La femme rurale ? Est elle encore si dissemblable de celle qui vit en ville au point de garder cette appellation ? Les métiers, comme ceux liés à l’artisanat ou au travail de la terre, tendent à disparaître au profit d’activités qui rapprochent de plus en plus la vie de l’une et de l’autre. La première n’est plus confinée aux efforts surhumains et à une existence âpre et dure.
Le fossé s’estompe au point que même les rituels de célébration des fêtes envahissent les villages et bousculent un ordre immémorial. Les personnages du vent du Sud de Benhadouga, tableau d’une campagne figée et arc-boutée sur ses archaïsmes, relèvent désormais de l’histoire. Khalti et Nana de Mouloud Feraoun, qui vivaient de poterie et de tissage, sont des figures d’un folklore désuet. Les mutations dans les campagnes ont beaucoup affecté la condition féminine.
La généralisation de l’enseignement, le nombre de diplômées ont poussé de nombreuses jeunes filles à chercher du travail, devenu, à tort ou à raison, le sésame du bonheur. Dans les dechras les plus reculées, les guichets d’état civil, les structures sanitaires sont occupés en majorité par des filles. Sur les routes de montagne, une femme au volant ne suscite plus l’étonnement ou l’incrédulité. On ne saurait pour autant dénier à l’espace rural ses spécificités car il y a tout un réservoir de produits à valoriser, d’activités à soutenir. Les programmes de l’Etat en direction des populations rurales en matière d’activités agricoles, de services ou de PME-PMI ont induit des effets bénéfiques sur cette frange. Des associations naissent pour accompagner les jeunes femmes dans leurs démarches d’accès au crédit.
Beaucoup de femmes des campagnes, malgré les préjugés et les contraintes, ne veulent plus rester en marge du progrès. Les articles de tapisserie, broderie, poterie, tissage, bijouterie traditionnelle, tannerie et pâtisserie constituent des sources de revenu pour de nombreuses familles. Il n’est plus étonnant de voir à la tête de petites entreprises des femmes qui affrontent des difficultés et relèvent des défis.

Certes, dans bien des régions, notamment dans le Sud, beaucoup de femmes, hormis le droit aux études, restent tributaires d’un code social qui imprègne encore les mentalités. Pourtant, comme l’avait prouvé et démontré la dernière campagne électorale où ne fut enregistré nul déficit de candidatures, la femme de la campagne fait entendre sa voix et s’inscrit dans la lignée de celles qui, du temps de la lutte de libération, ont joué un grand rôle dans l’emancipation. Cette bataille continue en empruntant d’autres formes et en visant d’autres buts.
H. Rachid