ALGER – Une mise en valeur de l’interprétation des comédiens rendue dans une conception expérimentale a marqué le spectacle « Leilet Ghadab »(Nuit de colère), entré dimanche à Alger, en compétition du 9e Festival national du théâtre professionnel (Fntp).
Douze comédiens du Théâtre régional de Batna, dirigés par Djamel Merrir, ont donné vie au texte de Mohamed Bourahla dans un spectacle poignant qui traite du rapport des administrés avec un pouvoir totalitaire et obscurantiste.
Sans connaître le délit auquel ils doivent répondre, quatre frères sont emprisonnés dans un royaume où sévit un despote en perpétuelle transe avec des supposés dieux qui lui inspirent toutes ses décisions.
Soumis au diktat du souverain charlatan, les prisonniers prennent connaissance de ce qui leur est reproché, expliqué par un manquement à la volonté des dieux qu’ils auraient commis en pénétrant au royaume lors d’une nuit où les esprits étaient en colère.
La traite des prisonniers par l’intimidation et la terreur est rendue par les différentes méthodes de soumission utilisées, la substitution aux ânes et aux chiens des individus imposée par le pouvoir en a été la parfaite illustration. Dans un profond discours comparatif, le plus intelligent des frères (Samir Oudjit), va tenter de convaincre le dictateur obscurantiste de la nécessité de changer de mode de gouvernance, lui faisant part des aspirations de tout individu à la liberté et à la justice.
Dans un décor nu ouvrant totalement l’espace scénique, un éclairage anodin d’apparence, suggère les barreaux e des cellules et intervient pour accentuer la sémantique des tableaux montrant la répression menée par les subordonnés du mal en costumes colorés et vifs.
L’interprétation des comédiens, soumise a un rythme ascendant et régulier, est allée jusqu’à se substituer à la scénographie. Leur mimique représentant la crédulité des petites gens dans une série de mouvements collectifs a suscité l’admiration.
Leur imitation des chiens, répercutant le « pavlovisme » entretenu délibérément dans l’univers carcéral qui consiste à priver les prisonniers de toute possibilité d’évolution, les abandonnant uniquement aux commentaires de leur délit, a été époustouflante, de l’avis de plusieurs spectateurs.
Une chorégraphie fonctionnelle, réglée avec minutie, a apporté plus d’esthétique et de vie au spectacle, lui donnant davantage d’entrain et permettant au public d’apprécier une autre discipline des arts visuels. Djamel Merrir, se déclarant en « pleine expérimentation » a souhaité par un texte de haute facture, rendre hommage au travail des comédiens qui, selon lui, « restent l’élément essentiel de toute représentation artistique ».
Dix-sept spectacles sont en compétition au 9e Fntp, en plus d’un spectacle étranger venu d’Egypte et de neuf autres en « off » attendus à la salle El-Mouggar.