Les premiers résultats d’une étude, entamée dès 2008 et achevée en juin 2009 au niveau du réseau national des centres d’écoute, viennent confirmer la gravité du phénomène des violences à l’égard des femmes et ses conséquences sur les enfants des victimes. Le projet, mis en place par le Centre d’information sur les droits de l’enfant et de la femme (Ciddef), avec l’appui financier d’un organisme onusien (Unifem), appuie la première enquête nationale portant sur ce thème et publiée en 2005 par l’Institut national de santé publique (Insp), puis l’étude de prévalence, financée par le ministère chargé de la Famille et de la Condition féminine, réalisée en 2007, mais dont les résultats n’ont malheureusement pas été rendus publics.
Grâce à ses 8 centres d’écoute sur les violences contre les femmes, implantés dans les différentes régions du pays (excepté le Sud), le réseau Balsam révèle les agressions sur des “cas souvent tus”, des “violences souvent ignorées, voire niées ou encore très sous-évaluées”, ceux de 150 femmes étudiées dans 14 wilayas du pays. La victime type serait une femme au foyer, mariée et mère de deux enfants, habitant un appartement dans une grande ville. Elle aurait 32 ans et aurait suivi des études secondaires. Quant à l’agresseur type, il est le mari de la victime, âgé de 45 ans, travaillant comme employé et ayant un niveau d’instruction moyen.
Les agresseurs moins instruits que leurs victimes
Mais, un regard sur les informations et tableaux fournis montrent que les victimes sont en majorité des femmes instruites (50% ont un niveau secondaire ou universitaire et 23% un niveau moyen) qui ne travaillent pas (68%), âgées entre 25 et 44 ans. Les mariées représentent 58% des femmes violentées, suivies par les célibataires (30%) et les divorcées ou séparées (17%).
Sur les 5 formes de violences retenues, dont les femmes sont victimes fréquemment et dans la durée, la violence physique vient massivement (56%), suivie de la violence psychologique (58 cas), socioéconomique (31 cas), sexuelle (12 cas) et juridique (8 cas). Évidemment, les coups et blessures se placent en première loge (82 femmes), accompagnés en général par d’autres violences : tortures et brûlures (24 cas), fractures (13 cas), séquestration et kidnapping d’enfant (12 cas), tentatives de meurtre (7 cas), strangulation (4 cas).
Il est remarqué que la proportion des différents types de violence demeure identique, quelle que soit la région, sauf pour la wilaya de Tizi Ouzou qui cumule “un peu plus de violence socioéconomique et moins de violences juridiques que la moyenne”. On note également que le pourcentage des agressions sexuelles est plus élevé chez les célibataires et les femmes séparées (22% + 20% = 44%) que chez les femmes mariées par la Fatiha (17%) et les femmes mariées avec acte (7%).
L’étude du réseau national des centres d’écoute attire l’attention sur le fait que les agressions sexuelles comportent “des violences très graves, aux conséquences très lourdes pour les victimes, en nombre important”, en citant l’inceste (7 cas), le viol (6 cas) et les tentatives de viol (5 cas). Sans omettre de relever l’existence du harcèlement sexuel (7 cas). L’étude de Balsam atteste, sur un autre chapitre, que les femmes sans instruction sont “plus à risque de violence économique que les autres”, subissant aussi comme celles ayant un niveau d’instruction primaire “plus d’agressions physiques que les autres”.
Elle indique, en outre, que les agressions psychologiques “semblent atteindre davantage les femmes ayant un niveau primaire et les agressions sexuelles, celles ayant un niveau secondaire”. Sur un autre plan, les violences physiques, citées majoritairement dans cette enquête, semblent être celles qui autorisent aujourd’hui encore les victimes à parler.
Pour ce qui est des agresseurs, ces derniers sont pour la majorité des hommes et des hommes mariés (79%). De plus, le tableau des violences est dominé par la violence conjugale : 50% des agresseurs sont les maris, suivis par les ex-époux ou les conjoints séparés (15%). Les membres de la famille de la victime sont également sources de violence de toutes sortes. Dans ce cadre, il est constaté que les frères (18 cas) et les pères (16 cas) sont parmi les principaux agresseurs.
Les enfants témoins et otages de la violence
Les violences contre les femmes affectent en premier lieu leurs enfants. Cet aspect est d’ailleurs mis en exergue par l’enquête, qui montre que 63% des enfants des femmes violentées souffrent de troubles psychologiques, 15% de déperdition scolaire, 8% d’absentéisme et 6% de violence à l’école. Sans oublier les cas d’enlèvements par les agresseurs, souvent les pères, ou les chantages/menaces de ces derniers.