70E anniversaire des massacres du 8 Mai 1945, On n’a pas oublié

70E anniversaire des massacres du 8 Mai 1945, On n’a pas oublié
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Pour l’heure, la France a adopté la stratégie des petits pas

Il viendra un temps où les nations se soulageront de leurs consciences. La question de la repentance concerne la nation française.

Au mois de mai 1945, le monde célébrait la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’éradication du nazisme qui allait bouffer l’Europe. Les survivants des 200.000 soldats maghrébins, dont 60% de tirailleurs algériens, rentraient dans leurs villages dans l’espoir de savourer cette victoire à laquelle leur sang était mêlé pour avoir mené les plus grandes batailles. Mais voilà que la barbarie coloniale s’est déchaînée pour stopper les Algériens qui ont osé manifester pacifiquement et réclamer leur liberté. Si en France cette date représentait la joie d’une paix retrouvée, pour les Algériens, c’est l’horreur, les larmes et le sang. Des manifestations nationalistes, indépendantistes et anticolonialistes, pacifiques ont été réprimées de la manière la plus sanglante par l’ armée coloniale. Le bilan de ce déchaînement de folie sanglante? près de 45 000 morts!

Oublié le discours de De Gaulle à Brazzaville promettant vaguement l’indépendance aux colonies françaises dont l’Algérie, oubliées les promesses du droit des peuples à l’autodétermination. Quelques jours avant les massacres, la Charte des Nations-unies adoptée, le 26 juin 1945, établissait justement le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Oubliés aussi les engagements contractés dans la Résistance, puis inscrits dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

En recourant à ces massacres massifs de populations, la France coloniale a foulé aux pieds les principaux fondements philosophiques, politiques et juridiques, plus tard sanctionnés par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Exactement 70 ans plus tard, la prescription peut-elle affranchir le gouvernement français de sa responsabilité? La prescription ne dédouane-t-elle pas la France de sa responsabilité internationale légale dans la sauvagerie perpétrée par le colonialisme le 8 mai 1945 à Guelma, Sétif et Kherrata? Nombreux sont les historiens et les universitaires qui estiment que même si les auteurs directs de ces crimes ne font plus partie de ce monde, le gouvernement français, lui, est bien là et il doit réparation aux victimes, incluant la reconnaissance, les excuses officielles et le dédommagement matériel.

Aujourd’hui, les deux peuples ont une histoire tumultueuse. Il appartient à chacun d’eux d’assumer une partie de cette histoire tragique suivie par une autre histoire encore plus tragique, celle de la guerre de Libération nationale 1954- 1962. A l’évidence, il viendra un temps où les nations se soulageront de leurs consciences.

La question de la repentance concerne la nation française. Il lui appartient à elle seule de solder ce passif de l’histoire et de faire son mea-culpa. En Algérie, 70 ans plus tard, on n’oublie pas. On rend hommage à nos martyrs mais sans haine. Cela étant, «des défenseurs des droits de l’homme continuent d’oeuvrer en France pour pousser le gouvernement français à dire la vérité et à reconnaître ses crimes». Ces actions se poursuivront pour faire connaître les faits, notamment par l’exploitation des archives.

Pour l’heure, la France a adopté la stratégie des petits pas. Le premier de ces pas a été franchi en 2002 par l’ambassadeur de France en Algérie, Hubert Colin de Verdière. «Je me dois d’évoquer une tragédie qui a particulièrement endeuillé votre région. Je veux parler des massacres du 8 mai 1945, il y aura bientôt soixante ans: une tragédie inexcusable», avait déclaré l’ambassadeur de France lors d’une allocution prononcée à l’intérieur de l’université Ferhat-Abbas, en février 2002. Depuis, c’est la valse-hésitation sur les questions de mémoire qui évoluent en dents de scie entre les deux pays qui pourtant peuvent faire mieux sur cette question. Deux pays liés par la proximité de l’histoire et de la culture. Près de 4 millions d’Algériens vivent en France. Une communauté suffisante pour sceller des relations et une amitié dépassionnées et sereines.