66E festival de Cannes,Sofia Coppola: Fatal fashion!…

66E festival de Cannes,Sofia Coppola: Fatal fashion!…

Sofia Coppola

Pour donner le top départ, le traditionnel round d’observation cannois a pris cette année des couleurs nord-américaines,… Mais voilà, l’effet a fait flop, enfin presque. Et ce n’est pas le feu d’artifice inaugural qui allait changer l’impression, aussi entêtante qu’une fragrance sans aspérité aucune. La pluie qui avait été au rendez-vous et en trombe, à l’heure de la montée des marches, aux heures vespérales habituelles, n’avait laissé qu’une très petite fenêtre de tir vers minuit pour tenter un lancer pyrotechnique, aussitôt interrompu. Sécurité oblige.

Quelques heures auparavant, l’Australien Baz Luhrmann, avait donc accepté d’essuyer les plâtres, se «dévouant», pour faire l’ouverture, donc «hors-compétition» de cette 66e édition cannoise avec The Great Gatsby, ce qui arrangeait les affaires des organisateurs, se voyant assurer d’un tapis rouge de premier plan avec Leonardo Di Caprio, Gatsby pour la circonstance, en tête de gondole d’une ascension vers les hauteurs du Golgotha cannois. Mais la pluie (encore) en a décidé autrement: foin du gotha donc… Les stars et autres starlettes ont gravi les marches quatre à quatre pour éviter «l’effet douche» que la Riviera offrait gratuitement…

Remarquez, cela ne jurait pas trop avec l’effet douche écossaise que la projection de presse de Gatsby, le Magnifique avait réservé, en matinée, aux centaines de critiques venus en masse se mettre dans le bain cannois. Un baptême, pas du tout du meilleur goût et qui eut pour effet automatique de laisser la presse, aussi froide, que dépité de s’être fait mener en… radeau, et en 3D, s’il vous plaît, par un cinéaste qui avait, sans trop se poser de problème de conscience, stérilisé le propos de Scott Fitzgerald, l’auteur du roman qui dérangea si bien la bourgeoisie américaine au faîte de sa puissance, qu’elle remisa carrément ce texte au fond des librairies.

Un flop que le romancier vécu très mal dans son exil, français et que les frasques de sa femme Zelda n’arrangèrent pas plus. Di Caprio se contentera donc de vêtir les beaux costumes de son personnage, se gardant toutefois de donner le minimum d’épaisseur à ce personnage d’escroc amoureux qui fut tué, suite à une méprise amoureuse, ce qui lui évita de se suicider, 7 années plus tard lors du krach boursier de 1929, que Fitzgerald énonça dans son roman, non en Cassandre, mais en dépeignant d’une encre «prémonitoire», une société qui allait à sa perte, emportée par sa boulimie financière, dénuée de toute générosité alentour.

En écrivant cela, on a l’impression de parler aussi du réalisateur australien de ce film. Car lui aussi a fait preuve d’une arrogance dépensière certaine. Au final, officiellement du moins, on a parlé de 127 millions de dollars dépensés pour un tournage délocalisé aux environs de Sydney, «pour faire des économies»; à New-York, le filmage de ce film aurait tout simplement fait sauter la banque! Pour rien, ou presque.

Le presque concerne les producteurs américains qui ont, depuis le 10 mai, date de sa sortie aux States et en trois jours, engrangé quelque 51,1 millions de dollars, soit presque la moitié de la mise de départ… Cela renseigne aussi sur la mentalité américaine actuelle qui fait que le pays le plus endetté au monde s’enferre à vouloir continuer à régner sur le monde, en dépensant toujours sans compter.

Sofia Coppola, «fille de…» et néanmoins émouvante réalisatrice de Lost in translation (2003), a, elle aussi, confirmé que cette propension à la dépense était une constante que la bannière étoilée couvre de toute son hégémonie avérée. The Bling Ring, co-produit par son père, Francis Ford et son frère Roman, a, quant à lui, fait l’ouverture de «Un Certain Regard». Et le tarif fut le même…«Gatsbyen»! En d’autres termes, froid, frisant l’indifférence outrancière ou outrageuse, selon où l’on se place.

Pourtant, la réalisatrice n’a pas avancé, masquée, dès le départ, elle annonçait s’être inspirée d’un article du magazine de luxe, pour bobos, Vanity fair qui avait «pris des risques» en envoyant son meilleur limier, enquêter sur une succession de cambriolages dans les villas cossues de Hollywood. Mais très vite, la Rouletabille, en jupons, ramena du front des nouvelles rassurantes: «Les suspects portaient des Louboutin.» Ouf! Ce n’est pas n’importe qui, qui mettrait des chaussures portant le nom du fameux créateur français et dont les semelles rouges, brillantes, en sont la particularité essentielle! Un petit détail quand même, les prix démarrent à 388, 65 euros, jusqu’à 1981, 68 euros.

Une broutille, non?

Dans la réalité, tout comme dans le film, les «suspects» sont des filles, à peine sorties de la puberté, et qui ont été dirigées par leur famille vers des collèges pour «enfants dissipés», mais c’est pas le bagne.

Les couloirs ressembleraient aux coulisses d’un showroom qu’autre chose. Et ces jeunes filles (et un garçon) que l’ennui…ennuie vont jeter leur dévolu sur les résidences des stars qu’elles admirent: Orlando Bloom, Megan Fox et Paris Hilton, entre autres.

Le reste est un véritable jeu d’enfants. Enfants bien élevés s’entend! Une fois renseignés par la presse people sur les déplacements de leurs égéries, c’est Google earth qui est sollicité pour localiser les adresses de leur domicile. La suite est d’une simplicité biblique. C’est connu, à Hollywood, les people oublient toujours de fermer une porte-fenêtre coulissante. Et laissent traîner dans leurs dressing et autres tiroirs, des bijoux, du cash et même des sachets de poudre! Il suffit «simplement» de faire coulisser la vitre, on vous le dit! Enfin, c’est Sofia Coppola qui l’affirme et même que l’on peut trouver des bolides et autres cabriolets alignés le long des trottoirs avec pour même particularité des propriétaires assez étourdis pour ne pas verrouiller leurs portières… Faut croire qu’aux USA, la fermeture automatique des véhicules n’est pas si… automatique que ça!

Bon, il y aura bien une caméra de surveillance en marche pour relever le «détail Louboutin», très fashion, on vous le concède, mais déterminant pour que l’enquête aboutisse à leur arrestation, dans des conditions qui nous rappellent que la réalisatrice a bien filmé ses potes et non pas dans les quartiers blacks ou latinos et où les suspects sont ceinturés illico et plaqués au sol presto.

Le côté «ludique» de son tournage, les cambriolages étant mis en boîte., Sofia Coppola ne s’attardera pas trop sur cet épilogue, une formalité presque ennuyante pour elle.

Pourtant, il y avait, avec les mêmes éléments scénaristiques, une opportunité de faire un film sur cette génération Facebook qui ne peut s’empêcher de s’exhiber sans aucune mesure sur les pages des réseaux sociaux. Cette génération qui vit par procuration, dans le sillage de l’univers fantasmé de leurs starlettes préférées.

En un mot, parler de cette société de consommation qui ne vend plus seulement du rêve, mais qui le transforme en ingrédient vital sans le débarrasser de ses «toxicités»!

«Je pense qu’ils sont les produits de notre culture et de ce qu’elle fait ressortir. Il est donc important d’y réfléchir. Mais je ne veux pas donner mon opinion, parce que je veux laisser au public le soin de décider ce qu’il en pense, en voyant le film. C’est pour ça que je fais des films pour que le public puisse vivre ce genre d’expérience et en conclure ensuite ce qu’il désire», affirme la réalisatrice… Sauf que, dans ce court métrage étiré à l’extrême pour atteindre le minutage d’un long (1h 27, difficilement), tout a été filmé au premier degré et même si le propos était de montrer la perte de toute notion du bien ou du mal chez ces jeunes, l’attitude des adultes mis en scène dans la plus incroyable des complaisances n’est pas faite pour rassurer quant au caractère fatal de ce goût prononcé pour le vol, pour un bien d’autrui, fut-il… fashion!