égyptien. Mais la rue est plus que jamais divisée.
Face aux contestataires de la place Tahrir, d’autres Egyptiens réclament un retour à la stabilité et à la relance de l’économie, plongée dans un marasme profond depuis le soulèvement du début de l’année. «Je dis aux jeunes de Tahrir: «merci, maintenant ça suffit», a affirmé en revanche un autre Egyptien lors d’une grande contre-manifestation vendredi pour soutenir l’armée au pouvoir, sur la place Abbassiyya à quelques kilomètres de Tahrir. Cette «guerre des places» fait craindre selon la presse une division du pays entre pro et anti-militaires. «Le danger de la division», titrait ainsi le quotidien gouvernemental Al Ahram, tandis qu’Al Masri Al Yom écrivait «l’Egypte déchirée». Le maréchal Tantaoui a annoncé mardi une présidentielle avant fin juin, qui permettra à l’armée de remettre le pouvoir exécutif à un chef d’Etat élu, mais les manifestants estiment cette annonce insuffisante. La chef de la diplomatie de l’UE, Catherine Ashton a demandé hier que les violences cessent en Egypte et que la primauté du droit soit maintenue avant le début du vote demain, au lendemain d’un appel de Washington à un «transfert complet de pouvoir à un gouvernement civil».
Plus de 100.000 Egyptiens de l’étranger, privés du droit de vote sous le régime Moubarak, ont déjà voté dans le cadre des législatives étalées sur trois tours et pour lesquelles quelque 40 millions d’électeurs sont appelés à voter, a annoncé le gouvernement.
Ils doivent élire 498 membres de l’Assemblée du peuple (chambre des députés), tandis que 10 autres seront nommés par le maréchal Tantaoui. Force politique la mieux organisée du pays, la confrérie des Frères musulmans, qui boycotte les manifestations à Tahrir, paraît en position de force dans ce scrutin.