Est-ce que Menaouar Antar peut terminer le procès en 20 jours?
Sentant l’empressement, Antar décide d’aller un peu plus vite…
Juste après le passage à la barre de Mimi Lakhdar le second expert-comptable d’El Khalifa qui, tout comme Dahmani et Amghar, n’ont pas éclairé le tribunal autour de la disparition de la quarantaine de voitures de KRC, le juge ne paraissait toujours pas pressé même lorsqu’il avait annoncé la veille, travailler les samedis, s’était attelé ce jeudi à entendre plus de sept autres accusés et inculpés moins «attendus» par l’opinion publique mais attendant ce qu’ils allaient apprendre au tribunal criminel. Et cela était vivement espéré depuis le 4 mai 2015.
Antar prévient que les questions doivent être posées alors que tout le monde parle en même temps et les questions sont posées… posément et sans embrouille.
Il prévient aussi que les questions doivent être posées en droite ligne de l’accusation retenue. Le procureur général prend acte car Antar s’est adressé à toutes les parties.
Maître Ghatas est en train de se délecter des paroles de Antar. La salle est encore quasi vide Ceux entendus ont préféré le home. Adda Foudad, l’ex-divisionnaire de la Dgsn est plutôt apaisé après avoir vu à l’oeuvre Antar le juge qui aura été plutôt «cool» avec le flic retraité condamné en 2007 sur la base du «vent».
En 2015 à 17h30, Foudad écoute religieusement le CV débité par le président qui lança sa première question relative aux placements-conventions, trois montants – 150 deux fois et 100 millions de centimes, produits des revenus de la location d’une villa à Air de France mon bien comme toute ma richesse spoliée En trois minutes, l’ex-directeur de l’école de police de Aïn Benian rappelle qu’il avait ouvert en France un compte lors de son séjour à St Cyr Police (Mont d’or) juste de quoi subsister. «Par la suite» j’ai fait alimenter mon compte par les différentes ambassades locatrices et les placements judicieux et légaux. Après avoir exhibé à Antar, les copies des chèques encaissés par l’agence El Khalifa à Paris, l’inculpé a encore rappelé qu’il avait sur lui d’autres documents de perception délivrés par la banque justifiant ce qu’il avançait depuis un quart d’heure Sur les justificatifs, on y lit: N°9642718 du 22/08/2001, N°9642803 du 7/09/2001, N°9642833 du 20/10/2001, N°9642834 du 22/01/2002.
Les 4 versements débités l’ont été à la S.M. Crédit de Paris.
Puis l’inculpé a encore insisté auprès de la banque en vue du rapatriement de toute la somme car d’énormes dépenses au pays (mariage de trois enfants) «Allah bénisse», marmonne Antar.
Et là aussi, il exhibe la «position du compte» du 1er Août 2002 (El Khalifa Bank!).
Il faut vite avancer que Foudad n’avait pas eu ni le temps ni la largesse des enquêteurs pour qu’il ramène ces documents au procès de 2015. Le président passe alors le nantissement de bons de caisse qui prouve les dires.
«J’ai reçu une reconnaissance de dette de la partie adverse «El Hal» implantée à Oran qui a soumis un crédit à Oran.
«Vous connaissiez El Khalifa Rafik?» demande soudain le juge «Jamais, je ne connaissais que Soualmi le chef d’agence d’Hussein-Dey (Alger).
Puis le Chelfi entendra longtemps le juge qui aura suivi l’inculpé dire la rencontre avec Djellab l’ex administrateur qui a téléphoné à la liquidation où Foudad avait été reçu par l’adjoint Tidjani lequel après avoir saisi la position de Foudad à qui il donnera rendez-vous deux jours après en vue d’avoir une réponse. Le liquidateur a été OK et a commencé par la reconversion de 6000 euros soit un total de 55.000.000 de dinars.
Jeudi matin 9h05 Foudad est de nouveau rappelé à la barre Antar lui rappelle les 6 chefs d’inculpation et résume les déclarations de la veille. Maître Abdelhafidh et Amzert, ses deux avocats l’encadrent.
Puis le président dit à Foudad le pourquoi, il n’a pas pu retirer la somme placée et: «vous aviez poursuivi que l’on vous a appelé avec une proposition d’alliance avec une société espagnole laquelle est prête à vous délivrer une reconnaissance de dettes.»
Fouad laisse entendre que ses amis d’Oran l’avaient rassuré sur la régularité de l’opération. «La reconversion des euros a été possible grâce à votre bonne foi!»
L’inculpé répond que l’entrevue avec Djellab l’avait conforté et c’est ce qui a poussé à l’opération mixte avec les Ibériques Ensuite l’échange va s’étaler entre les entrevues avec l’administrateur et le liquidateur et les arrêts sur images du juge et Foudad très affecté lorsqu’il évoque sa fortune évaporée qui a fait de lui une victime qui a laissé sur le carreau plus de cinq milliards de centimes.
«J’ai refusé de liquider la société»
Antar revient sur les espagnols et cherche à savoir ce qui est advenu de la démarche de l’avocat-liquidateur. Foudad s’enhardit en vue de ne pas perdre le fil des idées Et voilà une autre mini-réunion. Foudad-liquidateur qui a exigé des documents nécessaires à l’opérations montée de commun accord «Dites nous ce qui s’est passé. Redites ce que vous avez déclaré durant l’instruction!» tonne le magistrat.
«Il l’a déchiré! On va partir en justice. Nous nous sommes séparés après une promesse d’un autre rendez-vous. C’est curieux, car le jour où il s’est fâché et détruit un document administratif, je ne m’y attendait pas»
-OK. Votre interlocuteur a voulu s’emparer de l’acte d’hypothèque et alors?» s’inquiète le président.
-J’ai eu peur qu’il ne détruise d’autres documents», lâche l’inculpé qui explique que la réaction de Soualmi était une réalité.
«Non, vos fonds étaient encore en France», dit Antar.
-Non, le 22 mai j’ai fait une demande.
-La fouille de votre bureau a permis de découvrir un document daté du 17 septembre 2002 prouvant que vos économies se trouvaient toujours en ex-Gaulle.
De toutes les façons, Foudad s’est farouchement défendu contre toutes les accusations dont une imaginaire.
Accélérée la cadence
12h50. Ali Aoun passe L’ex P-DG de Saidal est accusé d’abus de pouvoir, de corruption, d’avoir reçu un cadeau d’El Khalifa (une citroën). Il s’y est préparé Il donne son parcours scolaire et universitaire et professionnel. Il est sorti ingénieur en industrie chimique. Il a occupé des postes de responsabilités à la Snic d’abord puis en 1986, il fut désigné directeur central et en 1995 à Saidal où il excella recevant même les félicitations du président de la République en 2002 avec des titres de meilleur gestionnaire. «J’ai été chargé de récurer Saidal où j’avais entrepris de nombreuses opérations, un audit et des propositions autour d’un marché de 800.000 dollars. La main d’oeuvre y était excellente Il s’agissait d’une mauvaise organisation à redresser. «J’ai refusé de liquider la société qui doit vivre pour l’Algérie!» a articulé Aoun qui continua le récit de sauvetage de Saidal. Maître Yahia Chemli, son avocat, surveillait le récit avec beaucoup d’attention.
Antar demande la date du rapprochement du groupe Saidal d’El Khalifa. Aoun dit non, jamais.
Ali Aoun en vient à la convention de rapprochement avec la banque «Ce sont deux personnalités de la pharmacie mondiale qui sont venus faire des propositions hélas non retenues, car l’Algérie a beaucoup perdu. Puis l’ex P-DG entra dans de longues explications scientifiques dans le domaine du progrès en médecine, en pharmacie, avant de revenir à KRC et à la convention.
«Le jour de la signature de la convention, je suis descendu dans la cour de la société saluer les gens et Rafik Khalifa était avec eux le soir, au dîner et organisé à cette occasion, je suis resté un quart d’heure sans prendre un seul verre d’eau» a raconté Aoun qui a dit avec regret: «J’ai été blâmé par le holding – d’en haut – pour avoir refusé de quitter le CPA, un lieu sûr pour nous avoir, intérêts compris. Et ici, dans la salle, certains n’avaient pas compris le manque d’élégance à l’égard de celui qui avait empêché le fric de Saïdal de se volatiliser. Bien. Il est poursuivi pour avoir reçu une auto au nom de Aoun-Saïdal»; (carte jaune) Il assure qu’il ne l’a su que huit mois après lorsque le chef de parc était venu lui en parler pour régulariser. «Je venais de comprendre en deux secondes, le cadeau-piège destiné au P-DG Aoun et la société Saïdal!» siffle-t-il avant d’entrer dans le couloir des complots ourdis à tout va à cette époque «car mon poste était envié. Et de quelles manières!»
Mais Ménaouar Antar le juge qui a bien parcouru le pan du dossier est sceptique: «Comment un P-DG comme vous ne savait pas qu’une voiture vous a été offerte et à votre société?
«Je suis P-DG et je ne passe jamais devant le parc automobile, par ailleurs très bien géré. Pourquoi j’aurais dû m’inquiéter?», rétorque Ali Aoun «Oui, moi je veux bien vous suivre jusqu’au parc mais c’est curieux que six mois sont passés et personne n’a senti le piège» commente le président du tribunal criminel peut-être bien tolérant car Ali Aoun a été le premier accusé à ne pas avoir trop été «malmené» à la barre et surtout que Mohammed Zerguerras, le procureur général et Maître Ali Méziane l’avocat de la partie civile n’aient point «harcelé» comme Dahmani, Amghar et les Chachoua qui ne sont pas près d’oublier les heures de Blida et de Antar qui avait dans son escarcelle, des centaines de questions dont l’écrasante majorité était à charge!
Ali Aoun n’avait pas eu à citer x…ou y…et donc le seul grief retenu de l’accusation, a été normalement bien décortiqué. L’enfant de Touggourt n’a pas balbutié, il n’a pas paniqué. Il a répondu souvent du tac au tac Malgré la couleur de sa peau, il s’est montré plus blanc que le…blanc.
Une pause fut ordonnée par Antar. Les discussions vont bon train à propos de l’ouverture de la nouvelle cour de Souk Ahras qui dépendait jusqu’à jeudi, de Guelma. Et les premiers échos tombés à Blida depuis la salle de la visioconférence où Tayeb Louh, le ministre de la Justice, avait fait un discours au cours duquel il a, encore une fois, rappelé que la loi interdisait expressément de critiquer une décision de justice.
Ce propos est venu de la bouche de Louh qui a dû, ces jours-ci, lire une campagne contre les décisions de justice, notamment de la part d’un ex-magistrat condamné pour parti pris et qui aurait dû attendre le procès en appel avant de se mettre à dos les magistrats allergiques aux attaques contre un des leurs…
A la reprise, Aoun continue de répondre avec calme. Abordant la thalassothérapie à Sidi Fredj, Aoun dit son trois fois: «Si je devais aller aux thermes, je préfère Salihine ou Maskhoutine, voire Melouane. (rires dans la salle)
L’ambiance est toujours stressée, et Aoun allait terminer avec une question de Zerg Erras qui a dit à l’accusé qu’un body guard a vu des gens, dont vous, à Diar El Afia. «Je vous répète que j’y suis allé pour une visite-éclair, de quoi montrer Saidal et l’absence de «pavanage» de notre société.» Durant les soixante minutes, Aoun a démontré en expliquant le transfert de créances, «empêchant une dérive de Saidal que j’ai non seulement toujours servie loyalement, mais encore protégée contre toute attaque extérieure et intérieure» (faisant allusion aux proches collaborateurs qualifiés de félons et de lâches pour le poignarder dans le dos, surtout en 2007 lorsque Aoun avait été condamné par Brahimi. «Il faut lui retirer la confiance», avait-il marmonné entre eux, mais le pouvoir en a décidé autrement en gardant Ali Aoun jusqu’en mai 2008, en retraite méritée.
Et maintenant?
Que peut écrire un rédacteur qui couvre depuis onze jours un procès sur lequel beaucoup de poids pesaient lors de la comparution d’accusés et d’inculpés qui avaient normalement des choses à dire?
Que peut-on deviner pour la suite car sur les 76 accusés et inculpés, 30 ont déjà défilé à la barre, et nous n’avons rien appris autour de cette affaire qui dure depuis près de douze ans, depuis les pressentiments des magouilles qui se déroulaient dans l’empire El Khalifa jusqu’au 4 mai 2015, en passant par le procès de 2007, un procès tronqué par l’absence de Rafik Abdelmoumen El Khalifa qui avait «choisi l’exil que d’être source d’un bain de sang dans nos artères».
Puis, vint la comparution d’El Khalifa qui s’est plutôt confiné à se défendre en accablant ses ex-collaborateurs qu’à balancer les noms de «pontes» cités par l’opinion publique. Il reste aussi à entendre les témoins, les victimes, le réquisitoire du ministère public et les plaidoiries de la défense. Alors, quand sera clôturé ce procès? Les mauvaises langues prédisent la veille du Ramadhan, mais la logique veut qu’avant le 6 mai, Antar doit plier bagages pour laisser Mohamed Regad et Sonatrach I sous les feux d’une actualité que seul Sidna Ramadhan peut envoyer dans les bras de Morphée pour un repos somme toute mérité. Alors, est-ce que Menaouar Antar peut terminer le procès en 20 jours? Possible, à condition qu’il ne s’étale pas en longueur à la barre où rien ne sera dit par ceux qui arrivent dès aujourd’hui.