Peu à peu, le nuage noir jeté par une partie de la France sur son histoire coloniale en Algérie commence à se dissiper. Grâce à des hommes et femmes courageux de l’Hexagone, notamment les hommes politiques qui ne sont pas impliqués dans le soutien aveugle à la répression des Algériens durant la guerre, la France jeune découvre de plus en plus ce que son pays a fait ici.
Certains prennent leur courage pour regarder en face cette histoire pas très belle. Cette France jeune découvre ce qui s’est réellement passé depuis 1830. Les jeunes Français savent désormais que le racisme, les massacres collectifs, la torture systématique et généralisée, les exécutions sommaires, l’emprisonnement sans jugement, la déportation n’ont pas commencé après la Toussaint mais en 1830 et ils ne se sont jamais arrêtés.
Un certain 1er novembre ne fut finalement qu’une rupture avec des résistances localisées, disparates et inefficaces pour les moderniser, leur donner, pour la première fois, une dimension nationale et une même trajectoire.
Audacieux, les acteurs qui ont préparé Novembre ont porté le combat chez l’ennemi. Ce combat chez l’ennemi a connu son apogée en octobre 1961 dans la terre de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, des Barricades, de la Bastille et de la Commune.
Les acteurs de Novembre ont, en fait, accéléré l’Histoire. L’un des sacrifices consentis par des Algériens, notamment les militants du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques – 1947-1953) est daté du 14 juillet 1953, de quelques mois avant l’émergence du FLN des maquis.
6 militants MTLD et un syndicaliste de la CGT (Confédération générale des travailleurs) ont été assassinés place de la Nation par la police française. Etrangement, Papon, celui-là même qui a été le maître d’œuvre de la déportation de dizaines de milliers de juifs pour leur extermination, alors secrétaire général de la préfecture de Paris, est mêlé à ce massacre. Il récidivera en octobre 1961.
Le massacre
Sur instruction de la direction politique, les militants du Mouvement se sont mêlés à la foule des manifestants pour porter la revendication de l’indépendance de l’Algérie devant l’opinion publique française. Témoignage du docteur Bernard Morin : «Comme à chaque année, au défilé militaire se succède, l’après-midi, la manifestation populaire. Entre la Bastille et Nation, il y a eu des dizaines de milliers de manifestants. A la Nation, ils défilent devant la tribune où se tiennent les organisateurs. On y aperçoit notamment Marcel Cachin, le vieux directeur de l’Humanité, Emmanuel d’Astier de La Vigerie, l’un des anciens dirigeants de la Résistance devenu directeur de Libération, l’Abbé Pierre. En fin de manifestation, on voit un important cortège d’Algériens du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, dont le dirigeant Messali Hadj est en prison. Le cortège du MTLD s’étend sur plus de 300 mètres. Les Algériens sont dignes et disciplinés. Ils portent des banderoles et des pancartes. Il est 17h20. Place de la Nation, la fin de la manifestation se disperse quand il se met à pleuvoir abondamment. Les derniers manifestants algériens courent, en pliant leurs banderoles, pour se mettre à l’abri. C’est alors que les policiers casqués se précipitent sur les porteurs de banderoles, les matraquent, déchirent et piétinent un portrait de Messali Hadj. Les Algériens se défendent avec les hampes de leurs banderoles et leurs pancartes. Les policiers doivent s’enfuir avant d’ouvrir le feu. On entend une centaine de détonations. Je vois des policiers, pistolets au bout du bras viser froidement leurs victimes. Des corps s’effondrent sous la pluie ; les pavés sont couverts de sang. La fusillade terminée, des personnes isolées sont matraquées. Des parachutistes ayant défilé le matin, coiffés de leurs bérets rouges et vêtus de leurs tenues de combat, se joignent aux policiers pour frapper.» Source le livre La bataille de Paris.
Selon le même témoignage, 7 manifestants sont tués et alors que 44 ont été gravement blessés. Les martyrs sont Draris Abdelkader, 32 ans, Ghazaouet, (Tlemcen), Daoui Larbi, 27 ans Aïn Sefra (Naâma), Bacha Abdellah, 25 ans Tazmalt (Béjaïa), Madjem Tahar, 26 ans Ith Yala (Sétif), Illoul Mouhoub dit Isodore, 20 ans Oued Ammizour (Béjaïa), Tadjtit Amar, 26 ans IfflIssen (Tizi-Ouzou) et le syndicaliste CGT Lurot Maurice, 41 ans Montey (Saint-Priest Ardennes).
L’hommage et la reconnaissance
Ce jeudi 6 juillet 2017, la mairie de Paris, que dirige Michèle Hidalgo (PS), organise une cérémonie commémorative à la mémoire de ces victimes. Une plaque sera en effet dévoilée place de la Nation au cœur de Paris.
Invité par les organisateurs de cette célébration, Ghafir Mohamed, dit Moh Clichy, ancien chef de la région nord de Paris au sein de la Fédération de France du FLN estime «qu’il y a des événements du passé officiellement éludés qui méritent des commémorations, en vue de contribuer un tant soit peu, à une véritable réconciliation entre nos deux pays qui ont une longue Histoire à partager».
Il est certain que l’Elysée a eu à donner son aval pour l’organisation de cet hommage. La gauche française libérée de ses éléphants (Mitterrand) très engagés dans la répression des Algériens avance à petit pas vers la reconnaissance des crimes commis en Algérie. On recense à son bénéfice la reconnaissance des massacres d’Octobre 1961, cette commémoration et, surtout, le discours du candidat Macron au sujet des exactions commises par la France en Algérie.
Seules une partie de la droite républicaine et l’extrême-droite xénophobe refusent d’affronter leurs responsabilités politiques dans le passé plein de sang et de larmes des deux pays.