L’Algérie enregistre une moyenne annuelle de 5 000 à 6 000 cas d’empoisonnement et près de 200 000 infractions liées aux règles d’hygiène. Les restaurants, les pizzerias, les campus universitaires, les foyers et les salles des fêtes sont les plus touchés.
Plantons le décor tant que l’été ne fait que commencer pour des millions d’Algériens. Chawarma (au sens de foyer de microbes), huiles usagées destinées aux fritures du jour, produits frais exposés au soleil et vendus sur le trottoir, au vu des autorités concernées qui ferment les yeux, et des consommateurs aveuglés par un “marketing de trottoir” et assassin, de la sardine cédée à 300 et 400 dinars à 11 heures sous des températures dépassant parfois les 35 degrés C°, du kacher emballé aux côtés des fromages dans des frigos éteints toute la nuit et passons.
À côté, des commerçants indélicats qui affichent des “soldes” et qui font “écouler” des produits périmés, des marchands véreux chargés d’approvisionner en aliments les institutions (écoles, hôpitaux, casernes, centres de formation…) qui font fi des règles du marché public pour échapper au contrôle et proposer une bouffe infecte aux malades, aux élèves et aux fonctionnaires, des chaînes de froid qui fonctionnent selon les horaires de bureau, pour ne citer que certaines situations avérées, la question mérite d’être posée : les Algériens mangent-ils n’importe quoi ? Fatalement, la question concerne tout le monde dès qu’il y a péril et un risque majeur de pandémies à la lumière des dernières intoxications alimentaires.
Ces dernières ont causé des hospitalisations à plus de 600 personnes en moins de deux mois, l’espace d’une canicule qui s’installe davantage. L’hygiène étant le dernier garde-fou des registres du commerce délivrés aux nouveaux amateurs de la restauration et de l’alimentation générale, nous avons eu droit, pour un sinistre début, à plus de 200 étudiantes intoxiquées dans la ville des Genêts au mois de mai dernier. Suivra alors la catastrophe de Sétif où 45 personnes ont chèrement payé des pizzas cuisinées avec un fromage avarié. Pis encore, des dizaines d’élèves, en plein examen dans les Hauts-Plateaux, ont été touchés par ce phénomène qui tend à se banaliser tant qu’aucun responsable n’est traduit devant la justice. Alors que ces cas n’étaient même pas résolus, voilà que 238 autres personnes sont intoxiquées à Guerrara (Ghardaïa) après avoir consommé de la pâtisserie infectée de bactéries. D’autres cas ne sont pas signalés et sont passés inaperçus.
L’imprudence des consommateurs étant la cause majeure de ces empoisonnements, l’Algérie recense chaque année une moyenne de 5 000 à 6 000 cas, sans compter les cas isolés et généralement dus à la qualité de l’eau, des cocktails maison ou autres produits “made in houma”. Nul n’est à l’abri si l’on se fie au profil des personnes touchées.
Les plus vulnérables sont les enfants, les femmes enceintes et le troisième âge et qui résistent rarement aux dommages collatéraux causés par ces désœuvrements aux conséquences fâcheuses. Chaque année, les responsables concernés remettent sur le tapis le texte relatif à la protection du consommateur, son droit à l’information et son droit à poursuivre son “bourreau” devant la justice, mais aussi celui relatif au système d’alerte rapide et de retrait immédiat du marché des produits impropres à la consommation.
Est-ce suffisant ? “Nous allons sévir !”, menaçaient-ils lors des cas gravissimes. Même discours et même méthode en amont, c’est-à-dire au niveau des pouvoirs publics, même comportement et mêmes résultats en aval, en l’occurrence chez les commerçants, les Algériens sont ballottés entre deux pouvoirs, celui censé appliquer la loi pour le protéger en qualité de consommateur et qui est rarement présent au moment voulu, et “le pouvoir d’achat” qui le contraint à acheter des produits à la limite de sa bourse, au diable la qualité et les conséquences ! De quoi nourrir un peuple, ce sont 1 500 milliards de dinars impropres à la consommation qui sont déclarés chaque année alors que 12 à 13 000 locaux commerciaux sont fermés à travers les 48 wilayas pour non-conformité à l’hygiène et à la qualité des produits exposés à la vente. Au chapitre des saisies, on relèvera également une valeur de 10 milliards de dinars de marchandises frauduleusement introduites via les frontières terrestres.
Le mois du Ramadhan pointe déjà du nez, les consommateurs s’interrogent beaucoup plus sur la flambée des prix que sur la qualité des produits prisés. Surtout que la période du jeûne interviendra au mois d’août, c’est-à-dire en pleine canicule. Une chose est sûre, tous les produits virent sous la chaleur.
À commencer par la mayonnaise, la viande, les produits laitiers, les fruits et légumes exposés aux germes, aux microbes et aux bactéries. Les restaurants, les pizzerias, les campus universitaires, les foyers et les salles des fêtes sont les plus touchés. Les services d’hygiène sont mis à l’index à cause du manque de suivi et de la complaisance des PV rédigés selon les humeurs. Signalons, enfin, que près de 200 000 infractions, liées aux règles d’hygiène, sont relevées en Algérie.