68E festival de Cannes, La french touch continue à séduire!

68E festival de Cannes,  La french touch continue à séduire!

La french touch continue à séduire!

La Quinzaine des réalisateurs a été marquée cette semaine par la projection de deux films français, A l’ombre des femmes de Philipe Garrel, et surtout le très attendu Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin.

«Ça me touche toujours de faire partie de l’univers d’Arnaud.» nous a confié le comédien français Mathieu Amalric devant la porte de la salle de la quinzaine, juste avant le début de la projection, accompagné qu’il était du groupe de jeunes adolescents comme dans une récré d’un lycée. Nous lui demandons curieusement ce que vaut de revivre cette histoire 20 ans après… Si d’aucuns trouvent que Trois souvenirs de ma jeunesse est un retour sur 20 ans en arrière, le réalisateur de Comment je me suis disputé ma vie sexuelle estime, au contraire que son nouveau long-métrage est «un départ vers quelque chose que je n’ai jamais réussi à faire: filmer la jeunesse»…

Projeté en présence de l’équipe du film sous le regard de la ministre de la Culture française, du représentant de l’Union européenne et autres personnalités du monde cinématographique, le film a longuement été applaudi à la fin. Le moins que l’on puisse dire est que le réalisateur a réussi le pari de faire une oeuvre originale qui parvient à se détacher de la première, en ce sens où l’on n’est pas obligé d’avoir vu Comment je me suis disputé… pour saisir ce dernier. C’est même le risque de l’attachement au premier qui serait le pire. Chose qui nous est arrivée bien que Trois souvenirs de ma jeunesse diffère de l’autre quant au traitement, mais lui ressemble au niveau du souffle et de la dynamique de la narration, en se déclinant dans une façon de filmage quelque peu différente souvent marquée de regards face à la caméra, bien que la voix off est omniprésente soulignant ici l’échange épistolaire des acteurs. Contrairement à ce que l’on croit, le film ne s’ouvre pas à la fin du Comment je me suis disputé…

L’histoire fait un bon dans le temps, au départ non pas dans le passé mais dans le futur. Paul Dédalus va quitter le Tadjikistan. Il se souvient… De son enfance à Roubaix… Des crises de folie de sa mère qui finit par se suicider… Du lien qui l’unissait à son frère Ivan, enfant pieux et violent…Il se souvient… De ses seize ans… De son père, veuf dépressif et quelque peu violent…

De ce voyage en Urss où une mission clandestine l’avait conduit à offrir sa propre identité à un jeune homme russe… il se souvient de ses dix-neuf ans, de sa soeur Delphine, de son cousin Bob, des soirées d’alors avec Pénélope, Mehdi et Kovalki, l’ami qui devait le trahir en courtisant son amie… De ses études à Paris, de sa rencontre avec le docteur Behanzin, de sa vocation naissante pour l’anthropologie… Et surtout, Paul se souvient d’Esther…celle pour qui la vie avait moins d’importance…

«A quoi bon l’amitié quand la passion est intacte?» phrase lâchée par un Paul ado, qui aurait pu être crié par le Paul des années 1990 quand il venait de quitter Esther après 10 ans de relation aussi bien tumultueuse que passionnelle.

Même si le réalisateur se défend d’avoir choisi des comédiens qui reprennent la même attitude notamment de Mathieu Amalric et Emmanuelle Devos, la beauté sauvage de l’une et les traits physiques et le caractère de l’autre et son aura gauche et mystérieuse sont bel et bien incarnés dans ce film.

Paul d’aujourd’hui ne fait un bond dans le passé que pour mieux comprendre son présent. Quand il relit toutes les lettres envoyées de par le passé par Esther il finit par comprendre avec un certain recul le pourquoi de sa rupture avec cette fille. Espace temporel de ce même film et non pas du précédent. Car le spectateur, troublé est d’emblée plongé dans une nouvelle histoire et arrive peu à peu à se détacher du film qui marqua toute une génération même si les réminiscences ne sont jamais loin pour vous faire accrocher à ce passé si loin si proche.

Arnaud Desplechin réinvente le temps et nous fait basculer dans l’ avenir somme toute apaisé de Paul, mais dont les fantômes du passé continuent à le hanter. Réussira-t-il un jour à saisir complètement ce qui lui est arrivé dans sa vie? Autre film émouvant mais marqué par des pans bien risibles comme des clichés irrévérencieux que le réalisateur s’est plu à jeter à la face du public est incontestablement A l’ombre des femmes de Philipe Garrel. Une histoire d’amour sur fond de tromperie et faux-semblant, le tout décliné en noir et blanc. Benoît Magimel documentaliste taciturne prépare un film sur la résistance et interviewe un monsieur. Il est aidé par sa compagne, son assistante campée par Clotilde Courroux. Il tombe un jour sur une archiviste, lena Paugam. avec elle il va entretenir une relation régulière et basée. La femme désaimée campée prend à son tour un amant. Mais son mari finira par l’apprendre. Ne pouvant supporter que sa femme connaisse son secret il la somme de le quitter après des heurts, des cris, pleurs et des jérémiades dignes d’une parodie de vaudeville. Dans la salle les rires fusent. Au départ on n’y croit qu’à moitié. Les répliques sont pauvres et correspondent tout à fait à des clichés de scène de ménage standards. Car l’essentiel se passe à l’intérieur. Mais au fur et à mesure que le ton s’apaise, le film prend des tournures plus harmonieuses, moins légères mais teintées de retenue et de pudeur, même si la passion déchirante est palpable. Pourtant, le public est ramené, par on ne sait quelle magie du cinéma vers ce couple auquel on finit par s’attacher malgré soi…

Fidèle à lui-même Philipe Garrel scrute le grand huit de notre coeur qui bondit à toute vitesse et retrouve son accalmie non sans avoir goûté au feu du ciel. Deux films projetés à la Quinzaine des réalisateurs et dont l’amour et sa force de persister et gagner demeurent le coeur du sujet. Ne dit-on pas que la France est la ville romantique par excellence des amoureux?