L’illusoire majorité électorale que des partis peuvent constituer à travers un jeu d’alliances est trompeuse à plus d’un titre.
Les élections législatives du 4 mai ont signé l’échec de toute la classe politique algérienne, même ceux parmi les partis qui ont obtenu des grands scores, notamment le FLN et le RND qui ont été crédités de 164 sièges pour le premier et de 100 pour le deuxième. En effet, malgré les moyens mobilisés par l’Etat et l’implication de tous les partis dans la compétition, même ceux réputés rétifs, au participationnisme et qui ne ratent nulle occasion d’appeler à la refondation du système, notamment le FFS et le RCD, le scrutin n’a mobilisé effectivement que 6468180 sur 23251503 électeurs, soit, si on supprimait les bulletins nuls qui sont au nombre de 1757.043, ce qui représente 27,81% de l’électorat.
Pris tel quel, ce taux d’adhésion au jeu politique national peut être défendable, mais seulement s’il était partagé entre trois ou quatre partis politiques d’une façon plus ou moins équilibrée. Or, ce n’est pas le cas et c’est loin de l’être.
En effet, le parti majoritaire, à savoir le FLN, a obtenu 1681321 voix, soit un taux de 25,99%. des suffrages effectif exprimés et seulement 7,23% de l’électorat algérien. Même chose pour le deuxième parti, le RND, qui n’a obtenu que 964560 voix, soit 4,14% de l’électorat algérien. La troisième force politique au sein du Parlement, à savoir l’Alliance-MSP, représente, avec 33 sièges, 393632, soit 1,69% de l’électorat. C’est dire que ces trois partis qui cumulent 297 sièges à l’APN, soit 64,28% des sièges ne représentent que 12,98% des électeurs algériens.
Les autres partis et listes indépendantes qui représentent 77,02% des autres suffrages restants sont, au nombre de 57 et leurs scores sont si minimes que même pour constituer un groupe parlementaire il leur faut faire recours à des alliances qui, du moins pour ce qui est des partis connus pour leur rigueur idéologique et politique, comme le PT, le RCD, le FFS, El Adala, etc., peuvent s’avérer contre-naturelles. Cette reconfiguration du champ politique qui s’illustre notamment par la relégation de l’opposition démocratique à un rôle marginal aura cependant du mal à contenir le spectre de l’illégitimité qui peut à tout moment en bousculer les repères et installer le pays dans une crise politique.
Car, qu’on le veuille ou non, même si on allait vers un gouvernement d’union nationale et qu’on faisait participer tous les partis au gouvernement, décider au nom de 468180 Algériens est moralement inacceptable et politiquement inefficace. Le faire contre les 16783323 d’abstentionnistes et qui représentent 64,53% de l’électorat est tout simplement dangereux.
L’illusoire majorité électorale que des partis peuvent constituer à travers un jeu d’alliances est trompeuse à plus d’un titre.
Car, censé conférer à l’Assemblée nationale une légitimité démocratique pouvant lui permettre de légiférer au nom du peuple et pour ses intérêts, l’élection législative n’a fait que mettre sur le même ring les Algériens et ceux qui aspirent à les représenter. Dans ce ring, la bataille n’a pas été très rude et les citoyens ont assené un coup fatal aux partis.
C’est, ni plus ni moins, d’un K.-O. qu’il s’agit. Les législatives, au lieu de renforcer la légitimité démocratique de l’Assemblée populaire nationale qui en souffrait jusque-là terriblement, c’est le contraire qui s’est produit. Les citoyens ont dit leur mot et c’est contre les partis politiques qu’il a été dirigé. En tournant ainsi le dos à la classe politique comme ils l’ont fait, soit pacifiquement, mais solennellement, les Algériens n’ont fait en vérité rien de plus que passer un message aux acteurs politiques et au système:leur irrésistible désir de changement.
Indépendamment de ce que les uns peuvent penser des autres, et au-delà des clivages politiques et idéologiques qui peuvent faire diverger artificiellement les constats, il ressort des récentes législatives que la base sociale du système se rétrécit comme une peau de chagrin. Par conséquent, la légitimité révolutionnaire puisant déjà dans ses dernières réserves avec le départ massif de ses icônes, il est temps et urgent d’installer le pays sur la voix de la légitimité démocratique et ceci ne peut se faire que par la restitution de leurs pouvoirs de légiférer aux citoyens.