D’aucuns ne connaissent pas la signification de cette date décrétée par l’ONU.
Des fleurs pour ces femmes en cette journée du 8 Mars! Oui, mais où sont les fleuristes qui égayaient jadis les rues d’Alger la Blanche? Ils se comptent sur les doigts d’une seule main oserions-nous dire tant un grand nombre d’entre eux a fermé boutique. Et pour cause…
D’aucuns estiment en effet que c’est une fête créée de toutes pièces dans un pays comme le nôtre. Même si c’est là l’avis respectable d’une septuagénaire, il est permis de nous interroger sur cette célébration universelle qui rend hommage à la gent féminine en cette date précise dont l’origine de son adaptation dans les bureaux vitrés de Manhattan est mal, ou pas du tout connue par le lambda algérien. Ce dernier admettons-le, ne fait que copier les us et coutumes du monde occidental dont il a hérité, malgré lui. N’a-t-on pas vu des familles algériennes qui fêtent jusqu’à maintenant le jour de Noël ou le 1er Janvier, jour de l’an administratif, ou encore pour quelques-unes le 1er mai en achetant, quand elles en trouvent, du «muguet porte-bonheur»?
Même la femme, dans sa grande majorité dans le pays, hormis dans les grandes agglomérations, ne connaît pas la signification de cette date, ni sa raison d’être. «Ma kan ma kan» mon frère, s’est contenté de répondre un soixantenaire, en riant sous cape, au journaliste de L’Expression qui lui demandait son appréciation sur cette journée. Un autre jeune homme abordé s’est écrié, quelque part confus devant ses amis (!) «moi, offrir des fleurs à ma mère? Elle me les jetterait certainement au visage» qui ajouterait «tu aurais mieux fait de te lever tôt pour acheter le lait!».

Les femmes apostrophées ont pour leur part estimé, souvent avec un sourire entendu, que c’est «un jour où l’homme manifeste son estime à la femme en la personne de son épouse, sa mère ou de sa soeur» en lui offrant des fleurs par exemple. Mais hélas, pensent-elles, ce n’est point révélateur dans notre culture.
A propos de fleurs, une virée dans les artères du centre d’Alger nous fait découvrir, ou simplement constater pour le vrai Algérois, que les kiosques de fleuristes, jadis nombreux dans la capitale, se sont dissipés pour laisser place à des «KMS», (kiosques multiservices) qui étalent des pacotilles, quelques journaux et divers accessoires de téléphonie mobile, et pour certains, des jouets baroques de provenance chinoise en général. En un mot, à notre avis, c’est un aspect culturel qu’il faut donner à cette absence de connaissance de dates pareilles. Et pourtant…Certaines administrations étatiques comme l’éducation, décrètent une demi-journée libre pour le personnel féminin à l’occasion de cette date, mais en connaissent-elles la signification?
Une jeune dame aperçue dans un magasin de cosmétiques répondit à nos questions en se félicitant de cette journée et disant: «Je suis sortie spécialement en cette belle journée printanière à souhait, pour acheter une rose à ma mère et peut-être aussi un parfum.»
Cependant, tout comme les fleuristes qui s’éteignent peu à peu pour s’adonner à d’autres activités de l’aveu même de plusieurs d’entre eux, le secteur des cosmétiques, les parfums notamment, a été peu sollicité en cette journée particulière. A part quelques fioles de parfum dont les prix varient entre 800 et 1500 DA au bas coût, dépréciation du dinar oblige, ont été vendues surtout à de jeunes gens des deux sexes, en quête d’un cadeau décent et d’un prix abordable pour cette fête. L’année dernière et les autres années, «le magasin était plein à cette heure-ci à pareille date», a regretté un gérant tout en relevant que l’heure n’est plus aux parfums, mais à la consommation alimentaire dont le prix des produits augmente drastiquement en cette période de crise que ne veulent pas reconnaître certains responsables du pays dans leurs discours «encourageants» et «démagogiques» à souhait.
A propos de fleurs justement, une autre jeune fille tenant à la main une rose, curieusement pourpre comme presque toutes les roses étalées dans les rares kiosques, a dit se rendre à l’hôpital voir une malade et lui apporter une fleur à l’occasion du 8 Mars. Chez les fleuristes abordés, on apprend qu’une rose se vendait à 200 dinars pièce mais que le commerce cette année n’a pas encore tenu ses promesses au vu de la dévaluation du dinar. Surpris par cette explication «d’économiste», nous sûmes que toutes les fleurs parvenaient du Kenya où elles sont cultivées par des horticulteurs hollandais qui les exportent dans des containers par voie aérienne vers diverses destinations dans le monde. Ces fleurs sont payées chez nous au prix fort en devises souvent à travers les marchés informels, bien qu’une licence d’importation soit exigée pour ce faire.
L’interrogeant sur les cartons estampillés au Kenya et qui étaient amoncelés tout autour du kiosque de fleurs, un vieux fleuriste, forcément ancien de son état, occupé à tailler soigneusement les fleurs à offrir en ce jour, nous a confié que plusieurs pays africains, tout comme la Tunisie et le Maroc, envoyaient leur production à la Hollande qui les réexpédiait vers d’autres destinations comme l’Algérie où les roses ne fleuriront qu’au mois d’avril, le printemps aidant. Des pépinières sont actives à Aïn Taya, Chéraga et même au jardin d’Essai qui ne les vend pas. Pour parer un tant soit peu à cette carence de change du dinar et aux caprices de la nature, de petits vendeurs à la sauvette ont, l’an dernier, comme rapporté dans nos colonnes, squatté quelques trottoirs pour vendre de (belles) roses rouges artificielles à 50 DA seulement. On s’en souvient, ils avaient beaucoup de clients! Pour la petite histoire, n’a-t-on pas offert à un haut responsable de l’Etat, il y a quelque temps, lors d’une cérémonie d’inauguration, des (belles) fleurs rouges en plastique?!!!