Ils sont six mille milliardaires, des millions de commerçants et d’industriels à bouder l’obligation religieuse de la «zakat».
23% seulement des personnes concernées par cette aumône religieuse y ont participé cette année et pas plus de 1% depuis la création de ce Fonds national en 2003.
Cette abstention vivement ressentie, a engendré un manque à gagner estimé à plus de deux milliards et demi de dollars.
Or, cette année, une somme dérisoire évaluée à 50 milliards de centimes a été collectée dans le cadre de la zakat dite Zakat el mal.
Cet argent servira au financement de 3000 microcrédits au profit de jeune chômeurs issus de familles nécessiteuses.
Aussi, il a été décidé d’octroyer un cinquième de cette somme à la population de la bande de Ghaza en guise de solidarité.
Cependant, rien ne confirme ni n’infirme l’application de cette décision.
Pourquoi les riches algériens n’accomplissent-ils pas la troisième obligation de l’Islam ? La question demeure posée.
Toutefois, M.Farès Mesdour, expert international en économie islamique a tenté de donner certaines explications.
Economiste de renom, il est l’initiateur du projet pour la création d’un office national de la zakat.
Un projet dont la réalisation semble au demeurant, reportée aux calendes grecques. Selon lui, la crédibilité du Fonds national de la zakat est à remettre en cause.
Les donateurs aspirent à avoir un organisme autonome régi par une loi claire pour gérer la zakat. Ce dernier, M.Mesdour en a fait son projet.
Il a été présenté au ministère des Affaires religieuses et des Wakfs au mois de mai 2008.
Après l’avoir étudié dans ses moindres détails, le responsable de ce département l’a présenté, à son tour, au Conseil d’Etat. Et depuis, aucune suite n’a été donnée au projet.
«Le moins que je puisse dire, est que le projet a eu l’aval de monsieur le ministre Bouabdallah Ghlamallah. Seulement, ce dernier est entouré de personnes malveillantes qui font dans le populisme», a estimé M.Mesdour.
Sans citer des noms, ce dernier n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour endosser à certaines têtes influentes bien placées, la responsabilité du gel de ce travail qui a coûté des années d’une totale mobilisation.
Selon lui, le système administratif autonome dont devait se doter cet office s’il avait été réalisé, «dérangerait certaines personnes».
En effet, parmi les conditions de la mise en place d’un office national de la zakat, figure celle d’une organisation administrative autonome qui permettra, loin de la tutelle du ministère, une meilleure gestion de l’argent de la zakat «au seul profit des nécessiteux», lit-on dans le texte du projet.
D’autre part, M.Mesdour évoque, dans les lignes de son initiative, le caractère «occasionnel» que revêt l’ancien système de la zakat, à savoir le Fonds national.
Pour cet économiste sollicité aux quatre coins du monde, «la création d’un projet durable, qui s’étalera tout au long de l’année est plus qu’indispensable. C’est pour le bien des pauvres pour qui la souffrance et la misère ne sont pas occasionnelles», a-t-il tenu à rappeler.
Il a estimé également que la collecte de la zakat par «la voie d’une plus grande transparence» sur la base de laquelle M.Mesdour a fondé son projet, ne pourrait que gagner la confiance des milliers de donateurs.
Ces derniers, frustrés par les agissements de certains responsables, ont perdu confiance en tout ce qui porte le cachet étatique et se font de plus en plus rares pour s’acquitter de la zakat, pourtant troisième pilier de l’Islam.
Autre point noir qui s’ajoute à la réputation de bon nombre de nos responsables, l’économiste a affirmé que ceux qui ont dirigé le Fonds de la Zakat avec, malheureusement, un «négativisme flagrant, ont la phobie des universitaires».
Enfin, pour ce qui est de la zakat des grains appelée «zaraâ», celle des fruits et légumes et celle de la richesse animale, collectées pendant l’Achoura, elles seront distribuées au début de la prochaine rentrée sociale. Elles ont été estimées, avant collecte, à 700 milliards de centimes.
Quant à un Fonds national de la zakat, sa mise en place avec, à sa tête «une commission nationale de la zakat», ne pourra qu’apporter du bien aux centaines de milliers de pauvres qui n’ont de ressource que cette aide d’ordre religieux.
Meriam SADAT