7e congrès de La Société Franco-Algérienne de Psychiatrie, L’école “fanionnienne” au cœur des travaux

7e congrès de La Société Franco-Algérienne de Psychiatrie, L’école “fanionnienne” au cœur des travaux
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La violence sociale, les conduites suicidaires au Maghreb, la religion et les troubles mentaux ont été, en substance, les thématiques mises en débat.

La Société franco-algérienne de psychiatrie (SFAP), qui tenait son 7e congrès du 12 au 14 juin à l’EHU du 1er-Novembre d’Oran, a choisi, cette année, de débattre des thèmes plus proches de la sociologie que de la psychiatrie, en revisitant, en quelque sorte, l’ouvrage référence de feu le Pr Mahfoud Boucebci, publié en 1979, sous le titre Société, psychiatrie et développement.

Ainsi, c’est l’école de la pensée de Frantz Fanon qui a été au cœur des travaux de ce congrès ayant eu à débattre et à échanger sur des thèmes comme la “violence sociale, conduites suicidaires au Maghreb, religion et troubles mentaux…” Pour le président de la SFAP, le Dr Bentaleb, la question est de savoir si aujourd’hui en Algérie les psychiatres doivent se préoccuper de problèmes de société, liés au malaise social. Et ce dernier de nous déclarer : “L’Algérie a vécu une période terrible avec un déchaînement de violence. Il est clair que cela a laissé des traces, des séquelles. Aujourd’hui, justement, est-ce que la société peut être malade au même titre qu’un individu ? En tant que psychiatres, nous devons sortir du champ d’intervention traditionnel, qui est le nôtre, les maladies mentales.”

Un pas que bien des sociologues, présents à ce congrès, ont franchi depuis longtemps à l’image du Pr Mebtoul du Grasc qui dit que c’est la société qui est malade avant tout. Et quel autre indicateur de ces difficultés de la société algérienne devant des mutations et des développements difficiles à appréhender tel l’accroissement des suicides et des addictions aux drogues. Là encore, les psychiatres lancent un SOS aux pouvoirs publics en expliquant : “Ces dernières années, les addictions en Algérie ont progressé de manière vertigineuse. À se demander pourquoi ? Nous avons besoin d’en parler et de voir comment lutter et traiter ces addictions”, estiment de nombreux participants qui réitèrent en urgence le besoin de créer un observatoire des addictions aux drogues. C’est là le seul moyen d’avoir des données médicales et scientifiques fiables pour agir, prévenir et lutter, nous ont-ils expliqué. Ce souci de mieux connaître les processus au sein de la société algérienne, conduisant les jeunes, les hommes et les femmes à l’addiction est identique pour les suicides. La question des données — de savoir si l’on se suicide de plus en plus en Algérie — est une question à laquelle les psychiatres ne peuvent pas répondre réellement.

LG Algérie

Un travail effectué au CHU de Tizi Ouzou, par le Pr Ziri, met en relief cette situation : “Nous ne connaissons pas en Algérie la réalité des suicides et des tentatives de suicide parce que chaque secteur a ses propres chiffres et ne travaille pas en coordination. Nous devons aller vers un observatoire des suicides dont l’intérêt est de recenser l’ensemble des conduites suicidaires et des tentatives sur tout le territoire national. Il faut passer par là, pour prévenir les suicides. Quand on constate, comme ces dernières années, des cas de suicides chez des jeunes adolescents, on est interpellé et touché en tant que psychiatre, mais aussi en tant que citoyen”, nous a déclaré le Pr Ziri. Pour notre interlocuteur, les quelques indicateurs disponibles montrent qu’en Algérie il y aurait entre 3 et 4 suicides pour 100 000 habitants ; une moyenne presque semblable au Maghreb. D’autres sessions ont évoqué encore la violence sociale, l’exclusion des malades mentaux et les violences verbales ciblant plus particulièrement les femmes algériennes.

D. L