90e cérémonie des Oscarsc : Le conte fantastique de Guillermo del Toro rafle quatre statuettes

90e cérémonie des Oscarsc : Le conte fantastique de Guillermo del Toro rafle quatre statuettes

Les grands vainqueurs des Oscars 2018 sont l’amour, le respect de la différence et les femmes avec le triomphe de « La Forme de l’eau », de Guillermo del Toro, les acteurs de « 3 Billboards » récompensés, le film d’animation « Coco» distingué ainsi que Jordan Peele pour le scénario de « Get Out ».

Le grand vainqueur de la 90e cérémonie des Oscars est Guillermo Del Toro qui rafle quatre statuettes pour le long métrage fantastique « La Forme de l’eau », dont les statuettes du meilleur film et de la réalisation. Le film, qui partait favori, avec treize nominations, raconte l’histoire d’amour fantastique entre une femme de ménage muette et une créature amphibienne.

« J’ai grandi au Mexique, je pensais que ça ne m’arriverait jamais », a déclaré Del Toro, sur la scène du Dolby Theatre, en recevant sa statuette. Espérant que ses films génèrent « l’empathie », il a appelé les jeunes cinéastes qui veulent « utiliser le genre fantastique pour raconter ce qui se passe dans le monde aujourd’hui à mettre un grand coup de pied dans la porte ».

Ce conte des temps modernes a également permis au compositeur français Alexandre Desplat de remporter, pour la deuxième fois de sa carrière, l’oscar de la meilleure musique, et la quatrième statuette a récompensé les décors.

Véritable ode au respect de la différence et à l’amour inconditionnel, le long métrage du réalisateur mexicain est un plaidoyer humaniste tel une réponse cinglante à la politique anti-émigration de Trump.

Le Mexique célébré dans sa richesse culturelle

A la sortie du film, il y a moins d’une année, Guillermo Del Toro avait déclaré que « l’amour et le cinéma, comme l’eau, prennent toutes les formes possibles. Et je tenais absolument à filmer une romance comme un combat contre la xénophobie ». Précisant que « 1962, c’est cette Amérique rêvée après laquelle on court, pour la rendre «grande à nouveau». Une époque formidable si vous étiez wasp et hétéro, mais un cauchemar pour tous les autres ». En ajoutant : « Aujourd’hui, c’est pareil et, en tant que Mexicain travaillant aux Etats-Unis, j’ai l’impression que Donald Trump est là depuis toujours. »

Ainsi, avec talent et génie, encensés par les critiques tombés sous le charme de de cette œuvre « poétique » « bouleversante » et « féérique », Del Toro a relevé le défi d’une œuvre où le talent est mis au service de l’engagement. Face à la haine et à la violence sous toutes ses formes, il répond par l’amour. « Et c’est le propre de l’amour qui, comme l’eau, n’a pas de forme. Il s’adapte. Que l’on soit jeune, vieux, homme, femme, homosexuel, noir, etc. Il ne faut pas avoir peur de l’autre. » C’est ce message de l’amour face à la haine qui a également dominé cette 90e cérémonie. Ainsi, le tapis rouge et paillettes ont été déroulés pour la 90e où Hollywood devient le phare de tous ceux qui gardent le cap de l’engagement en faisant du septième art un étendard de la résistance contre toutes les formes de stigmatisations et abus de pouvoir.

Le Mexique a également fais battre le cœur des présents à cette 90e cérémonie, avec le coup de cœur du public, « Coco », qui a remporté l’Oscar du meilleur film d’animation. « Coco » raconte l’histoire d’un petit garçon poursuivant ses rêves sur fond de fête des morts au Mexique. C’est la sixième victoire d’affilée pour le groupe Disney, qui a racheté, en 2006, Pixar. Ce dessin animé, que son co-réalisateur Lee Unkrich qualifie de « lettre d’amour au Mexique », est le premier du studio Pixar s’immergeant totalement dans une culture étrangère. C’était un pari risqué à un moment où Donald Trump a accédé à la présidence des Etats-Unis en usant, durant sa campagne électorale, d’une rhétorique anti-Mexicains. Autre grand gagnant, « 3 Billboards, les panneaux de la vengeance », qui a remporté l’oscar de la meilleure actrice décerné à Frances McDormand, qui interprète une mère en colère face à l’enquête non élucidée sur le meurtre de sa fille et le meilleur second rôle masculin est revenu à son partenaire dans le film, Sam  Rockwell

Lors d’un temps fort de la soirée, Frances McDormand a appelé toutes les artistes féminines dans la salle, actrices, compositrices, productrices, scénaristes, réalisatrices, à se lever. « Nous avons des histoires à raconter et des projets qui ont besoin de financement », a insisté la comédienne de 60 ans, oscarisée pour la seconde fois.

#metoo et Time’s up sur le tapis rouge

Toujours dans la ligne du combat pour les droits humains à une vie digne et juste, une vidéo a été diffusée pour se remémorer une année particulière, marquée par l’affaire Weinstein, le mouvement #metoo et plus généralement  davantage d’ouverture d’Hollywood aux minorités.

En effet, ces Oscars étaient les premiers depuis les révélations sur Harvey Weinstein, le producteur déchu, accusé d’avoir harcelé ou agressé sexuellement une centaine de femmes dont des stars comme Gwyneth Paltrow. La séquence a été présentée par Ashley Judd, Salma Hayek et Annabella Sciorra, trois actrices qui ont été harcelées sexuellement et menacées par le producteur Harvey Weinstein, la dernière affirmant même avoir été violée par le magnat déchu.

La vidéo s’est ouverte sur une autre actrice harcelée par Harvey Weinstein, Mira Sorvino, qui a expliqué que, depuis l’automne, avec les mouvements #metoo et Time’s up, « tout le monde a maintenant une voix pour exprimer quelque chose qui se déroule depuis toujours, pas seulement à Hollywood, mais dans toute la société ».

Les « Dreamers » résistent à Trump

Dans le même sillage, la cérémonie a été marquée de messages contre la politique anti-immigration du président américain Donald Trump. Jimmy Kimmel a notamment évoqué la « superbe Lupita Nyong’o », « née au Mexique et élevée au Kenya. Et voilà l’avalanche de tweets qui va commencer depuis les toilettes présidentielles ». La comédienne a, quant à elle, déclaré, allusion aux jeunes sans-papiers surnommés les « dreamers » que « les rêves sont la fondation d’Hollywood et de l’Amérique ». Autre moment riche en émotion, le rappeur Common a interprété la chanson du film « Marshal », « Stand up for something », avec Andra Day, entourés des militants, Patrisse Cullors de Black Lives Matter, Tarana Burke de îMeToo, Cécile ichards, l’ex-présidente de Planned Parenthood, Nicole Hockley de l’association anti-violence des armes à feu, Sandy Hook Promise, Dolores Huerta.

Côté diversité, le palmarès a récompensé un  cinéaste noir, Jordan Peele, pour le scénario de son film d’horreur « Get Ou », qui critique le racisme bien-pensant. Il a remercié sa mère « qui m’a appris à aimer même face à la haine ».

 

Palmarès des Oscars 2018

Meilleur film : « La Forme de l’eau », de Guillermo del Toro

Meilleur réalisateur : Guillermo del Toro pour « La Forme de l’eau »

Meilleur acteur : Gary Oldman dans « Les Heures Sombres »

Meilleure actrice : Frances McDormand dans « Three Billboards :

Les Panneaux de la Vengeance

Meilleur acteur dans un second rôle : Sam Rockwell, dans « Three Billboards :

Les Panneaux de la Vengeance »

Meilleure actrice dans un second rôle : Allison Janney dans « Moi, Tonya »

Meilleur scénario original : Jordan Peele pour « Get Out »

Meilleur scénario adapté : James Ivory pour « Call Me by Your Name »

Meilleurs décors et direction artistique: Paul Denham Austerberry, Shane Vieau

et Jeff Melvin pour « La Forme de l’ eau »

Meilleure photographie : Roger Deakins pour « Blade Runner 2049 »

Meilleur montage : Lee Smith pour « Dunkerque »

Meilleur montage de son : Richard King et Alex Gibson pour « Dunkerque »

Meilleur mixage de son : Mark Weingarten, Gregg Landaker et Gary A. Rizzo pour « Dunkerque »

Meilleurs effets visuels : John Nelson, Gerd Nefzer, Paul Lambert et Richard R. Hoover pour « Blade Runner 2049 »

Meilleure chanson originale : « Remember Me » dans « Coco », paroles et musique de Kristen Anderson-Lopez et Robert Lopez

Meilleure musique de film : Alexandre Desplat pour « La Forme de l’ eau »

Meilleur film en langue étrangère : « Une femme fantastique » de Sebastián Lelio (Chili)

Meilleur film d’animation : « Coco » de Lee Unkrich et Adrian Molina

Meilleur film documentaire : « Icarus » de Bryan Fogel et Dan Cogan

Meilleur court métrage de fiction : « The Silent Child » de Chris Overton et Rachel Shenton.